Depuis le 17 novembre, la France est confrontée à de forts mouvements sociaux, notamment celui porté par les gilets jaunes. Le 10 décembre, le président de la République a annoncé un grand débat national pendant 3 mois et sollicité l’implication des municipalités. Michèle Picard, maire de Vénissieux, a invité les différentes formations politiques composant l’assemblée communale à s’exprimer sur la situation lors du conseil municipal du 17 décembre, avant de passer à l’ordre du jour. Nous publions des extraits de ces interventions. À cause d’un problème de messagerie, Djil Ben Mabrouk (sans étiquette) et les élus de la France insoumise, deux composantes de la majorité municipale, n’avaient pas pu préparer d’intervention. Ils nous ont donc fait parvenir leurs interventions respectives les jours suivant le conseil.
Michèle Picard, maire de Vénissieux
« Je me garderais bien de me lancer dans une analyse sociologique du mouvement des gilets jaunes, ce que je vois par contre et ce que j’entends, c’est l’addition de colères qui explosent, et qui, sur le fond, n’étonneront pas les élus locaux que nous sommes (…).
Depuis plus de 15 ans, le peuple n’est pas écouté, pas entendu, il se sent à juste titre, méprisé par la technocratie de Bruxelles et de Paris. La violence et les débordements qui ont eu lieu, que je condamne fermement, n’ont-ils pas été entretenus, d’une façon ou d’une autre, par la surdité de l’État, indifférent au referendum de 2005, comme aux grands mouvements sociaux de ces 10 dernières années ?
Pour une fois, la communication a été inversée. Elle est partie du peuple, de ceux qui produisent et travaillent dans tous les territoires, pour remonter jusqu’au gouvernement, et Paris. Elle associe les Gilets Jaunes, mais aussi le secteur hospitalier, avec les urgentistes, les ambulanciers, le monde de la justice et les lycéens, face à la peur d’un avenir sombre, et d’une mise en concurrence des filières.
(…) Le chef de l’état a invité, dans le cadre de la consultation nationale des trois mois, à faire remonter la parole des Français via les collectivités locales. Notre Ville ouvrira donc des cahiers de doléances et de revendications, dans les trois mairies de notre territoire, à disposition de tous les Vénissians. »
Intervention à retrouver dans son intégralité ici
Christophe Girard, président du groupe « Pour la victoire du bon sens à Vénissieux » (Les Républicains, Debout la France, Parti Chrétien Démocrate, société civile)
« Il y a bien longtemps qu’une telle grogne sociale ait secoué aussi violement notre pays. Le ras-le-bol et l’exaspération touche la très grande majorité des Français. Les agriculteurs, les pompiers, les lycéens, les Gilets Jaunes…
Ce mal-être n’est pas nouveau, mais M. Macron après avoir surfé pour se faire élire sur le désir de changement des Français, avec la complaisance des médias, n’a fait qu’accélérer ce que les Français voulaient voir disparaître. À cela, lui et son équipe hors-sol ont ajouté un mépris et une arrogance de petits premiers qui a mis le feu aux poudres.
La dernière intervention du Président fait apparaître qu’il joue encore la montre en lâchant du lest, mais qu’il ne changera rien sur le fond. Il achète le répit, mais nous pouvons être certains qu’il ne sera que de courte durée. Car aux mêmes remèdes, les même effets. Le non changement ne fera que rendre plus violent les prochaines révoltes.
(…) La fracture entre les élites et le peuple est devenue totalement insupportable. Cette fracture est celle de l’ultra-libéralisme que les « Gaulois réfractaires » n’acceptent pas, n’acceptent plus, tant elle est source de souffrances. Le modèle social que l’on veut leur imposer est, dans les faits, inhumain. En cela ce mouvement est sans précédent de par la typologie des manifestants et de par ses fondements. A ce titre, ce mouvement a surpris tous ceux qui étaient aveuglés soit par leur sentiment de toute puissance (c’est le cas de Macron et de tout le système), soit ceux qui étaient aveuglés par leur idéologie (c’est votre cas et celui de vos camarades). M. Mélenchon et les forces de gauche n’ont rien vu venir et malgré leurs tentatives de récupération, ce mouvement leur échappe totalement (…). »
Intervention à retrouver dans son intégralité ici
Maurice Iacovella, président du groupe UDI « Vénissieux autrement »
« Ce mouvement de nature inédite a mis en lumière une crise sociale qui couvait depuis bien longtemps. En effet, beaucoup de questions sont restées sans réponse au fil du temps, comme le niveau de vie d’une partie des Français.
Lors des Présidentielles 2017, la nature des débats a escamoté bon nombre de ces questions pendantes. En mai 2017, les Français, pour la plupart, ont fait un choix par défaut induisant de fait un malentendu. Dès lors, le contenu du programme du candidat Macron, le style de gouvernance du chef de l’État et son arrogance parfois blessante en autres péripéties et l’absence de résultats probants ont déclenché une défiance dans la capacité d’Emmanuel Macron a transformer notre pays, comme promis.
Après 4 samedis de situation insurrectionnelle, le président de la République s’est enfin décidé à s’adresser aux Français, le 10 décembre. L’annonce des mesures en faveur du pouvoir d’achat pour les salariés et les retraités, avec effet dès début janvier, a commencé à porter ses fruits auprès de certains gilets jaunes et l’opinion publique.
(…) L’autre annonce concerne le grand débat citoyen. Les modalités de cette grande consultation ne sont pas complètement connues. Elle se déroulerait dans les territoires et serait animée par les maires.
(…) Nous estimons que le président de la République a pris la mesure des dangers pour notre pays du couplage de la crise sociale et de la crise politique qui commençait à poindre. Le succès de cette consultation n’est pas une option. Il est vital pour la démocratie française. »
Lotfi Ben Khelifa, président du groupe « Ensemble pour Vénissieux » (socialistes et républicains)
« Nous pensons que toutes les colères peuvent s’exprimer mais sans violence. La manifestation est un droit constitutionnel que nul ne pourra abroger, fort heureusement. Nos premières pensée vont aux victimes et à leurs proches, qu’ils soient des gilets jaunes ou des forces de l’ordre.
(…) Evidemment, nous condamnons toutes les violences qu’elles proviennent des casseurs, de certain gilets jaunes, des forces de l’ordre, ou de l’extrême gauche Mélenchoniste et communiste, qui veulent récupérer le mouvement ou de l’extrême droite des Le Pen, qui ne souhaitent qu’une chose, mettre notre pays à genoux.
(…) La situation qu’a connu notre pays ces dernière semaine a conduit le Président de la République à lancer un vaste débat public. Celui ci portera sur quatre questions majeures : la transition écologique, la fiscalité, la démocratie et la citoyenneté, l’organisation de l’État et des services publics. L’organisation de ce grand débat sera confiée à la commission nationale du débat public. Cette autorité administrative indépendante a pour mission d’informer les citoyens et de faire en sorte que leur point de vue soit pris en compte dans le processus de décision. Les modalités d’organisation seront précisée prochainement, mais nous avons tous bien entendu que les maires seront sollicités pour mener à bien ce grand débat. »
Intervention à retrouver dans son intégralité ici
Pierre-Alain Millet, président du groupe Communistes et apparentés
« La fracture politique et citoyenne qui marque notre pays, a conduit celui qui se présentait comme Jupiter à descendre de son Olympe Elyséen, avec retard et difficulté, et à nous demander d’organiser des débats publics. Quel aveu !
(…) Le président a ainsi découvert la profondeur de la fracture politique et citoyenne qui marque notre pays, la défiance à l’égard des institutions, de notre vie démocratique, des partis politiques eux-mêmes. (…) En contraignant ce gouvernement à accorder 10 Milliards d’euros d’aides diverses, cette colère populaire a bousculé la vie politique, et nous espérons qu’elle se poursuive en trouvant le chemin de sa propre organisation, de sa propre prise de conscience politique, et donc de l’engagement pour ne pas se contenter des miettes que ce gouvernement fait sembler de leur donner, alors qu’il fait payer toujours les mêmes, et protège toujours les vrais gagnants de cette société pour les riches.
(…) C’est le plus grand défi pour les gilets jaunes, les lycéens, les blouses blanches ou les cols bleus : trouver les formes du mouvement qui construisent le rapport de forces nécessaire, tout en élargissant son unité et le soutien populaire le plus large. Comment retourner la violence sociale qu’impose ce gouvernement sans jamais laisser la violence nous diviser, comment bloquer réellement les profits des plus grands sans perdre le soutien de ceux qui ont un peu et craignent de le perdre…
(…) Nous appelons notre peuple à relever la tête, à s’organiser pour que le mois de Janvier soit un mois de mobilisations sociales et politiques fortes pour une vraie augmentation des salaires, et un processus de reconstruction politique d’une république sociale. »
Intervention à retrouver dans son intégralité ici
Djil Ben Mabrouk, élu sans étiquette, société civile, majorité municipale
« Fin du mois, fin du monde ou fin du nouveau monde ? Le mouvement des gilets jaunes est parti des taxes sur les carburants, sous prétexte d’écologie. Très rapidement cette colère s’est transformée sur plus de pouvoir d’achat, plus de services publics de proximité, moins de taxes, moins d’impôts, plus de justice sociale. Cette crise marque un tournant dans le quinquennat de notre président. C’est l’échec de la méthode bonapartiste qui a négligé les corps intermédiaires (élus, syndicats, associations). Mais attention ce mouvement c’est la baisse de confiance à l’égard des institutions et des représentant politiques de gauche comme de droite. Cette colère vient de loin. Depuis trente ans le taux d’abstention à toutes les élections ne cesse de chuter. Les gilets jaunes ont inventé une nouvelle pratique politique, décentralisée, fondée sur l’initiative locale sur le refus de délégations et pourtant capable de conduire une action à l’échelle nationale. Mais pour quelle suite ? Toutes les révoltes populaires du passé ont toujours trouvées écho soit sur les forces politiques existantes ou à construire ! Le référendum d’initiative populaire, le cahier de doléances dans les communes, les consultations citoyennes peuvent être des outils pour une reconquête démocratique. Nous, élus de proximité devrions bien nous en inspirer. »
Idir Boumertit, président du groupe France Insoumise – Parti de Gauche
« L’arrogance doit céder. Partout dans le pays, la colère sociale, l’injustice fiscale et la fracture territoriale se ressentent chez nos concitoyens. Des années durant, nous avons constaté l’absence de conquête sociale mais toujours plus d’efforts demandés aux Français dans l’objectif de respecter les 3% de déficit budgétaire. Une austérité comme unique cap politique chez nos gouvernants successifs. Monsieur Macron a accentué cette injustice. Après avoir demandé plus d’efforts aux retraités, il supprime 500 millions d’euros d’APL aux plus pauvres pour redistribuer 4 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches.
La transition écologique n’était pas la raison de ces hausses. Ils le savaient. M. Macron était d’ailleurs le ministre qui avait remplacé les trains par des cars. Si M. le Premier ministre annule aujourd’hui les taxes prévues pour 2019 sur le carburant, il est clair que cette initiative ne semble pas répondre aux revendications des résistants gilets jaunes. Comme entendu sur les ronds points, cela semble être perçu comme « des miettes ». Et comme ils le disent , ils ne sont pas des « pigeons ».
Si nous condamnons fermement les violences opérées par des casseurs professionnels, nous soutenons largement les mouvements des gilets jaunes, ainsi que leurs revendications. Nous saluons leur courage et leur détermination. Aussi, nous saluons la mobilisation des lycéens à faire valoir leur droit à un avenir meilleur aux travers des différentes manifestations. Mais cela ne doit justifier les violences de quelques parasites qui brouillent par leur comportement les revendications légitimes. »