À la demande du préfet du Rhône, le tribunal administratif de Lyon a annulé lundi les arrêtés pris le 30 mars par le maire de Vénissieux, interdisant les coupures d’énergies, les expulsions locatives et les saisies.
Le 30 mars dernier, fin de la « trêve hivernale », Michèle Picard avait pris quatre arrêtés interdisant sur le territoire communal les expulsions locatives sans proposition de relogement, les saisies immobilières, les coupures d’électricité, de gaz et d’eau dans les résidences principales. Le préfet avait saisi le tribunal administratif de Lyon et demandé la suspension de trois de ces arrêtés (celui sur les coupures d’eau n’ayant pas été déféré). L’audience s’est tenue le 25 juin. Dès 10h30, une centaine de personnes s’étaient rassemblées devant le tribunal, rue Duguesclin à Lyon. Seule la moitié a pu entrer dans la salle d’audience, à la suite de Michèle Picard.
La représentante du préfet a pris la parole en premier, contestant les mesures prises par le maire. Sur la forme, d’abord. « Les arrêtés pris par Madame Picard outrepassent les pouvoirs de police accordés aux maires, il faut donc les déclarer illégaux. » Puis sur le fond, discutant les motifs des arrêtés. « On ne peut dénoncer une atteinte à la dignité humaine lors d’une expulsion, car cette notion implique une atteinte physique, ce qui n’est pas le cas lors d’une telle procédure, même si la situation peut être très douloureusement vécue », a estimé la représentante de l’État, ignorant sans doute que les expulsions avec « concours de la force publique » se passent rarement dans la sérénité…
Elle a ensuite rappelé que les personnes expulsables « peuvent recourir à plusieurs dispositifs, notamment le Dalo (Droit au logement opposable), dont le préfet est garant. Tous les efforts sont faits pour reloger les personnes ». Et d’illustrer cette volonté en citant le nombre de ménages vénissians reconnus prioritaires Dalo en 2017 : « 7, dont 4 effectivement relogés ». Une défense en forme d’aveu d’échec, quand on sait que 64 expulsions locatives ont été prononcées cette même année…
Créer une prise de conscience
Défenseur du maire, Maître Vergnon a rappelé que, « marche après marche, l’Histoire et la justice lui donnent raison. L’interdiction des coupures d’eau est désormais dans la loi. Ça n’a pas toujours été le cas, il a fallu pour cela un combat judiciaire et politique, qui justifie celui mené par le maire de Vénissieux depuis neuf ans. Protéger les plus fragiles en maintenant leur accès aux biens essentiels, c’est un devoir de la République qui n’est pas encore dans le droit. Un jour il le sera, car la réalité s’imposera à nous ».
Le président du Tribunal a ensuite donné la parole à Michèle Picard. « Mes arrêtés n’ont pas pour objectif de disconvenir à la loi, mais de protéger la population. Ils portent cette volonté de faire jurisprudence. Si je prends ces arrêtés, c’est pour créer une prise de conscience collective et mettre fin à cette spirale de l’exclusion. (…) Mon combat est l’acte responsable d’une élue de la République résolument engagée à défendre le droit de chaque individu de vivre dignement. »
Mais le juge des référés, sans grande surprise, a décidé de suspendre les trois arrêtés pris par Michèle Picard, suivant ainsi la demande du préfet.
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