Pour la dixième année consécutive, réaffirmant « le droit au logement et à la dignité » et prenant le risque de l’illégalité, le maire de Vénissieux prend des arrêtés d’interdiction des expulsions locatives et des coupures d’énergie.
Cinq jours avant la fin de la trêve hivernale, le Réseau alerte et solidarité organisait, le 27 mars, une manifestation contre les expulsions locatives, les coupures d’eau, d’électricité ou de gaz, « ces pseudo-solutions qui ne font qu’aggraver les difficultés des plus fragiles » (1). Parti de l’esplanade Jean-Cagne aux Minguettes, le cortège d’une centaine de personnes a rejoint la place de la Paix, en centre-ville, scandant « le logement c’est un droit, tout le monde devrait avoir un toit ».
André Mazuir, porte-parole du collectif, a dénoncé la hausse des loyers et la baisse de la construction de logements sociaux en France, « 20 000 de moins entre 2017 et 2018, alors qu’on compte plus de 2 millions de demandeurs, on est “En marche“ à l’envers ! » Le Réseau demande au président de la Région un moratoire sur les coupures d’énergies et annonce l’envoi d’une résolution au Préfet. « Ce sera notre contribution au Grand débat ».
Dix ans d’arrêtés « illégaux mais justes »
Présente à l’initiative, le maire de Vénissieux a confirmé qu’elle prendrait le 29 mars, pour la dixième année consécutive, des arrêtés interdisant sur la commune les expulsions locatives sans solution de relogement, les saisies mobilières et les coupures d’énergie et d’eau.
Ces arrêtés sont systématiquement attaqués devant le tribunal administratif par la préfecture. Le représentant de l’État estimant en effet que les risques de « trouble à l’ordre public » liés aux expulsions ne sont pas avérés, et que le maire outrepasse ses pouvoirs en faisant « obstacle à l’exécution d’une décision de justice ».
Michèle Picard persiste pourtant à prendre ces décisions. « Ma démarche, réalisée aussi par d’autres maires communistes, est un acte de résistance face à une loi injuste. Dans notre pays, 150 000 personnes, dont 30 000 enfants, sont sans domicile. Sans logement, pas de travail, pas de soins, pas d’école, pas de loisirs, c’est la spirale infernale vers la misère. Je rappelle que 566 personnes sont mortes dans la rue en 2018 ».
Les dispositifs d’État pointés du doigt
Pour le maire, ces arrêtés sont également destinés à faire évoluer la jurisprudence, « avec la volonté qu’un jour ils constituent un rempart légal contre l’injustice des expulsions ». L’un des arrêtés pris l’an dernier (interdisant les coupures d’eau) n’a d’ailleurs pas été déféré devant la Justice : « une petite victoire qui prouve qu’on a raison de se battre ». Michèle Picard conteste également l’efficacité des dispositifs d’aide au logement d’urgence mis en place par l’État : « Dans le Rhône, seuls sept ménages ont été reconnus prioritaires, alors qu’à Vénissieux uniquement, 122 foyers sont concernés par ces expulsions locatives ». Présente le 27 mars, l’association Jamais sans toit a apporté de l’eau au moulin du maire, indiquant que, « sur la semaine du 25 février au 3 mars, 73% des 2 283 personnes ayant demandé une mise à l’abri au 115 ont été refusés… »
Lors du rassemblement, un hommage a été rendu à Gérard Nesme, président de la CNL à Vénissieux, infatigable défenseur des locataires et du droit au logement, décédé le 24 janvier dernier.
(1) La mobilisation était soutenue par le RESF, la CNL, le Secours populaire, le Secours catholique, le Mouvement de la Paix, LSR, l’UL-CGT, le comité CGT-Privés d’emploi et précaires, le PCF, la JC, FI, LO.
Photos © Raphaël Bert – Expressions
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