À vélo, puis à pied, mais sans jamais complètement délaisser la petite reine, Philippe Gaudiez a toujours été un dévoreur d’espaces. Une passion qui n’a d’égal que son plaisir du partage.
« Je n’ai jamais dû passer un week-end chez moi à buller ou à me caler devant la télé », assure Philippe Gaudiez. Ce quinquagénaire a pour meilleurs compagnons de route des chaussures de rando et un sac à dos. « Vu le temps que je passe chez moi, ma maison est comme neuve, plaisante-t-il. Celui qui la rachètera fera une bien belle affaire. »
Son cousin Bernard est responsable de cette passion dévorante pour la marche, mais aussi le vélo, en tout cas pour ce mélange indicible de plaisir et de douleur. C’est d’abord à bicyclette que Philippe a appris à aimer à se faire mal. « J’avais une quinzaine d’années, Nanard m’avait invité à prendre part au rallye Charbonnières, c’était ma première sortie. Je me souviens que j’étais tombé dans une boutasse, mais que j’avais tenu à finir mon parcours. Déjà un signe. Le week-end suivant, je participais à une autre course. »
Philippe cherche alors à faire des chronos, comme tous les compétiteurs de son âge… « J’étais moyen sur le plat, mais dès qu’une petite montée s’annonçait, j’étais intenable. »
Habitant à Vénissieux avec ses parents, route de Corbas, Philippe prend une licence au CRV dans les années quatre-vingt-dix. Il s’affirme bon grimpeur. De simple licencié, il devient président du club pendant cinq ans, avant de mettre un terme à cette fonction qui dévorait tout son temps libre. « Je me suis même isolé de mes amis puisque j’étais continuellement attaché au club. J’ai mis du temps à m’en remettre. Passer de rouleur à marcheur devenait une évidence, comme ma passion des grands espaces. J’ai donc rejoint Rando Passion, une association lyonnaise, en 2003. Très vite, j’ai été membre actif, accompagnateur bénévole et puis guide. J’ai appris à lire une carte, je suis devenu un affolé de la carte IGN, et j’ai obtenu mon brevet fédéral d’animateur de randonnées en moyenne montagne. » Il arpente alors la chaîne de Belledonne, grimpe le Mont-Joly, parcourt la vallée du Queyras… Toujours par monts et par vaux.
Mais même en mouvement perpétuel, Philippe ressent le besoin de changement, de nouveauté. Et surtout de ne plus marcher seul. « J’ai eu envie de créer ma propre association de rando pour pouvoir partager pleinement ma passion. Simone Vincent, la présidente d’une association de rando du 8e arrondissement, m’avait suggéré de randonner avec des malvoyants. J’ai décidé de tenter la traversée des Alpes en 35 jours, de Thonon à Menton, avec des accompagnateurs et sept personnes aveugles ou malvoyantes : 270 heures de marche, 38 000 mètres de dénivelé, 65 cols passés, une moyenne de 22 kilomètres par jour. C’est ainsi qu’est né, en juin 2007, GTA Handic’Alpes, installée chez moi à Vénissieux. Ce qui devait être une seule sortie avec des personnes en situation de handicap, s’est transformé en association active que j’ai pu pérenniser durant 8 ans. Je ne voyais plus la rando de la même manière. »
Depuis, Philippe, qui ne tient décidément pas en place, a quitté GTA Handic’Alpes pour s’offrir du bon temps. Cette fois en avalant, à 50 ans passés, des trails de montagne, autrement dit des épreuves de longue haleine, très exigeantes sur le plan physique. À nouveau le besoin de se faire mal, de repousser les limites. Y compris celles de l’âge ? « Il y a sans doute un peu de cela, admet l’infatigable marcheur. Je suis un boulimique de l’effort. Heureusement, j’ai la chance d’avoir une compagne qui partage cette passion. »
Et quand il ne marche pas, il « coupe » avec du vélo. Couper est un euphémisme car en réalité Philippe n’a jamais délaissé la petite reine. Il vient même d’établir probablement un record en prenant part, début octobre, à son 41e rallye du Beaujolais. Il n’a raté aucune édition de cette sympathique épreuve cyclotouriste. Pour une telle fidélité, le maire de Villefranche lui avait remis, l’an dernier, une médaille. Et il y a dix jours, trois bouteilles de Beaujolais.