3 Questions à Yolande Peytavin, 1re adjointe déléguée aux droits des femmes, et Nadia Chikh, conseillère municipale déléguée aux droits des femmes.
Les moyens déployés pour lutter contre les violences faites aux femmes sont-ils suffisants ?
Yolande Peytavin : En France, en 2016, près de 130 femmes sont mortes sous les coups de leur partenaire. Il faudra atteindre quel chiffre pour que les choses bougent vraiment ? Si une épidémie touchait le pays en faisant 130 victimes par an, on ferait des recherches, on débloquerait des fonds. Pourtant, en 2018, on en est encore à quémander des euros pour aider les associations qui se battent au quotidien…
Nadia Chikh : Les associations manquent cruellement de moyens en effet, notamment pour les situations d’urgence. Mais il faut reconnaître qu’il y a eu des avancées ces dernières années. Sur un plan national déjà, avec la loi de Najat Vallaud-Belkacem pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la création du numéro d’urgence, le 3919, la formation des agents de police pour mieux accueillir les femmes qui viennent porter plainte, etc. Et sur un plan local, la présence d’une coordinatrice sociale au commissariat permet de libérer la parole des femmes, de les sécuriser et de mieux les orienter (lire par ailleurs).
Et qu’en est-il des mesures de suivi des femmes victimes de violences conjugales ?
Y.P. : C’est un vrai parcours du combattant pour les mettre à l’abri. Elles ont été violentées, rabaissées, dévalorisées, elles sont souvent sans ressources, et quand elles trouvent enfin le courage de quitter le domicile, elles ont parfois l’impression de devoir escalader l’Himalaya face aux conséquences de leur départ et à toutes les démarches administratives qu’elles ont à gérer. La Ville a signé une convention avec l’association VIFFIL qui permet d’avoir 25 places réservées pour l’accueil de Vénissianes et nous disposons d’un logement d’urgence mais provisoire. C’est mieux que rien mais loin d’être suffisant. Nous allons donc travailler à la mise en place d’un réseau avec les bailleurs sociaux de l’agglomération pour pouvoir mettre les femmes en sécurité dans des logements situés ailleurs que sur la commune. Il faut aussi réfléchir au suivi des enfants, obligés de quitter leur appartement, leurs copains, et à la façon de les accompagner dans le lien avec leur papa.
Quelles sont les mesures concrètes qui permettraient de faire évoluer les mentalités ?
N.C. : Je ne cautionne pas les initiatives telles que #balancetonporc. Selon moi, il s’agit plus de règlements de compte avec les risques de diffamations que cela entraîne. Pour autant, il ne s’agit pas de banaliser l’impact de la violence que de nombreuses femmes subissent au quotidien. Aujourd’hui, l’image de la femme est très dégradée. Sur Internet, la violence est partout. Il est donc important d’éduquer les jeunes à l’usage des réseaux sociaux qui véhiculent souvent une image négative de la femme. Dans les écoles, il faut mettre en place des cours autour de la citoyenneté, que les jeunes garçons comprennent par exemple que les jeunes filles ont la liberté de s’habiller comme elles veulent, sans être jugées.