Ce matin-là, dans une classe de CE1 du groupe scolaire Max-Barel, les enfants préparent des gâteaux. Leur institutrice est accompagnée de deux jeunes en service civique. Quelques semaines auparavant, d’autres volontaires organisaient des débats avec des élèves de CM1/CM2 sur des thèmes aussi variés que le handicap, la moquerie, l’égalité hommes-femmes…
Depuis quelques années, les écoles Paul-Langevin et Max-Barel accueillent ainsi, de septembre à juin, dix jeunes volontaires en service civique, cinq dans chaque établissement. Jordan, Judith, Clément, Maëlle, Valentine, Heather, Louis, Guillaume, Éléonore et Ocilia sont présents tous les jeudis et vendredis. Le restant de la semaine, ils effectuent d’autres missions. Ils ont entre 17 et 26 ans, travaillent 28 heures par semaine. Tous ont été recrutés par l’association Uni-Cités, dont le but est d’accompagner des jeunes souhaitant s’investir dans le volontariat. Et qui a mis en place « Les Néo-citoyens », une mission visant à faire vivre aux enfants une citoyenneté active au quotidien.
Avant de donner de leur temps aux élèves vénissians, ils ont eu un parcours différent : Jordan est titulaire d’un BTS technicien de laboratoire ; Judith, Allemande, effectue un service civique européen après avoir décroché une licence de psychologie à Cologne ; Clément a lâché la fac de droit en seconde année pour préparer le concours d’entrée de gardien de la paix ; Maëlle est titulaire d’une licence de psycho ; Éléonore a réussi une licence en Sciences Po, Valentine a un BTS de communication…
Aucun ne connaissait Vénissieux, à l’exception de Clément dont la famille habite les Minguettes. « Les problématiques du coin ne m’étaient pas inconnues. Sincèrement, je pensais que ce serait beaucoup plus compliqué. » Quant aux autres, ils n’avaient aucun préjugé. « Que les enfants soient en REP, REP + ou ailleurs, ce sont tous des gamins. Sauf qu’ici ils ont peut-être plus besoin d’être aidés. » Valentine dit pourtant s’être interrogée sur sa légitimité. « Travailler dans une école, ce n’est pas simple. Je me demandais si j’allais être acceptée. Je craignais d’être perçue comme la petite-bourgeoise qui vient dans un quartier populaire ! Je ressentais un peu de peur, de stress. En fait ça a été pour moi une vraie révélation. Mon choix professionnel va totalement changer : j’ai envie de travailler avec des enfants qui vivent dans ces quartiers. »
Entraide et coopération
Les journées sont très rythmées : « Nous commençons à 9 heures par une réunion d’équipes. À Paul-Langevin, nous mettons en place des jeux coopératifs pendant les récréations. À Max-Barel, on se pose dans la cour et on attend que les enfants viennent nous voir. En début d’année c’était surtout les filles, maintenant on a les garçons. Une fois la récré terminée, nous allons dans les classes. On a participé à des projets mis en place avec les enseignants. Nous en proposons également : on a travaillé sur le respect des règles, contre la violence, ou encore la pratique des jeux de société. »
Tous observent que l’expérience service civique a été enrichissante à tout point de vue. À l’issue de ces neuf mois, le bilan est extrêmement positif : « On a appris l’humilié. Les enfants apportent beaucoup. » Leur choix d’orientation professionnelle a été conforté pour certains. D’autres voient l’avenir différemment. Valentine a ainsi compris que son BTS communication était trop éloigné de l’humain. « Je souhaite devenir aide-éducatrice ». Clément, lui, ne veut plus entendre parler du métier de gardien de la paix, il souhaite « reprendre une formation pour décrocher un job avec les enfants ». Maëlle a renoncé à travailler dans des services de protection de l’enfance comme elle en rêvait : « Je voudrais me spécialiser en psychologie du travail ». En revanche, Jordan reste sûr de sa vocation d’infirmier.
Le 17 mai dernier, le Conseil économique social et environnemental (CESE) dressait un premier bilan du service civique. Instauré par la loi du 10 mars 2010, il propose des missions d’une durée de six à douze mois auprès d’associations, de collectivités ou de services publics. Elles sont rémunérées 580 euros par mois, dont 472, 97 euros pris en charge par l’État.
Le service civique est bénéfique pour ceux qui le font. Selon les auteurs du rapport, « le dispositif renforce le sentiment de confiance en soi et permet d’acquérir du savoir être et du savoir-faire. Par ailleurs, au fil des années, les recrutements prennent davantage en compte la diversité sociale ».
Le CESE émet pourtant quelques réserves : « si le service civique a un impact positif certain, sur les jeunes, un cinquième seulement des candidatures aboutit ». Par ailleurs, « il ne profite pas encore assez aux jeunes peu diplômés : les titulaires d’un CAP/BEP ne représentent que 6,9 % des volontaires ; contre 36,5 % détenteurs d’un bac ou plus ».
Enfin, dans son bilan le CESE met en garde contre le risque de concurrence du service civique avec l’emploi. « Nous avons constaté que le libellé de certaines offres de missions est parfois proche de celui d’offres d’emploi, tant sur le contenu que sur les compétences recherchées. » Pour lutter contre ce phénomène, la mise en place d’une autorité de contrôle est recommandée.