En avril dernier, Xavier Fournand créait à Vénissieux sa pâtisserie : L’Atelier de Xavier. Le prestigieux guide gastronomique Gault et Millau vient de lui décerner un “coup de cœur” et la récompense de “la plus belle boutique”. Excusez du peu !
C’est sans doute à cela que l’on reconnaît les vrais commerçants : d’emblée, l’homme inspire la sympathie. Sourire facile, regard franc, Xavier Fournand a le sens du contact. Mais derrière cette simplicité, le patron de la pâtisserie L’Atelier de Xavier cache bien son jeu. Depuis cet été, il fait partie du cercle restreint des commerçants sélectionnés par l’édition régionale du prestigieux guide gastronomique Gault et Millau. Une belle récompense, qui vient couronner près de 35 ans de métier.
Rien ne prédestinait pourtant Xavier Fournand à se lancer dans la pâtisserie. “Mon père était plâtrier, ce n’était pas le même univers… Dans la famille, je suis le seul à travailler dans l’alimentaire, sourit-il. En fait, les choses se sont passées comme ça, en toute simplicité. Comme tous les gamins, à quatorze ou quinze ans, on commence à préparer des gâteaux… Et de fil en aiguille, la passion s’est installée, pour ne plus jamais me quitter.”
Voici la fin des années collège. De son propre aveu, le jeune homme ne se sent pas particulièrement attiré par l’école. “À l’époque, l’apprentissage en alternance commençait à se développer. Ce système s’est imposé à moi. Il me permettait de commencer à travailler dans un domaine qui me plaisait, tout en posant des jalons pour mon avenir. Deux ans plus tard, j’ai eu mon CAP de pâtissier. La seule chose que j’ai un peu regrettée par la suite, c’est d’avoir eu une formation limitée en gestion. Aujourd’hui, les jeunes ont de nombreuses possibilités de se perfectionner sur ce côté obscur du métier, mais tellement important ! On a beau être bon techniquement, si on gère mal son commerce, on va dans le mur.”
Quatre ans à l’école du Club Med
Nous sommes en avril 1988. Xavier Fournand vient de terminer son service militaire. “J’étais jeune, célibataire, sans travail, et j’avais une grosse envie de voyager. C’était l’occasion de tenter quelque chose ! Alors je suis parti quasiment quatre ans à l’étranger avec le Club Med comme Gentil Organisateur. Mais pas comme animateur. J’étais bien là comme pâtissier.” De cette expérience que d’autres auraient vécue comme une simple période de vacances prolongées, il reviendra grandi. “Je me suis énormément enrichi. J’ai rencontré des gens de tous bords. J’ai vu des paysages magnifiques. Et surtout j’ai appris beaucoup sur mon métier.”
Cet apprentissage, Xavier Fournand le fera directement sur le terrain. “J’ai d’abord travaillé un an avec un collègue, puis j’ai été “lâché” tout seul. J’ai alors commencé à gérer du personnel local au Sénégal, aux États-Unis, en Turquie, en Espagne… Les gens dont j’avais la responsabilité n’avaient pas nos manières de procéder, ils ne parlaient pas forcément la même langue, vivaient parfois totalement différemment…”.
Le “Gentil Organisateur” ne compte pas ses heures. “C’est vrai qu’on avait peu de repos et qu’on travaillait beaucoup. Mais on avait vingt ans, et toute l’énergie nécessaire.” C’est sans doute ce qui lui permettra de participer à l’organisation du sommet franco-africain de 1988, au Sénégal, en tant que chef pâtissier de la délégation française. “J’avais une quinzaine de personnes sous ma responsabilité. On nous demandait des choses plus simples qu’aujourd’hui, mais j’ai appris à gérer du personnel, un budget, de la logistique… Aux Bahamas, on était ravitaillé toutes les trois semaines. Il ne fallait pas se tromper dans la commande ! Finalement, toutes ces expériences ont été une très bonne école. C’est ici que j’ai appris l’exigence et la qualité.”
Des efforts couronnés de succès
De retour en France en 1992, Xavier Fournand trouve une place de pâtissier dans un restaurant gastronomique à Saint-Laurent-de-Mure, où il restera trois ans. En 1995, la boulangerie du village est à vendre. Avec son épouse, il rachète ce commerce qu’il connaissait depuis son enfance. Il la gardera vingt ans. “Saint-Laurent-de-Mure, c’était le village de mon enfance, celui où j’avais grandi. Quand nous avons repris la boulangerie, il y avait 3 500 habitants, contre presque 6 000 aujourd’hui. Le développement de la boulangerie est allé de pair avec celui de la commune. Vingt ans après, on avait refait le magasin trois fois après avoir déménagé pour suivre l’expansion de la commune.”
2015 sera une année quasi sabbatique, agrémentée de petits voyages en France. “On avait besoin de se ressourcer”, confie-t-il. L’occasion aussi, sans doute, de faire le point sur une vie déjà bien remplie, avant d’engager un tournant important. Puis c’est le coup de cœur pour Vénissieux. “On m’a présenté un jour cette opportunité. L’emplacement était intéressant, il y avait un très fort potentiel avec notamment ces places de parking… Et puis le secteur semblait vivant, les habitants accueillants. Je ne me suis pas trompé. C’est un quartier hétéroclite, avec des gens de toutes nationalités, de toutes religions. Il y a beaucoup de retraités, qui ont chacun leurs petites habitudes… En fait, c’est un vrai petit village !”
Le Gault et Millau vient couronner les efforts accomplis par deux distinctions. L’Atelier de Xavier reçoit le “coup de cœur” du guide (42 pâtisseries distinguées sur 300 auditées), et une seconde récompense, unique celle-ci, celle de “la plus belle boutique”. “Je pense que ce qui a fait la différence pour le coup de cœur, c’est le fait qu’on produise tout “maison” et que l’on travaille devant les gens. Nous préparons des recettes simples, traditionnelles. Des recettes de mamie en quelque sorte, ça change un peu du circuit traditionnel…, suppose Xavier Fournand. Quant à la récompense de la plus belle boutique, je sais qu’elle vient récompenser un ensemble de points positifs : l’accueil, le rapport qualité-prix, les efforts sur l’esthétique et la présentation.”
Xavier ne boude pas son plaisir. “Lorsque les gens rentrent dans la boutique et qu’ils voient le nom Gault et Millau, ils sont souvent surpris. C’est un gage de qualité. Le guide n’engage pas son nom au hasard, ou en fonction de la publicité qu’on prend chez lui. C’est une vraie fierté.”
Rachid Zani
26 octobre 2016 à 21 h 31 min
La récompense au bout de l’effort