Le nouveau dispositif d’accès à l’enseignement supérieur semble aggraver la mise à l’écart des bacheliers issus de lycées professionnels et techniques.
La phase principale de Parcoursup s’est achevée le 5 septembre dernier. Ce jour-là, à minuit moins une minute, le dispositif a fait disparaître tous les voeux restant sur liste d’attente pour les candidats ayant été acceptés dans une autre formation sans la valider. Ils étaient 72 000 dans ce cas, selon le ministère de l’Éducation nationale. Désormais, soit ils acceptent de s’inscrire là où on les a acceptés, soit ils se lancent dans la « procédure complémentaire » qui permet de postuler dans les formations présentant des places vacantes, jusqu’au vendredi 21 septembre.
Il y a aussi les candidats qui n’ont obtenu que des refus. Près de 50 000 selon les opposants à Parcoursup, cinq fois moins selon le gouvernement. « C’est inquiétant de voir autant de jeunes toujours sans affectation pour une rentrée déjà commencée », s’alarme Lucas Margain, de l’Unef-Lyon. Au niveau national, la campagne SOS-inscription lancée par le syndicat étudiant aurait recueilli à elle seule plus de 4 000 signalements selon ses organisateurs. Les recalés avec zéro réponse viennent « d’un bac professionnel ou technologique pour l’essentiel », reconnaît le ministère.
Un « piège »
De nombreuses organisations associatives et syndicales (d’enseignants, de lycéens, d’étudiants, de personnels de l’éducation) dénoncent le rôle discriminant de Parcoursup, dont l’algorithme est accusé de défavoriser les élèves issus de quartiers populaires. « Inquiétudes prématurées », « procès d’intention », répondait le ministère de l’Éducation nationale avant l’été. Début septembre, les toutes premières analyses des nouveaux effectifs d’étudiants tendent à confirmer les alertes du printemps.
« Sur nos 771 nouveaux inscrits, nous avons une augmentation de 17,4 % de bacheliers de la série S, et une chute de 12 % des bacheliers professionnels et techniques. Le différentiel est énorme, ça change complètement le profil social de nos étudiants », constate Anne Roger, professeur en Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) à Lyon 1, responsable du syndicat Snesup. Pour elle, l’explication réside dans le principe même de Parcoursup : les vœux n’étant plus classés par priorité, chaque établissement établit un classement des candidats en fonction de leurs notes et de leur capacité à rédiger une lettre de motivation. « On se retrouve avec une surreprésentation d’étudiants qui sont là parce qu’ils n’ont pas été pris dans la prépa qu’ils voulaient, alors que des gens motivés issus de bacs pro ont été écartés, déplore Anne Roger. Ce système est un piège. Il faut rétablir un classement prioritaire des vœux, car il donnait un débouché à des bacheliers issus de lycées pro, qui sont aussi capables que les autres de devenir d’excellents éducateurs sportifs ».
« Classes d’attente »
Pour Samuel Delor, enseignant au lycée professionnel Marc-Seguin de Vénissieux et responsable de la CGT Éduc’action 69, « Parcoursup a hélas bien rempli son rôle d’outil de sélection et de reproduction sociale. Mais le rejet massif des bacs pro et leur report vers les BTS a créé un énorme engorgement dans ces filières. Certaines formations ont gonflé leurs capacités d’accueil, mais surtout le ministère a dû inventer pendant l’été des « classes passerelles » rattachées aux lycées ! Une année supplémentaire imposée à des bacheliers pourtant admis dans un BTS, faute de place pour les accueillir ! Cela pourrait être l’occasion d’une remise à niveau, mais on ignore encore ce qu’on va leur faire faire, il n’y a aucun cadrage national sur le contenu pédagogique… On ne sait même pas qui leur fera cours, puisqu’en l’absence de financement spécifique, ces classes reposeront sur des heures sup ! » À la fin de cette année de « classe d’attente », les élèves auront-ils leur place réservée en BTS ou leur faudra-t-il de nouveau s’inscrire sur Parcoursup ? Le texte publié le 19 juillet dans le Bulletin Officiel de l’éducation nationale ne répond pas à cette question.
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