Élodie Rodriguez, vénissiane pure souche, et son compagnon, Valentin Frechet, ont décidé de s’installer à la campagne pour vivre en accord avec leurs convictions. Parallèlement, ils ont créé plusieurs associations pour promouvoir l’agriculture urbaine.
Dès qu’il s’agit d’évoquer leur nouveau mode de vie, Élodie Rodriguez et Valentin Frechet sont intarissables. Ce jeune couple, dont les racines sont pour l’une vénissianes et pour l’autre lyonnaises, a décidé il y a bientôt dix-huit mois de s’installer à la campagne pour vivre principalement des produits de la ferme. Une sorte de “retour aux sources”, qui doit leur permettre de rester en accord avec leurs convictions personnelles, forgées notamment lors de voyages à travers la France, l’Europe et l’Asie.
Élodie a vécu à Vénissieux jusqu’à l’âge 17 ans, avant de commencer des études d’architecture à Marseille. “J’ai effectué ma scolarité d’abord à l’école Gabriel-Péri, puis au collège de La Xavière. Mes parents, mes amis, y habitent encore. […] On a toujours participé aux ateliers organisés par la Ville ou ses partenaires. Je me souviens notamment d’un voyage au Sénégal avec la Mission locale, pour rénover le musée Léopold-Sédar-Senghor. Sinon j’ai toujours suivi les biennales, le pique-nique républicain, les manifestations culturelles…”. Aujourd’hui, Élodie est architecte, spécialisée dans les constructions parasismiques. “Pourquoi le parasismique ? J’avais envie de faire quelque chose d’utile, je suppose… Je ne me satisfaisais pas du côté esthétique de l’architecture. L’idée, c’était de travailler avec les Architectes de l’urgence, une ONG qui apporte une aide et une assistance technique aux sinistrés de catastrophes naturelles, technologiques ou humaines. Du coup, maintenant, je donne des formations chez eux.”
C’est à Marseille qu’Élodie va rencontrer Valentin, qui deviendra son compagnon. Actuellement architecte paysagiste et écologue*, il y terminait lui aussi ses études. Et il partage avec elle, entre autres, un goût prononcé pour les voyages. “Après avoir vécu et étudié ensemble à Marseille, nous avons habité à Amsterdam, à Paris – Valentin travaillait au potager du roi à Versailles après avoir étudié en Allemagne et en Hollande – puis de nouveau à Marseille, reprend Élodie. Ensuite, nous sommes partis un an en voyage en Asie.” Ce périple se révélera un véritable parcours initiatique. “L’idée, c’était d’aller voir de près des populations qui vivent heureuses avec un modèle de société totalement différent du nôtre. C’est pour cela que nous avons toujours fait du bénévolat dans les pays où nous sommes passés. Nous avons vécu avec les gens, en apprenant leurs métiers.”
Des paroles et des actes
Au cours de leur voyage, où ils passeront en moyenne deux mois pour visiter un pays, Élodie et Valentin travailleront dans des fermes agricoles en Mongolie, puis comme bergers avec des nomades mongols, avant de participer à la construction de maisons en terre ou en sacs de riz. Ils réaliseront aussi un jardin dans un orphelinat au Vietnam, et aideront les minorités du nord du pays à battre leur riz. “Nous avons beaucoup observé toutes ces familles qui, par choix ou par obligation, vivent en complète autonomie des légumes qu’elles cultivent, des “maisons” qu’elles construisent de leurs mains, des animaux qu’elles élèvent, des poissons qu’elles pêchent, détaille Élodie. Que ce soit en Mongolie, au Myanmar, dans l’Himalaya ou en Asie du Sud-Est, toutes ces familles vivent sereinement dans la sobriété, voire dans la frugalité. Mais elles ont toutes en commun quelque chose que nous avons perdu dans nos sociétés occidentales : la liberté.”
Difficile, après des expériences aussi fortes, de revenir habiter en France comme de simples touristes qui rentrent de vacances. Le couple décide alors de joindre la parole aux actes. “En rentrant, nous avons cherché un moyen de vivre en accord avec nos convictions personnelles, relate Valentin. Or, ma famille possède une ferme dans l’Isère. Elle était tombée en désuétude depuis 80 ans, mais on s’est dit qu’avec nos compétences, on pourrait retaper ce logement et exploiter de nouveau les terres autour. Les terrains ne sont pas immenses, mais il y a largement de quoi faire un gros potager pour nourrir la famille toute l’année.”
Élodie et Valentin vont dès lors s’attacher à vivre de la manière la plus autonome et la plus respectueuse possible de l’environnement. Mais sans pour autant rejeter la société et la modernité, assurent-ils en cœur. “Nous avons rénové un bout de maison vacante avec des matériaux et des meubles de récupération. Puis nous avons créé un grand potager expérimental complètement bio et sans plastique. Nous avons adopté des poules, nous nous chauffons au bois, nous fabriquons nos yaourts etc., explique Valentin. Et nous nous rendons compte que nous ne faisons pratiquement plus de courses et n’avons presque plus de poubelles. Certes, nous utilisons toujours des objets et des vêtements fabriqués en Asie, de l’électricité nucléaire ou de l’eau potable pour la chasse d’eau. Mais on fera bientôt mieux !” “En fait, lâche Élodie, nous devenons libres et indépendants. C’est appréciable de passer du temps à produire notre alimentation, plutôt que de le perdre derrière l’ordinateur à essayer de gagner de l’argent.”
Promouvoir l’agriculture urbaine
Ce que confirme Valentin, qui décrit un véritable cercle vertueux : “On n’a plus de déchets parce qu’on les donne aux poules. Toute l’année, on peut avoir des légumes parce qu’on fait des conserves. En taillant les arbres fruitiers, on peut récupérer du bois, dont on fait de la cendre… La cendre, on l’utilise pour la lessive…”. Mais quid de la culture, de l’ouverture au monde, de la modernité ? “On a quand même un ordinateur et deux voitures, deux smartphones flambant neufs, la radio qui tourne matin et soir, mais pas de télévision. Mais on n’en avait pas avant. Le potager, c’est deux heures par jour. Donc c’est soit l’un, soit l’autre. Nous avons choisi le potager.” Ce qui ne signifie pas pour autant autarcie. “Nous travaillons encore un peu à l’extérieur, dans nos métiers respectifs”, relativise Valentin.
Le prochain projet sera d’ailleurs tourné vers les autres, plus particulièrement les citadins. “Nous sommes convaincus que notre mode de vie occidental peut être amélioré par l’intégration de l’agriculture dans notre quotidien. En tant qu’architectes et paysagistes, nous savons que ce mode de vie est également possible en plein centre-ville”, affirme Élodie. Le couple a donc créé, non pas une, mais cinq associations, réunies sous le nom de “OSONS l’agriculture urbaine”. Plantons et Picorons ont ainsi pour but l’installation de potagers et de poulaillers partagés dans les communes, les établissements scolaires ou médico-sociaux, les cours communes des logements sociaux, les jardins des particuliers… Pâturons propose quant à elle d’entretenir les espaces verts… avec des moutons. Enfin, Butinons se donne pour mission d’installer des ruches sur les établissements publics des centres-villes. Cueillons, encore à l’état embryonnaire, aura pour but d’organiser des cueillettes solidaires. Le mois dernier, un financement participatif de 9 000 euros a été décroché pour lancer l’activité de Pâturons, qui a déjà placé quinze brebis chez plusieurs clients de la région. L’idée fait son chemin.
Découvrez l’ensemble du projet sur http://www.ecotonepaysage.com/osons
*Écologue : qui analyse, mesure et prévoit l’impact des activités humaines sur l’environnement et la biodiversité.
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