L’ancienne mairie de la place Sublet ne fut pas la première « maison commune » de Vénissieux. Il y en eut deux autres auparavant, enfantées par les révolutions de 1789 et 1830.
Dans l’église les jours de pluie ou dans le cimetière qui l’entourait, quand le soleil brillait ! C’est là que se réunissaient les Vénissians d’Ancien Régime, lorsqu’ils voulaient tenir leur assemblée des chefs de famille, l’ancêtre de notre municipalité. Pour eux, il n’était pas question de disposer d’une mairie en bonne et due forme, comme à Lyon ou comme dans certains villages de Provence : la maigreur des finances locales ne permettait pas un tel investissement. Et puis, peut-être n’en voyait-on pas l’utilité ; l’espace entre les tombes faisait parfaitement l’affaire, et avait l’avantage d’appartenir à tous les habitants.
La Révolution française change radicalement les choses. En février 1790, l’Assemblée Nationale institue les communes, avec un maire et un conseil municipal à sa tête. Plus question désormais de se réunir dans un lieu improvisé. Dans les deux ans qui suivent, les Vénissians achètent donc une « maison commune ». Cette première mairie dans l’histoire de notre ville se situe au cœur du vieux village, et plus précisément au début de l’actuelle rue du Château, dont l’arc de cercle reproduit le tracé des anciens remparts. Très modeste, elle se résume en une salle pour tenir les réunions du conseil et pour célébrer les mariages, et en deux pièces à l’étage, qui coûtent chaque année 60 francs en bois de chauffage et en chandelles d’éclairage. Détail curieux, la mairie dispose aussi d’un cachot pour enfermer les malfaiteurs ou les suspects contre-révolutionnaires, en attendant qu’ils soient remis entre les mains de la justice. Une prison bien peu étanche, si l’on en juge au fait qu’un détenu s’en évada en août 1795 « par un trou qu’il avoit fabriqué à la muraille », attirant moult reproches de la part des autorités départementales ! Mais la maison commune cause aussi d’autres soucis bien plus préoccupants. Elle s’avère en très mauvais état, et pour tout dire aux portes de la ruine. Dès 1801, à peine dix ans après son achat, la commune doit investir à plusieurs reprises d’importantes sommes pour des réparations. Peine perdue, le bâtiment se dégrade de toutes parts, et les chantiers se révèlent aussi efficaces qu’un emplâtre sur une jambe de bois. La municipalité rend les armes et finit par abandonner le bâtiment, juste avant l’effondrement du toit et d’une partie des murs, en 1828.
« Le 24 décembre 1834, l’affaire est entendue.
En guise de cadeau de Noël, Vénissieux jette aux orties
son ancien bâtiment et décide de s’offrir un autre édifice,
en bien meilleur état »
Arrive la révolution de 1830, qui porte au pouvoir le roi Louis-Philippe et une nouvelle municipalité à Vénissieux, dirigée par Antoine Barioz-Busquet de 1830 à 1831, puis par Etienne Sandier de 1831 à 1848. Sandier prend à bras-le-corps le problème de la mairie. En juillet 1832, après avoir fustigé l’incurie de ses prédécesseurs, et constaté que « depuis plusieurs années, les habitants réclament vivement le rétablissement de cette maison commune », il fait dresser des plans et des devis pour réparer le bâtiment de fond en comble. Mais une loi venue de Paris en 1833 bouleverse ses projets. Désormais, toutes les communes de France d’au moins 300 habitants doivent entretenir une école de garçon sur leur territoire. Le maire et le conseil municipal hésitent alors sur la conduite à tenir : les vieux débris de la mairie vont-ils pouvoir abriter à la fois la maison commune et une école ? Le 24 décembre 1834, l’affaire est entendue. En guise de cadeau de Noël, Vénissieux jette aux orties son ancien bâtiment et décide de s’offrir un autre édifice, en bien meilleur état : à deux pas de l’église, sur la rue de la Brèche (en bordure est de la place Léon-Sublet actuelle), le sieur Jean Sandier dit Beaujean propose de vendre sa belle maison en pierres, avec sa cour plantée d’arbres, son puits, sa buanderie et son écurie pour les chevaux. Le tout est déjà destiné à l’accueil du public puisqu’il fait office… d’auberge. Allez donc trouver un emplacement plus judicieux ! Certes, l’aubergiste réclame le prix fort pour son établissement, 9 000 francs, alors que la reconstruction de l’ancienne mairie n’en aurait coûté que 5 000. Mais au diable l’avarice. La municipalité vient de vendre ses communaux et dispose d’un bon pécule en caisse, plus de 7 000 francs. L’on financera le solde en cédant aux enchères la vieille mairie en ruines.
Le dossier remonte la voie hiérarchique et parvient jusque sur le bureau du roi Louis-Philippe, lequel donne son autorisation à toute l’opération le 23 juin 1835. La vente de la propriété Sandier est passée deux mois plus tard, le 28 août 1835. L’année 1836 est consacrée aux travaux pour transformer l’auberge en mairie-école. La cuisine et la salle d’auberge du rez-de-chaussée, les deux chambres du premier étage et les greniers du second sont confiés à un architecte qui, moyennant la construction d’un escalier dans la cuisine et l’aménagement des greniers, installe la mairie et l’école aux deux premiers niveaux, et les appartements des instituteurs au dernier étage. Les Vénissians disposent enfin d’une mairie digne de leur gros village aux portes de Lyon, et de la modernité qu’ils entendent bien suivre. Pourtant, sa durée de vie fut bien courte : à peine plus de 40 ans. Dès les années 1870, le développement fulgurant de Vénissieux exigea la construction d’une nouvelle mairie. Mais c’est une autre histoire…
Sources : Archives de Vénissieux, registres des délibérations municipales, an II-1865, et 1 M 197/7. Archives de l’Isère, L 258, bulletin n° 24 (1799).
Derniers commentaires