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Bartabas, un homme nommé cheval.

Lors des prochaines Nuits de Fourvière, cet été, le célèbre théâtre équestre Zingaro, mené par Bartabas, revient planter son chapiteau dans le parc de Parilly le temps de trente représentations.

Photo Marion Tubiana

Croiser Bartabas, célèbre metteur en scène de spectacles équestres, c’est penser au western Un homme nommé cheval, récit d’initiation d’un lord anglais qui devient membre à part entière d’une tribu sioux. Fils d’un architecte et d’une médecin, rien ne prédestinait Bartabas aux chevaux sinon une passion, apparue dès son plus jeune âge. Aujourd’hui, son théâtre équestre Zingaro a 35 ans et s’apprête à se poser dans le parc de Parilly cet été, du 14 juin au 24 juillet, le temps de 30 représentations (devant 1 300 personnes chaque soir). Ex Anima, le nouveau spectacle, y sera présenté dans le cadre des Nuits de Fourvière.

L’occasion était trop belle pour s’entretenir avec l’homme-cheval. Dominique Delorme, le directeur des Nuits, le faisait d’ailleurs remarquer : « C’est un événement d’accueillir chaque fois Zingaro, d’autant plus en ce qui concerne l’installation. Pendant des années, nous avons baladé le chapiteau et, un jour, nous l’avons monté dans le parc de Parilly. Qui, désormais, lors des Nuits, sert exclusivement à Zingaro et au cirque Plume. Et chaque fois que l’un ou l’autre est programmé, cela change la structure du festival. Depuis 2003, nous avons fondé l’identité des Nuits sur l’accompagnement des artistes. Nous nous inscrivons dans la durée. »

Ce que Bartabas semble apprécier : « Donner un rendez-vous régulier aux spectateurs marque la complicité. C’est une récompense du travail quotidien. Le public n’est pas un juge, il devient un compagnon. »

Photo Marion Tubiana

Ce qui a été à l’origine d’Ex Anima ? « Savoir où on en est dans notre relation avec le cheval, répond le metteur en scène. Je voulais que les tableaux exécutés par les chevaux ne soient pas le résultat d’un dressage mais celui de l’instinct animal. Nous, nous mettons en scène cet instinct. Ainsi la scène où un cheval est rejeté par le groupe parce qu’il n’a pas la même robe vient d’une réaction instinctive. Ce qui a fait dire à un jeune spectateur d’Aubervilliers (NDA : où la compagnie Zingaro est installée) : « Les chevaux sont aussi racistes que les humains. » Mais cette réaction instinctive, est-ce que les chevaux allaient continuer à l’avoir, soir après soir ? Maintenant, ils la jouent comme des acteurs. Le spectateur regarde l’animal comme il regarderait un humain. Avec une position d’observation : qu’exprime-t-il ? Chaque scène dit des choses sur l’humanité. »

« Le public n’est pas un juge, il devient un compagnon. »

Cette écoute de l’animal, Bartabas la relie à l’évolution humaine. Qui, selon lui, n’aurait pas été aussi rapide si l’homme n’avait pas côtoyé le cheval. « Au XXIe siècle, l’homme vient d’abandonner le cheval, devenu juste un objet de sport et de choses mineures. Il ne participe plus à l’évolution humaine. »

Il cite, parmi les tableaux présentés dans Ex Anima, ceux du cheval de guerre ou du cheval dans les mines. « Pour le tableau du champ de bataille, les chevaux sont couchés sur le dos — ce n’est pas eux qui l’ont proposé, naturellement. Il faut se rappeler que la Première Guerre mondiale a tué plus de quatre millions de chevaux. »

À propos du titre du spectacle, il ajoute : « C’est le souffle de l’âme. Une des premières choses faites par l’homme, ça a été de souffler dans une conque ou une flûte. Pour la musique du spectacle, nous avons voulu inventer un rituel imaginaire sans être accolés à une culture musicale. C’est un stagiaire qui a trouvé ce titre. Quelque part, on entend aussi Ex Animal, comme si les chevaux n’étaient plus des chevaux mais des êtres humains. »

« Je ne choisis pas les chevaux »

« Je ne choisis pas les chevaux, affirme encore Bartabas, c’est eux qui me choisissent. Dans le spectacle Calacas, j’avais ainsi des chevaux noirs à têtes blanches qui m’ont donné l’idée des squelettes. Les chevaux, si je les choisis, c’est par hasard ou sur un coup de foudre mais sans idée précise de ce qu’ils vont pouvoir exécuter. »

Il détaille les qualités des animaux : « Ils ont une grande mémoire : olfactive, auditive, visuelle. Une fois qu’ils ont appris quelque chose sur une musique, par exemple, ils arrivent à le restituer. Dans Triptyque, je les faisais travailler sur Le Sacre du printemps de Stravinsky, avec une chorégraphie très précise. Au bout de plusieurs représentations, un cavalier m’a avoué qu’il ne savait pas sur quelle note démarrer mais que le cheval, lui, le savait. »

Photo Marion Tubiana

Dans le beau dossier de presse du spectacle, chaque cheval présent dans Ex Anima est présenté, photographié par Marion Tubiana. On s’aperçoit que plusieurs portent le nom d’un peintre : Van Gogh (parce que l’animal est né avec une seule oreille), Zurbaran, Le Caravage, Le Tintoret, Soutine. Si l’on rapproche cela de Mazeppa, le film réalisé par Bartabas qui mettait en scène le peintre Géricault, on se dit que les liens sont fort entre le maître écuyer et cet art.

« La peinture est ma première source d’inspiration, reconnaît Bartabas. Je vais assez peu aux spectacles, même si j’ai de grands souvenirs de théâtre : L’Âge d’or de Mnouchkine, Mistero buffo de Dario Fo et Orlando furioso de Ronconi. Et puis Pina Bausch, bien sûr. Mon inspiration vient plutôt des arts plastiques, plus disponibles. Mon travail est un art visuel et la peinture me touche beaucoup. La matière aussi me touche beaucoup, l’artisanat de la matière. Pour le spectacle Éclipse, j’ai rencontré Soulages. il m’a parlé de ses brosses, des outils qu’il utilisait, alors que j’avais de lui une image intellectuelle. Il est question de matière même lorsque le travail relève de l’abstraction. »

Ex Anima sera-t-il le dernier spectacle de Zingaro, comme semble l’annoncer Bartabas ? « En tout cas sous cette forme-là. Je n’aime pas me répéter. Je vais voir, j’aurais peut-être l’idée d’un solo qui sera différente. Comme elle a été vécue depuis 35 ans, l’aventure Zingaro arrive au bout. Je vais peut-être refaire le cabaret équestre. Et je garderai l’outil qu’est l’académie. Dans une école comme l’est cette académie, tu peux transmettre deux choses : ton énergie vitale et tes doutes. »

Ex Anima par le théâtre équestre Zingaro, dans le cadre des Nuits de Fourvière : dans le parc de Parilly du 14 juin au 24 juillet.
Billetterie ouverte mardi 29 janvier après-midi : www.nuitsdefourviere.com

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