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Anatole-France, à l’école de la différence

Depuis la rentrée, l’unité d’enseignement en maternelle (UEM) de l’école Anatole-France accueille sept enfants de trois ans atteints de troubles autistiques.
Il s’agit de la seconde classe de ce type dans le département du Rhône. Un dispositif innovant qui allie les approches médico-sociale et scolaire.

Depuis la rentrée, l’unité d’enseignement en maternelle (UEM) de l’école Anatole-France accueille sept enfants de trois ans atteints de troubles autistiques. Il s’agit de la seconde classe de ce type dans le département du Rhône. Un dispositif innovant qui allie les approches médico-sociale et scolaire.

Dans la classe d’Ophélie Truchot, on trouve comme dans n’importe quelle classe de maternelle un coin bibliothèque et un coin jeux, un lieu de regroupement avec ses petits fauteuils multicolores, des espaces aménagés pour le travail en atelier en groupe ou individuellement. Depuis le 19 septembre, Éthan, Adam, Souheyl et quatre autres petits garçons y sont scolarisés. La présence de quatre éducateurs dans la salle vient rappeler que nous ne sommes pas dans une maternelle ordinaire. Tout comme le lieu hyposensoriel où l’enfant peut être pris à part en cas de crise ou s’il a besoin de temps calme sans stimuli visuels. Et les photos des enfants sur chaque table leur permettant d’identifier leur place pour le travail individuel. Sans oublier les images des différents lieux — affichés sur le tablier d’Ophélie — pour aider les élèves à accepter les transitions et leur donner des repères spatio-temporels.

Nous sommes à l’unité d’enseignement en maternelle (UEM) pour enfants présentant des troubles du spectre autistique. Installée depuis la rentrée dans les locaux de la maternelle du groupe Anatole-France, aux Minguettes, c’est la seconde du genre dans le département du Rhône. Dans la classe, les sept enfants ont manifestement du plaisir à réaliser des activités qu’ils mènent toujours à bout. Deux petits garçons commencent à jouer ensemble. Un autre s’approprie pour la première fois le coin lecture. Ophélie s’assied et commence à montrer les images. L’enfant écoute, répète les mots. Pendant ce temps, les éducateurs guident d’autres enfants dans leurs activités. Une guidance quasi permanente pour que l’enfant ne s’isole pas.

Ce partenariat entre le médico-social et le scolaire constitue la vraie nouveauté. Autour d’Ophélie sont présents dans la classe cinq éducateurs, une orthophoniste et une psychomotricienne, présentes deux jours par semaine, et une neuro psychologue sur place trois jours. Tous interviennent sur le temps scolaire à l’école pour la prise en charge individuelle de chaque enfant.

Intervenir précocement

Ophélie Truchot connaît le milieu du handicap pour avoir enseigné en CLIS (classe pour l’inclusion scolaire) pendant 8 ans. “L’autisme est un sujet fascinant. Mon objectif est que chaque enfant se sente bien en classe. Qu’il prenne du plaisir dans les activités proposées.” La journée type ressemble de très près à une journée de maternelle ordinaire : les parents déposent les enfants à 8 h 30. Jusqu’à 9 heures, c’est le temps d’accueil. Puis tous se retrouvent au coin regroupement. Sur les petits fauteuils chacun repère sa photo. Les éducateurs rassurent ceux qui n’arrivent pas à rester assis, ou que le groupe angoisse.

Dans cette unité, on valide les compétences : des ateliers sont organisés individuellement ou en groupe. Ce matin-là, certains ont eu des modèles à reproduire, des puzzles ou des encastrements à réaliser. Et de la peinture pour travailler sur les empreintes et les traces. À 10 heures, c’est l’heure de la récréation : “En début d’année nous avions la cour entièrement pour nous, précise Ophélie. J’ai demandé à mes collègues de maternelle si nous pouvions passer un quart d’heure de récréation en commun. Toutes ont été d’accord. Et ça se passe bien.”

Avant le déjeuner, place à la gym ! Les petits garçons se défoulent. Ils sautent, courent, roulent, grimpent. Puis c’est l’heure de la cantine : “Les enfants déjeunent ici, soulignent David et Philippe, éducateurs. Nous sommes à la même table. Notre premier objectif a été de rester assis ensemble sur le temps du repas. Cela n’a pas été facile. Certains élèves ne veulent pas manger ou uniquement certains aliments. Nous travaillons avec les parents. Ils ont dans le carnet de liaison l’ensemble des menus. On répond aux troubles que génère l’autisme. On est surtout des relais, des points d’appui.”

Ensemble pour porter le même projet

La création de l’UEM résulte d’un partenariat entre l’Agence régionale de santé — qui délègue le projet au SESSAD (Service éducatif spécialisé et de soins à domicile) Émile-Zola* de Villeurbanne — le Rectorat, qui a mis à disposition une enseignante spécialisée de l’Éducation nationale, et la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), qui permet l’identification des enfants susceptibles de bénéficier de cette scolarisation. Pour M. Collet, directeur du SESSAD, “la loi de 2005 a changé la représentation, le concept et l’idée de la place de l’enfant handicapé à l’école. L’idée d’une prise en charge précoce dans une logique de scolarisation des enfants autistes est importante.”

Le Rectorat voulait couvrir le territoire sud puisqu’une UEM existe déjà dans le 5e arrondissement de Lyon, rappelle Jael Vieira, inspectrice en charge de la scolarisation des enfants en situation de handicap. La municipalité de Vénissieux était partante. La directrice de la maternelle Anatole-France, Carine Lamarche, également.” Les enfants accueillis en UEM “doivent tous avoir été diagnostiqués par un psychiatre ou pédopsychiatre, présenter des troubles du comportement assez importants et ne pas avoir de langage, précise M. Collet. Le CRA (centre de ressources autisme) les a repérés grâce aux liens tissés avec la pédopsychiatrie locale via le CMP ou par le centre de diagnostic autisme.” Sept familles ont ainsi été contactées à Vénissieux, Saint-Fons, Bron, Lyon 8e et Sérézin-du-Rhône, pour que leurs enfants puissent bénéficier de cette prise en charge.

L’école est néanmoins consciente de ses limites. Si la scolarisation précoce prônée dans le 3e plan autisme (2013-2017) semble un net progrès, M. Collet se défend de promouvoir un modèle qui serait valable pour tous les enfants présentant des troubles : “Dès la première année, se préparer à l’orientation de l’élève est primordial. Certains enfants, à l’issue des trois années passées en UEM seront orientés dans des établissements spécialisés, d’autres dans une classe normale accompagnée par une assistante de vie scolaire.”

 

L’autisme se manifeste avant l’âge de trois ans

Défini en 1943 par Léo Kanner, l’autisme infantile se caractérise selon les termes de la classification internationale des maladies par “la présence d’un développement anormal ou déficient qui se manifeste avant l’âge de 3 ans dans chacun des trois domaines suivants de la psychopathologie : interactions sociales, communication, comportement au caractère restreint, stéréotypé et répétitif”. Les enfants souffrant d’autisme (trois garçons pour une fille) éprouvent des difficultés à acquérir l’usage de la parole, qui apparaît parfois “désorganisée”, c’est-à-dire qu’elle ne s’inscrit pas dans un échange verbal cohérent. On observe par exemple la répétition de mots ou de phrases entendus et répétés comme en écho. Les autistes reproduisent des comportements répétitifs avec leur corps comme l’agitation des mains, des mouvements de balancier et des manies. Ils adoptent des habitudes routinières et n’aiment pas les changements qui perturbent leur univers. Il n’existe pas de traitement curatif contre l’autisme. Des études ont permis d’établir que seules 10 % des personnes atteintes réussissaient à mener une vie sociale indépendante. Il est désormais établi que l’autisme et les autres TED (troubles envahissants du développement) sont des maladies dont l’origine est multifactorielle. 650 000 personnes (adultes et enfants) sont atteintes d’autisme en France.

* Structure régie par l’association AFG Autisme qui gère des services et établissements pour personnes autistes et dont le siège social est à Paris.

Note : Merci aux parents d’élèves, ainsi qu’à l’ensemble des équipes du SESSAD et de l’Éducation nationale qui ont accepté de nous accueillir à l’UEM.

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