Il y aura bien un candidat du Parti socialiste dans la 14ème circonscription du Rhône. Ce sera Adrien Drioli, secrétaire de la section PS de Saint-Priest. Et non Lotfi Ben Khelifa, qui aura donc été candidat pendant 3 jours. Retour sur un feuilleton en 6 actes. Pour le moment.
Prologue
Cette clarification officielle met fin à plusieurs jours de cafouillage. Mais certainement pas aux vives querelles intestines du parti socialiste. Elles opposent les adhérents qui souhaitent maintenir une candidature PS et ceux qui soutiennent le député sortant Yves Blein, ex-candidat PS désormais investi par En Marche…
Acte 1 : les étiquettes valsent
Le 14 avril, une semaine avant le premier tour de la Présidentielle, Yves Blein, député sortant et candidat à sa ré-élection, annonce qu’il votera pour Emmanuel Macron, et non pour le candidat de son propre parti, Benoît Hamon. Dénonçant un manque de loyauté envers sa famille politique, sa suppléante désignée claque la porte le lendemain.
Le 11 mai, Yves Blein est investi par « En Marche » dans la 14ème circonscription. Conformément à ses statuts, qui n’autorisent pas de double affiliation, le Parti socialiste lui retire son investiture.
Yves Blein escompte que ce changement d’étiquette et la deuxième place d’Emmanuel Macron loin derrière Jean-Luc Mélenchon sur la circonscription, seront compensés par la dynamique électorale qui accompagne en général le vainqueur de la Présidentielle. Mais il vaudrait mieux éviter de perdre des électeurs de gauche au passage…
Acte 2 : champ libre au sortant
Le 16 mai, Lotfi Ben Khelifa (responsable du PS vénissian), Rémy Coindet (idem à Saint-Fons) et Michèle Munoz (idem à Feyzin-Solaize) publient un communiqué intitulé « Nous apportons un soutien « exigeant » à la candidature d’Yves Blein ».
Considérant que le député-maire de Feyzin « a été l’un des plus actifs pour mettre en oeuvre la politique de François Hollande » et qu’ils souhaitent éviter que la circonscription soit « de nouveau représentée par le Parti communiste » ou par le Front national, ils appellent les électeurs à voter pour Yves Blein.
« Nous lui apportons un soutien exigeant, écrivent les trois signataires. L’exigence de porter en tant que député au sein de la majorité les aspirations progressistes pour la mise en oeuvre d’une politique qui réduise les inégalités. »
Acte 3 : le grain de sable
Las, un grain de sable s’incruste dans les rouages de l’opération destinée à éviter une dispersion des voix préjudiciable à Yves Blein. Le caillou s’appelle Adrien Drioli. Secrétaire de la section du PS de Saint-Priest, il refuse le « sabordage du Parti socialiste pour sauver le soldat vallsiste Blein » et plaide pour le maintien d’une candidature PS.
Le 15 mai, une réunion d’adhérents du PS de la circonscription adopte cette position, qui est transmise à Paris, pour examen par la commission nationale d’investiture. Le surlendemain, Adrien Drioli dépose son dossier en préfecture.
Au grand dam des soutiens d’Yves Blein, Lotfi Ben Khelifa en tête, qui conteste la représentativité de l’assemblée de militants : « 17 personnes ont décidé pour les quelques 250 militants de la circo’. Etonnant non ? (…) Très énervé, j’ai finalement décidé que la meilleure façon de répondre à cette minable manipulation était de jouer la carte de la légalité, écrit M. Ben Khelifa sur son blog. J’ai déposé ma candidature à la préfecture et devant mon parti via un courrier adressé à Jean-Christophe Cambadélis. Nous verrons bien mardi quelle sera sa décision… »
Acte 4 : candidature fulgurante
Avec une rapidité déconcertante pour qui connaît les démarches exigées pour postuler à la députation, Lotfi Ben Khelifa dépose donc à son tour une déclaration de candidature, le 19 mai, dernier jour pour le faire. Il y a alors deux candidats socialistes dans la même circonscription, du jamais vu.
Le soir même, M. Ben Khelifa en appelle à une assemblée générale des adhérents du PS de la circonscription : « si cette AG décide de maintenir un candidat ou de n’en présenter aucun, je m’inclinerais » déclare-t-il à Expressions.
Acte 5 : AG expresse
Organisée par l’ancienne responsable départementale du PS, cette assemblée générale est convoquée par mail le 22 mai au matin pour le soir-même, à Feyzin. À la question « faut-il un candidat socialiste dans notre circonscription ? », 62 participants auraient voté « non », et 2 « oui ».
« Se pliant à la décision majoritaire », on suppose sans trop d’états d’âme, Lotfi Ben Khelifa a donc retiré sa candidature et invité son rival à faire de même. Les panneaux électoraux n° 13 qui avaient été attribués à M. Ben Khelifa devant les bureaux de vote resteront donc vierges. Et les électeurs ne recevront pas dans leur boîte aux lettres la profession de foi déposée en préfecture par l’attaché parlementaire d’Yves Blein… « J’espère que M. Drioli aura désormais l’intelligence de ne pas se présenter non plus, explique le vénissian. S’il se maintient, personne ne fera campagne pour lui et il devra assumer la responsabilité de sa défaite et de la perte éventuelle du siège ». « Je suis déjà en campagne, j’ai l’habitude de prendre mes responsabilités et je suis bien accompagné » lui répond point par point Adrien Drioli. Sa suppléante est la conseillère municipale de Vénissieux Sandrine Picot.
Acte 6 : Solférino, c’est rosse
Ce n’est pas Jean-Christophe Cambadélis qui a répondu au courrier de Lotfi Ben Khelifa, mais le secrétaire national Christophe Borgel. Dans un courrier daté du 23 mai adressé à la fédération socialiste du Rhône (voir ci-dessous), qu’Expressions s’est procuré, le dirigeant chargé du « pôle animation, élections et vie du parti » confirme l’investiture obtenue le 17 par Adrien Drioli. Lequel est donc bien le candidat officiel du PS dans la 14ème circonscription.
Epilogue ?
« Socialiste réformiste, je suis aussi un socialiste légaliste » écrivait Lotfi Ben Khelifa sur son blog, le 20 mai. Il ne devrait donc pas contester cette décision. Qui rappelle un peu celle de la direction nationale de France Insoumise, le 17 mai, qui avait imposé l’investiture d’un candidat dans la 14ème circonscription, contre l’avis majoritaire des militants locaux.