Arrêt du T4 Herriot-Cagne, sur l’avenue Marcel-Cachin, en milieu de matinée de ce jeudi 6 décembre. Plusieurs dizaines de gamins, essentiellement des lycéens de Jacques-Brel, sont rassemblés là, depuis que les CRS les ont refoulés de devant l’établissement, en début de matinée. Juste à côté, se tient le marché des Minguettes, l’un des plus fréquentés de la région. La circulation du tram est interrompue depuis 7h30 du matin. Face aux jeunes, un cordon de CRS stationne devant la Maison de la Métropole, à 150 m de la station TCL.
À 10 heures, un groupe de jeunes gens ramène des poubelles-containers à roulettes de la résidence voisine, les placent sur les voies du tram, et y mettent le feu à grands cris en direction des policiers. Ce qui se passe alors surprend tout le monde. Ce ne sont pas les policiers, qui chargent, mais quatre dames du quartier !
« Rentre à la maison ! »
Quinquagénaires ou retraitées, équipées de sacs à main ou de cabas pour les courses, elle quittent le trottoir où elles observaient la scène en rouspétant, et enlèvent les bacs-poubelles fumants, les replaçant sur le trottoir. Sous le regard sidéré des gamins, qui n’osent pas bouger, estomaqués par le geste inattendu de ces dames qui pourraient être leurs mères, leurs tantes, leurs voisines. C’est le cas, d’ailleurs. « Salim, rentre à la maison ! Tu vas voir tes parents, quand ils vont savoir ce que tu fabriques ! » « Et toi Aya, pourquoi tu traînes avec ceux-là ? La honte sur toi ! Vous allez être blessés ! »
Revenus de leur surprise, quelques garçons sifflent, crient et tentent de reprendre les containers. Mais ils sont accueillis par une volée de bois vert des dames qui font volte-face et commencent à les sermonner. « Quoi, tu veux me taper, toi ? Je pourrais être ta mère, sale gosse ! » « Je travaille à Chassieu, à cause de vous, je peux pas prendre le tram ! Pourquoi tu m’empêches d’aller au travail, c’est toi qui fait bouillir la marmite peut-être ? » Quelques gamins ricanent, un peu jaune, puis une petite bande va chercher une autre poubelle.
« C’est des bons gamins »
Pas pour longtemps, car le cordon de CRS avance depuis le rond-point Marcel-Cachin, tandis qu’une autre escouade, qui a contourné le groupe par l’allée du Président Herriot, arrive sur leurs arrières et provoque une débandade générale. À 10h20, l’arrêt du tram est derrière la ligne de policiers. Sur le trottoir, les mamans assistent à la dispersion, désolées par le spectacle. « C’est malheureux de voir ça, dit l’une d’elles. C’est des bons gamins, vous savez, c’est « bonjour Madame » quand ils nous croisent, les yeux baissés, et puis là, en bande, ils se prennent pour des caïds ! » Une autre s’insurge. « Ça fait 40 ans que j’habite ici, j’en ai vu des choses, c’est toujours pareil, ils cassent et salissent leur propre quartier, ça avance à quoi ? »
« Mauvaise image sur le CV »
Une jeune fille s’approche. En BTS au lycée Colbert, elle habite à côté. « C’est débile, ça donne encore une mauvaise image de Vénissieux, qui nous colle quand on met notre adresse sur un CV ». « On s’en fiche de ça ! intervient une lycéenne. La police vient nous provoquer chez nous et ils nous gazent dans la figure, ils gazent tout le monde, ils nous tirent dessus, c’est normal qu’on soit énervés, c’est l’effet de groupe. » « Je suis passée devant Jacques-Brel, vous avez jeté des cailloux dans les vitres, lui répond l’étudiante. Allez faire ça à Bellecour, et je viens avec vous, mais là, ça sert à quoi ? » En repartant vers le marché, avec son caddie, une mamie lance « c’est mai 68, qu’il faut faire, c’est mai 68 ! ».
Ce vendredi 7 décembre, sera une journée nationale d’action lycéenne. À Lyon, une manifestation (contre le dispositif Parcoursup et la réforme du bac) partira de la place Jean-Macé à l’appel du syndicat lycéen UNL, soutenu par plusieurs syndicats de l’Éducation nationale (SNES, CGT, FO, SUD, CNT).