Les parents de Katia Vichard n’étaient pas musiciens, même si sa mère travaillait à l’école de musique de Vénissieux. « Parmi mes ancêtres, sourit-elle, on compte un chanteur d’opéra et un pianiste. Ça a sauté une génération. » La musique est toutefois bien ancrée dans la famille puisque son frère Laurent deviendra clarinettiste professionnel. Katia, pour sa part, teste la flûte à bec : « Au bout d’une année, je devais passer une audition publique salle Debussy, à l’école de musique. J’avais 8 ans, il y avait plein de monde, et c’était impossible pour moi de jouer devant eux. Je ne suis jamais retournée vers la flûte. »
Heureusement, la fillette découvre le saxophone avec Gilles Raymond. « Il paraissait sympa, je voulais bien essayer. Quand je suis entrée à l’orchestre d’harmonique, devenu le Presto, on a eu plein de projets et on s’est produit dans plein d’endroits, de Brive-la-Gaillarde à la Pologne. C’était motivant. »
Ses études, elle les fait à Vénissieux (maternelle Gabriel-Péri, école du Charréard, collège Elsa-Triolet, lycée Jacques-Brel) et Lyon (collège Clémenceau, lycée musical Saint-Exupéry à la Croix-Rousse). Alors qu’elle suit sa seconde à Jacques-Brel, un nouvel enseignant de saxophone à l’école de musique booste Katia et la pousse à entrer au Conservatoire national de région de Lyon en saxophone contemporain. « J’obtiens une médaille et un prix de perfectionnement au CNR, puis je travaille avec une pointure à Cergy-Pontoise où je passe également une médaille. Je suis ensuite entrée au Conservatoire national supérieur, à Paris. Après, ce n’était plus possible pour moi de rester, il fallait que je passe à autre chose et j’ai bifurqué vers le théâtre. Avec le saxophone, il me manquait quelque chose, une partie plus corporelle. J’avais le souvenir d’une compagnie que j’avais vue à Vénissieux. C’était Traction Avant. J’ai tapé à la porte et me suis inscrite aux cours de théâtre de Mireille Antoine. En parallèle, je suivais une formation au théâtre de l’Iris et j’ai aussi rencontré Fred Ronzière et le Bidul’Théâtre. »
À cette époque, Mireille Antoine parle à Katia d’un atelier vocal qui démarre, suite d’une rencontre entre Marcel Notargiacomo, directeur de Traction Avant, et Jean Tricot, un musicien de Gignac qui a créé la Fanfare à mains nues. « Je suis allée à une répétition, reprend Katia, et j’ai halluciné. Il y avait quinze personnes debout, en rond, qui faisaient de la musique avec leurs corps et leurs voix. Cela a été un virage musical, professionnel et personnel. Je n’ai plus quitté la fanfare pendant vingt ans. »
« J’ai laissé quelques gouttes de sueur mais c’était motivant. »
Après le défilé de la Biennale de la danse 2000, pour lequel Jean Tricot avait composé la musique, le Gignacois fait comprendre qu’il ne peut se partager entre l’Hérault et Vénissieux et que quelqu’un doit prendre le relais. Il propose Katia comme directrice musicale. « Je veux bien essayer, me suis-je dit… et ce fut génial ! Je suis restée de mars 1998 à juin 2018. Je me suis construite avec ce qui est devenu Les Mains nues. Nous avons modifié le nom en 2006 puisque la Fanfare à mains nues, créée à Gignac en 1994, continuait d’exister. Jean était un précurseur avec cette formation ouverte à tous, ces gens qui chantaient sur les marchés. Je me suis appropriée cette pédagogie. »
Katia mène une série de projets avec adultes et enfants. Elle crée aussi Ohé, avec Traction Avant en 2006, travaille comme comédienne avec la compagnie du Sourire de la Vénissiane Ghislaine Bendongué. Avec Andante Casi Mollo, elle apprend à jouer de l’accordéon diatonique. Puis part deux années de suite en Chine, en 2013 et 2014, pour deux spectacles de rues, Pistil Joe et Le Bal des sentiments. « C’était avec le Bidul. On s’éclatait. Comme il y avait quelques phrases, du coup j’ai appris du chinois pour l’occasion. C’était formidable de voir les gens s’émerveiller. » Pour la compagnie Kotekan de Jean-Pierre Goudard, elle apprend à pratiquer un instrument indonésien, le gamelan, « sur lequel on peut jouer jusqu’à 25 ».
Katia tombe des nues lorsque Marc Bernard et Slimane Bounia viennent la trouver pour lui proposer… de composer la musique du prochain spectacle de Traction Avant, Le Courage des oiseaux. « J’avais bien écrit quelques morceaux de percussions corporelles pour Les Mains nues. Mais là, une comédie musicale urbaine… Ça fout la trouille, c’est nouveau ! J’étais dans un gros virage professionnel. J’avais arrêté Les Mains nues, ouvert les vannes… J’ai eu cette proposition… Fallait y aller ! »
Et elle y va, malgré les doutes. « J’ai laissé quelques gouttes de sueur mais c’était motivant. Avec un côté magique. J’ai cherché. D’abord, rien. Puis des choses qui se construisent, un résultat qui vient de je ne sais où. C’est concret et abstrait à la fois. Au départ, on m’a demandé de la musique urbaine qui devait emballer les jeunes. Je me suis mise à écouter Eminem, d’autres encore, à fouiller le RnB américain et français. C’était un triple, quadruple challenge. J’ai composé cinq tableaux musicaux, quarante minutes avec des ambiances diverses. Je me suis inspirée de la musique urbaine mais c’est finalement ma sauce, ma couleur. »
Quand elle fait écouter ses propositions aux jeunes réunis par Traction Avant, ça semble prendre. Katia est inquiète mais le virage qu’elle est en train d’amorcer prend de la consistance. « Je ne sais pas où je vais », reconnaît-elle, visiblement satisfaite d’avoir tenu le pari.
Le résultat ce 5 décembre à 20h30, au Théâtre de Vénissieux. Et on lui fait confiance.
Le Courage des oiseaux, le 5 décembre à 20h30 au Théâtre de Vénissieux.
Réservation auprès de Traction Avant : 04 72 90 11 84.