Né à Vénissieux, ce géographe porte sur la question des changements climatiques une réflexion originale centrée sur la dimension sociale.
Les cyclones, le réchauffement climatique, le développement durable, la transition énergétique… Il n’est pas un jour où ne reviennent sur le tapis médiatico-politique ces questions. Pas un jour où l’on ne parle des climatosceptiques et de la résistance de Donald Trump à l’Accord de Paris. Didier Soto est un géographe qui, à partir de l’université, s’est intéressé à ces questions climatiques. Grâce à un prof qui avait « un point de vue atypique ».
« Sur les tiraillements entre climatologues et climatosceptiques, qu’on appelle aussi désormais climato-réalistes, j’ai un point de vue critique sur les deux aspects. Mon positionnement veut rester scientifique par rapport aux questions politiques et industrielles, et l’on sait que cette thématique du climat n’est pas neutre. Ainsi, à qui va profiter la loi de transition énergétique sinon aux grands groupes qui vont se mettre en situation d’offres ? On ne tient jamais compte de la dimension sociale. On ne vit pas tous les changements climatiques de la même manière dans une ville ! »
Né à Vénissieux, Didier a vécu 24 ans aux Minguettes, rue Aristide-Bruant. « J’ai été à l’école Anatole-France, puis à La Xavière. » Il obtient son doctorat de géographie-aménagement en 2012, à Lyon 3, et parle des difficultés d’insertion professionnelle après l’obtention du diplôme, due à « la très forte compétition pour peu de postes ». Il a parcouru le monde pour des conférences (Europe, Brésil, États-Unis) et travaille aujourd’hui sur le projet européen BRRISE (Bien-être, attRactivité des territoires Ruraux et Inégalités Socio-spatialEs), « à travers l’angle du bien-être en ville et à la campagne, en tenant compte de la mesure subjective du bien-être ».
Mais c’est sur d’autres questions que nous l’avons interrogé. Auteur d’une thèse sur les changements climatiques à une période géologique précise (le tardiglaciaire würmien, soit aux alentours de 10 000 ans avant Jésus-Christ), Didier a beaucoup d’interrogations sur les façons dont sont gérés aujourd’hui ces problèmes : « Il est question de placer des capteurs partout pour créer des villes intelligentes. Qu’est-ce que cela va apporter aux habitants ? Est-ce que les changements de comportements sont une affaire de riches ? De bobos ? Qu’est-ce qui va être fait dans les quartiers populaires pour renforcer l’attitude éco-responsable ? Pourquoi n’existe-t-il pas, par exemple, de Vélo’v dans ces quartiers ? Les requalifications des zones comme La Confluence chassent des cœurs de ville les classes ouvrières qui y habitaient auparavant. Les poches de pauvreté sont écartées aux marges des villes. Comment les classes les plus pauvres de la société peuvent-elles devenir éco-responsables si on ne met aucun moyen à leur disposition ? Les élus locaux travaillent avec des décideurs qui ont du mal à avoir une vision sur du long terme. Il faudrait que tous ces questionnements aient une dimension sociale forte. »
Une inégalité dans la vulnérabilité
Le géographe cite le travail du sociologue Jean-Baptiste Comby (La question climatique. Genèse et dépolitisation d’un problème public). « On parle en ce moment de la responsabilité du changement climatique dans la puissance des cyclones. Si on se posait plutôt les vraies questions ? Pourquoi laisse-t-on les Dominicains vivre dans de telles conditions, avec des constructions qui ne tiennent pas le coup ? À qui profitent la destruction et la reconstruction qui suit ? C’est comme à La Nouvelle-Orléans avec Katrina : ce sont les plus pauvres qui ont été les plus touchés. On constate une inégalité dans la vulnérabilité ! La question climatique devrait être un formidable vecteur de cohésion sociale. »
12 février 1980 : naissance à Vénissieux
Depuis 2003 : chercheur associé en géographie et aménagement à l’UMR 5600 RVS – CRGA Université Jean-Moulin Lyon 3
2012 : doctorat