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La colère pyramidale des locataires de la Tour 6

Moisissures dans les logements, saleté des parties communes, ascenseurs en panne… Des locataires de la tour 6, rue Vladimir-Komarov, dans le quartier de la Pyramide à Vénissieux, accusent leur bailleur de les négliger. Reportage.

Moisissures dans les logements, saleté des parties communes, ascenseurs en panne… Des locataires de la tour 6, rue Vladimir-Komarov, dans le quartier de la Pyramide à Vénissieux, accusent leur bailleur de les négliger. Reportage.

Quartier de la Pyramide, aux Minguettes. Un groupe de locataires se rassemble au pied de la tour numéro 6, rue Vladimir Komarov. Pas pour préparer la fête des voisins… Se faisant les porte-parole des occupants de cet immeuble de 14 étages et 88 logements, ils ont demandé à Expressions de venir voir leur cadre de vie, qu’ils jugent « dégradé jusqu’à l’insupportable ». « L’escalier, les vitres et les carrelages des paliers, tout est sale, se désole Mme Diarra. Le nettoyage et les réparations sont négligés, on dirait qu’Alliade se désintéresse de nous ! » Alliade Habitat, première Entreprise sociale pour l’habitat (ESH) de la région, est pourtant reconnu pour les efforts de rénovation sur son patrimoine de 32 000 logements, un parc de logements souvent repris de bailleurs anciens. Aurait-il oublié la tour 6 ?

Ascenseurs, la double panne. L’immeuble est pourvu de deux ascenseurs. Souvent en panne, d’après les habitants rencontrés. « Quand c’est pas l’un, c’est l’autre », déplore Mohammed Bentaïeb, du 6e. C’était même les deux à la fois lorsque nous nous sommes rendus sur place. « La double panne, c’est la double peine ! lance Mohammed Belhadef, qui n’a pourtant pas le coeur à rire : il vit au dernier étage avec ses parents de 71 et 80 ans. C’est si fréquent qu’ils n’osent plus sortir de l’appartement, pour aller au marché par exemple, de peur de devoir remonter à pied. Ils sont séquestrés chez eux ! »
Ces pannes, « c’est la faute aux incivilités », selon certains, mais aussi « à la vétusté du matériel, qui tombe facilement en rade », admet un technicien de Schindler venu en urgence. Justement, les portes de l’une des montées d’ascenseur viennent d’être changées à chaque étage par Alliade Habitat.

Sur les deux ascenseurs, aucun ne fonctionne ce jour-là. L’un est en réparation, l’autre est en panne. Pour M. Belhadef (à gauche), c’est parti pour 14 étages à pieds.

Une VMC en manque d’inspiration. Mohammed Hadjarab, qui habite ici depuis vingt ans, mène la fronde. « Je paie 600 euros en loyer et charges, c’est la moitié de mon salaire, confie-t-il. J’estime qu’en retour j’ai droit à un logement décent. » Selon lui, le nettoyage des conduits d’aération de la ventilation mécanique contrôlée (VMC) n’est pas fait correctement et l’aspiration est trop faible. « Du coup, on dirait que  toute la poussière du conduit de l’immeuble retombe chez moi, se plaint M. Hadjarab, qui habite au premier étage. Nous payons pourtant une prestation de ramonage dans nos charges. » A l’inverse, s’appuyant sur une intervention réalisée (en dix minutes) en novembre 2015 par l’entreprise chargée de la maintenance des VMC, le bailleur évoque des « mesures de débit qui confirment l’absence d’anomalie et écartent toute possibilité de dispersion de poussière ». Certes, lorsqu’elle fonctionne, la bouche d’aération ne refoule pas, ce qui est la moindre des choses. Mais l’extraction d’air est si peu puissante qu’une feuille de papier placée dessus ne s’y maintient pas. L’été, des moucherons profitent même de ce moyen commode pour se promener entre les étages, un ascenseur jamais en panne…

VMC poussive + filtres saturés = moisissure assurée

L’angle des murs, bon coin à champignons. La présence de moisissures focalise la colère des locataires. « On a beau aérer les pièces, nettoyer à la Javel, rien à faire, des taches noires envahissent les murs, la peinture s’écaille, la tapisserie se décolle, dans les chambres, les placards, les salles de bain », s’indignent Johana Ecanvil et Fodé Bakhayoko, qui habitent respectivement aux 3e et 4e étages. Les effets de ces champignons sur la santé sont connus : allergies, bronchite, asthme, fatigue chronique, maux de tête… « Il n’y a pas que les murs qui s’abiment, dénonce M. Hadjarab, les gens aussi s’abiment ! »
Chez Alliade Habitat, on explique que « les joints de façade de l’immeuble laissaient effectivement passer l’humidité. Ils ont été refaits en 2015, et la situation s’est assainie depuis. Peut-être s’agit-il de traces anciennes. » M. Hadjarab, lui, met en cause la mauvaise circulation de l’air dans les logements, pointant encore une fois l’absence d’efficacité de la VMC. Pour étayer ses dires, il a fait réaliser, par une société spécialisée, un contrôle de la qualité de l’air à la sortie des bouches d’aération et dans les pièces. Une analyse payée 738 euros sur ses propres deniers, le 18 décembre 2015.

« Chambre à coucher ou cave à champignons ? » demande M. Bakhayokho

Aspergillus et Clodosporium, spores divers. L’analyse a révélé « une importante contamination fongique à diverses souches de moisissures, dont Aspergillus niger et Aspergillus glaucus », ainsi qu’une quantité « déraisonnable » de spores de Clodosporium. « Toutes peuvent être allergisantes et pathogènes et, présentes en de telles quantités, avoir des effets sur la santé » conclu le rapport. Or, l’épouse de M. Hadjarab est fortement asthmatique et sujette à des trachéites. Pour ses médecins, « il convient qu’elle quitte ce logement au plus vite ».
L’arrivée d’un bébé, en janvier 2016, renforce l’inquiétude du couple. « Nous ne voulons pas que notre enfant respire lui aussi cet air vicié et vive dans cet environnement. » Sollicité par les Hadjarab, Alliade Habitat refuse le remboursement de l’analyse, estimant que le « dysfonctionnement relève de l’entretien du logement à la charge du locataire ». En clair, forcez sur la Javel.

Très remonté, M. Hadjarab mène la fronde des locataires. Il souhaite déménager d’urgence, avec son épouse asthmatique et leur bébé.

Un diagnostic amiante contesté. Enervés tous azimuts, les locataires soupçonnent même la présence d’amiante dans leur immeuble. « Nous avons demandé en vain le dossier technique amiante, un document que tout propriétaire doit communiquer aux occupants de son l’immeuble », déplore Arezki Ferad, qui habite ici depuis 1995. Le bailleur a pourtant fait réaliser un diagnostic technique amiante dans un appartement, en mars 2015. Il conclu à l’absence de « matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante ». Comme il a été réalisé « de visu » sans prélèvements, les locataires estiment que l’étude est incomplète. D’autant que l’expert observe qu’existe tout de même « un conduit condamné d’aération naturelle en amiante ciment dans le cellier », non concerné par un diagnostic des parties privatives. « Comme tous les bailleurs, nous sommes très vigilants sur cette question. Il n’y a aucun risque, rassure Alliade Habitat, sinon, vous pensez bien qu’on ne laisserait personne habiter dans le bâtiment ! »

Réunion ou « interfaces » ? « De nombreux locataires sont en situation difficile et n’osent pas protester auprès du bailleur, et beaucoup ne sont pas à l’aise avec le courrier ou les conversations au téléphone, explique Wilfried Bouchaut, locataire du 5e. Il faudrait organiser des réunions régulières avec des responsables d’Alliade ». Pour le bailleur, la présence quotidienne du gardien et le passage régulier du responsable clientèle constituent « une interface » suffisante avec les résidents.
Comme M. Hadjarab, les locataires en colère demandent à être relogés ailleurs, « dans un logement sain et un environnement correct ». Alliade Habitat leur conseille de faire une demande de mutation dans son parc locatif, « qui sera examinée en commission d’attribution selon les critères habituels ».

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