« Il y a encore quatre ou cinq ans, même pour les élèves qui n’avaient pas de réseau, la recherche de stage s’avérait bien moins compliquée. Aujourd’hui, seuls 20 à 30 % trouvent un stage dans le secteur qui les intéressent. » Le constat de Madame Bombois, professeur d’anglais au collège Balzac, est implacable.
Des difficultés qui s’expliquent de plusieurs façons. Certains secteurs n’acceptent pas ou peu de stagiaires de 3e. « Nos élèves qui souhaitent faire un stage chez un avocat, dans le secteur bancaire ou médical ont systématiquement des retours négatifs, poursuit Madame Bombois. Et les démarches sont devenues très compliquées du côté de la police ou de la gendarmerie en raison du plan Vigipirate. » D’autre part, malgré les contacts pris pour fidéliser les entreprises, certains professionnels « sont déçus de l’attitude de certains stagiaires » et refusent de réitérer une expérience qui ne s’est pas révélée concluante.
Enfin, ce serait aussi une question générationnelle selon la professeure d’anglais. « Les élèves sont de moins en moins autonomes dans la recherche de stage. Ils ne font plus l’effort de chercher par eux-mêmes… » Les parents font alors appel à leur réseau quand ils en ont un ou aux commerçants de leur quartier.
C’est bien grâce au réseau de sa maman que Noah, 14 ans, a décroché son stage d’observation à la rédaction… d’Expressions (qui habituellement accueille des stagiaires recrutés via CV et lettre de motivation) ! Ce collégien d’une grande maturité aura pourtant tout tenté pour décrocher un stage dans le secteur du design. Recherche sur le net, prise de contact par mail, sur place ou par téléphone : « La première fois, je me suis enfermé dans ma chambre pour passer le coup de fil ! Au début, je bégayais puis j’ai fini par prendre de l’assurance. Pour les mails, j’adaptais mon discours en fonction de l’entreprise. » Mais après 18 refus, Noah a préféré passer par le réseau de ses parents. « Tous m’ont envoyé bouler. À la fin, je déprimais honnêtement… » Et quid de ces collègues de troisième ? « Pour certains, chez un kiné ou chez une esthéticienne, il a juste suffi d’un coup de fil. Ceux qui ne savent pas ce qu’ils veulent faire passent par l’entreprise de leur père. Et les deux qui n’ont pas eu de stage se sont retrouvés à la cantine du collège. »
Des solutions existent
Signée en juin 2015 entre des entreprises vénissianes et la Ville, la charte de coopération s’est notamment donnée pour objectif de favoriser la découverte des métiers en facilitant l’accès aux stages. « L’un des enjeux de cette charte est de faciliter les contacts entre les jeunes et le monde économique, avance Djil Ben Mabrouk, adjoint au maire en charge de l’emploi et du développement économique. Ce mois-ci, un courrier va être envoyé à 38 entreprises de la commune pour connaître le nombre de stagiaires qu’elles sont susceptibles d’accueillir. Fin 2015, six entreprises ont répondu favorablement pour un total de 35 places. »
Si la liste de ces entreprises a bien été envoyée aux établissements, la professeure d’anglais de Balzac assure « n’avoir eu aucune information à ce sujet ». « Le lien a pourtant été fait avec l’ensemble des collèges de la ville, réagit l’adjoint. Le dispositif n’est peut-être pas parfait mais il a au moins le mérite d’exister. » Un adjoint qui se montre sceptique quant à la pertinence de ce stage d’observation : « Quand on sait que la quasi-totalité des stages se trouvent par réseau, comment fait un jeune avec un père au chômage et une mère au foyer ? Le temps est peut-être venu de réfléchir à un système plus pertinent et plus égalitaire comme l’organisation de rencontres par groupes au sein des entreprises… »
En attendant, pour les jeunes sans contact ni piston, le site www.viensvoirmontaf.fr s’est donné pour mission de « mettre en relation des jeunes de l’éducation prioritaire avec des professionnels motivés ». Le principe est simple : tout élève de 3e REP ou REP + peut postuler aux offres mises en ligne par des entreprises intéressées par cette démarche et l’équipe du site se charge de traiter les candidatures des élèves. Et ça fonctionne ! Le musée des Confluences s’apprête par exemple à accueillir une douzaine de stagiaires dont deux jeunes Vénissians. Sous réserve de mobilité à Lyon ou Villeurbanne, le site propose actuellement de découvrir le métier de journaliste à France 3, de chargé de communication à l’ASVEL Basket, des métiers en lien avec les TCL au sein de Keolis ou bien encore de la construction, de l’assurance, du consulting… À vos CV !