Permanences d’associations spécialisées, hébergement d’urgence, présence d’une coordinatrice sociale au commissariat, à Vénissieux, les femmes victimes de violences conjugales bénéficient d’un soutien précieux lorsqu’elles décident d’entamer des démarches. Mais les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des attentes.
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C’est le numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Appel anonyme et gratuit 7 jours sur 7, de 9 à 22 heures du lundi au vendredi et de 9 à 18 heures les samedis, dimanches et jours fériés.
Il y a d’abord eu l’affaire Weinstein. Puis la déferlante #Metoo et #Balancetonporc. Ainsi, depuis plusieurs mois, les affaires de violences sexuelles font régulièrement la Une des journaux. Quant aux crimes conjugaux, ils quittent rarement les rubriques faits divers, alimentant régulièrement les débats féministes, comme cela a été le cas avec le meurtre d’Alexia Daval que son époux aurait étranglée « accidentellement ».
En France, les violences conjugales touchent toutes les classes sociales. À Vénissieux, les associations font face à une population précaire, des femmes isolées, souvent sans revenus. « Je rappelle souvent à ces femmes que les hommes n’ont pas tous les droits, insiste Carine Burnichon, coordinatrice sociale au commissariat de la ville (lire ci-contre). Le principe d’égalité est loin d’être évident pour elles, quel que soit leur âge. Il y a un gros travail de pédagogie à entreprendre, notamment auprès des plus jeunes, pour leur faire comprendre que les violences conjugales ne sont pas forcément physiques, que le viol entre époux existe, que leurs enfants aussi sont victimes de cette violence. »
Armel Juglard, qui anime des permanences juridiques pour le service Info Droits Victimes de l’association Le Mas, partage le même avis. « Les femmes que je reçois ont souvent du mal à verbaliser ce qui leur arrive, avance le juriste. Elles ont tendance à banaliser les faits. Je leur précise toujours d’essayer d’accumuler des preuves, de garder des mails, des textos. Et je leur propose également une prise en charge psychologique. C’est une longue procédure qui les attend une fois qu’elles sont prêtes à déposer plainte. »
Établir une relation de confiance
Au premier semestre 2017, la juriste Aurélie Navarro a reçu onze femmes victimes de violences conjugales lors de la permanence du CIDFF qu’elle assure à la maison des services publics de Vénissy. « Depuis une dizaine d’années, au siège lyonnais de l’association, on note de plus en plus de violences. Moins à Vénissieux, sans doute parce que les femmes ont du mal à se reconnaître comme victimes. Mais elles subissent de la violence au quotidien. Une violence verbale d’abord : des propos comme « je vais te violer » sont leur lot quotidien quand elles marchent dans la rue. Et quand on évoque le viol conjugal, elles ne réalisent pas qu’il s’agit effectivement d’un viol. »
À Saint-Fons, l’assistante sociale de l’association VIFFIL dresse un état des lieux avec les femmes qu’elle reçoit pour la première fois. Comment entamer une procédure de divorce, comment quitter le domicile, comment trouver un hébergement sont les questions auxquelles elle doit notamment répondre. « Il est important d’établir une relation de confiance avec ces femmes qui ne supportent plus de vivre dans la violence mais qui ne sont pas toujours prêtes à entreprendre des démarches. On discute, on réfléchit à des solutions mais on ne les oblige à rien. Nous leur apportons le soutien nécessaire quand elles en ressentent le besoin mais, bien évidemment, nous ne pouvons pas prendre de décisions à leur place. »
Dans des situations d’isolement et de grande dépendance, lorsque le mari exerce une toute-puissance, l’assistante sociale insiste sur la nécessité de photocopier ses papiers d’identité, ses fiches de paie, et de se procurer des certificats médicaux en les cachant en lieu sûr. « Ainsi tous les éléments sont rassemblés lorsque la victime décide de porter plainte. Il faut garder en tête qu’aucune femme n’est condamnée à vivre dans la violence. Les possibilités pour s’en sortir existent, même si cela prend du temps. »
Des moyens financiers insuffisants
En matière de violences faites aux femmes, « il y a un vrai travail à faire sur les mentalités, insiste Aurélie Navarro du CIDFF. L’égalité entre les femmes et les hommes est un principe constitutionnel depuis 1946. Pourtant, nous vivons toujours dans une société patriarcale régie par un rapport de domination. » Et quid des moyens financiers ? « On parle de plus en plus du harcèlement et des violences sexuelles mais les moyens ne suivent pas. Il s’agirait d’abord de mieux former les professionnels mais l’argent manque. »
Un constat partagé par l’assistante sociale de VIFFIL : « L’égalité femmes-hommes a été déclarée grande cause nationale du quinquennat mais depuis quelques années, on note plutôt une vraie diminution des moyens. Les numéros d’urgence sont saturés, les structures d’hébergement d’urgence ferment les unes après les autres. On ressent parfois un sentiment d’impuissance face à des femmes qui vivent dans une grande précarité. »
Ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes, marque la fin du Tour de France de l’égalité entre les femmes et les hommes, lancé en octobre par le Premier ministre Édouard Philippe et la secrétaire d’État Marlène Schiappa. Les priorités thématiques annuelles de la grande cause nationale du quinquennat seront alors définies. Reste à savoir si le gouvernement annoncera des avancées dotées d’un budget à la hauteur de ses ambitions.
VIFFIL
– Permanence à Saint-Fons mardi matin de 9 heures à 12 heures sans rendez-vous. Entretien individuel, gratuit et anonyme si besoin. Maison des associations de Saint-Fons, 1, allée Paul-Langevin. Tél. : 04 78 85 76 47.
– Permanence mairie du 8e arrondissement, jeudi matin de 9h30 à 12 heures sans rendez-vous. 12, avenue Mermoz – Lyon 8e.
http://www.viffil.com/
CIDFF, centre d’information sur les droits des femmes et des familles
– Permanence juridique lundi et jeudi de 9 heures à 17 heures. Sur rendez-vous, gratuit et confidentiel : 04 72 89 32 70. Maison des services publics de Vénissy (avenue Jean-Cagne, entrée côté rue Georges-Lyvet).
– Permanence vie personnelle et familiale (écoute et soutien de femmes victimes de violences) le jeudi matin tous les 15 jours. Sur rendez-vous, gratuit et confidentiel : 04 72 75 38 40. 65, boulevard Laurent-Gerin (dans les locaux d’Alizés Formation).
http://www.cidff69.fr/
Service Info Droits Victimes à l’association Le Mas
– Permanence juridique mercredi et jeudi sur rendez-vous à la Maison de justice et du droit, 18, rue Jules-Ferry. Tél. : 04 72 90 18 20.
http://bit.ly/2D9W1sq