C’est un comble : le projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » menace directement l’existence des Centres d’information et d’orientation. L’équipe du CIO de Vénissieux a dit son inquiétude à Michèle Picard, qui vient d’adresser un courrier à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
Il y a cinq ans, on en dénombrait 539 répartis sur l’ensemble du territoire. On en compte aujourd’hui environ 450. Sous le coup des restrictions budgétaires, le nombre des Centres d’information et d’orientation (CIO) ne cesse de se réduire. Le projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », récemment examiné à l’Assemblée nationale, pourrait leur donner le coup de grâce. Il envisage en effet le transfert des 3 700 psychologues de l’Éducation nationale des CIO dans les collèges et les lycées. Le service public de l’orientation ne relèverait plus de l’État mais des régions. Les points d’accueil qui émaillent le territoire seraient voués à la fermeture d’ici 2019.
Ces perspectives inquiètent fortement les personnels qui se sont mobilisés au niveau national, le 6 juin dernier, à l’appel d’une intersyndicale unanime. À Vénissieux, l’équipe du CIO dirigée par Martine Barge a sollicité l’aide du maire, Michèle Picard. Laquelle a récemment adressé un courrier à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, pour lui demander de « revenir sur les transferts des compétences des CIO et de réaffirmer le maintien de ce service public d’orientation au sein de son actuel ministère de tutelle ».
Outre le risque de perte d’équité entre régions — elles ne consacreront pas les mêmes moyens à leur nouvelle mission — cette réforme remet profondément en cause le principe même de service public d’orientation. Directement rattachés à l’Éducation nationale, les CIO ne concernent pas en effet que les collégiens et les lycéens, ils s’adressent aussi aux décrocheurs, aux élèves du privé, aux adultes en reconversion, aux étudiants, aux parents… Mais demain, à quelle porte iront frapper ces publics ?
Des lieux neutres, gratuits, bienveillants, ouverts à tous
Au CIO de Vénissieux, « sur 4 428 personnes ayant bénéficié au cours des dix derniers mois d’une ou plusieurs consultations, 866 n’étaient pas scolarisées », souligne Michèle Picard dans son courrier à la ministre du Travail.
« C’est quand même un paradoxe exceptionnel qu’une loi censée garantir la liberté de choisir son avenir professionnel entraîne la fermeture des structures qui permettent de choisir dans les meilleures conditions, s’insurge Martine Barge. Les CIO sont des lieux neutres, gratuits, bienveillants, ouverts à tous. Ce sera complètement différent dans les collèges et les lycées. Par ailleurs, en confiant l’orientation aux régions, on risque de favoriser le modèle dit « adéquationniste », c’est-à-dire une orientation qui s’adapte aux stricts besoins économiques locaux. Nous, professionnels de l’orientation, savons bien que c’est un modèle usé. Ce n’est pas parce que vous dîtes à un jeune qu’il y a du boulot dans le nettoyage qu’il y va. Et puis sur le fond, c’est une entrave à la liberté de choix. »