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Ces merveilleux fous du volant dans leurs drôles de bolides

Depuis 36 ans, Vénissieux est une référence en matière de conception de caisses à savon et est régulièrement titrée au plus haut niveau national.

Capture caisses

Il n’est pas inutile de rappeler un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Vénissieux en ce temps-là — les années quatre-vingt — brille de mille feux en gymnastique rythmique, le CMO-V est désigné meilleur club de France en 1987 et 1988. Mais Vénissieux règne également dans une discipline qui peut faire sourire, et que tous les bambins ont connue ou ont rêvé de pratiquer, la caisse à savon. Si la « soap-box » est née en 1933 dans l’Ohio — un commerçant ayant eu l’idée de glisser un plan de construction dans les boîtes qui contenaient des savons — il faut attendre l’automne 1980 pour que cette discipline fasse une apparition remarquée en France. Et à Vénissieux s’il vous plaît, dans un secteur en plein essor, l’animation, autour de Nicolas Serediuk, premier animateur du service municipal de l’enfance.

L’équipe locale pour l’enfance de Vénissieux, l’ancienne ELEV, cherchait alors un projet susceptible d’intéresser enfants et ados afin de créer une animation pour les familles dans les quartiers. Et c’est un voyage d’étude en Suisse organisé par les Francas qui va tout déclencher. Christian Moulin, un des animateurs permanents, est emballé par cette drôle de machine fabriquée à l’aide d’une planche en bois, de quatre roues et surmontée d’une caisse d’emballage. Jacques Turpin adhère « des deux mains » au projet. Et tous les animateurs du service de l’enfance de la Ville s’y mettent, proposent cette activité motivant beaucoup d’enfants qui, non seulement peuvent espérer piloter leurs engins plus tard, mais participent à leur construction. « Les enfants s’engageaient dans un projet à long terme, c’était une animation qui ne pouvait que marcher », se souvient Mohamed Zekri, l’un des premiers à se lancer dans l’aventure. Cet enseignant en sciences et vie de la terre au lycée Jacques-Brel a même été compétiteur jusqu’en… 2015.

La caisse à savon se développe à la vitesse grand V : parents, enseignants, militants associatifs, personnel municipal et deux ou trois entreprises comme Renault et Carrefour s’associent à « cette image valorisante d’une discipline qui réunit tout le monde ». « Nous voulions créer des liens entre les quartiers autour d’activités pour les adolescents qui mobilisent les pères et permettent un travail avec les collèges, déclarait Christian Moulin, en juillet 2011, dans le n° 294 du magazine des Francas. C’est comme cela que sont nées les caisses à savon. »

Avant de penser au pilotage des futurs bolides, les animateurs vénissians se mobilisent pour dénicher des plans de montage abordables pour des enfants. La municipalité approuve le projet d’achat d’équipements pour les bricoler (scies sauteuses, vis à bois, étaux, contreplaqués…). Pour former les futurs pilotes, quelques soirées et de longues après-midi sont mises en place par les responsables de la dizaine de centres de loisirs. Tout va très vite.

Mai 81, Vénissieux, terre d’élection

caisse savon 1Samedi 23 mai 1981, à La Pyramide, la rue des Martyrs-de-la-Résistance est interdite à la circulation. Plusieurs dizaines de bottes de paille sont réparties sur le parcours ouvert à des engins propulsés par des pousseurs. Il y a foule pour le 1er Grand prix national de caisses à savons, un succès qui va faire boule de neige dans la France entière. Vénissieux, ville pilote d’une discipline qui joue la cohabitation parfaite entre enfants, ados et parents, organise l’année suivante la 2e édition, l’intégrant même au Festival de l’Enfance. Le maire, Marcel Houël, s’amuse à se saisir du drapeau à damiers pour lancer la compétition. Les organisateurs font venir cracheurs de feu, clowns, magiciens. C’est la fête, ne manque que la grosse caisse…

Les premiers comités régionaux qui ont donné naissance à la fédération française des caisses à savon ont été imaginés et conçus en terre vénissiane. Les titres nationaux n’ont cessé de s’accumuler depuis près de trente ans. Ils sont visibles au siège de l’association, dans des locaux installés rue de l’Industrie, mis à disposition par la municipalité, il y a 4 ans. Ne disposant pas de parcours suffisamment longs (il faut une descente de plus d’un kilomètre), Vénissieux n’a plus aujourd’hui le monopole dans l’organisation des grands prix, mais elle reste la référence. D’abord au niveau des résultats : pas une année sans qu’un Vénissian ne s’empare d’un trophée national a minima. L’association est présidée par l’inévitable David Maurin qui, associé à Nicolas, vient d’ajouter l’été dernier un nouveau titre de champion de France dans la catégorie « carioli » (équipage composé d’un pilote et d’un passager qui freine grâce à des patins frottant sur la route). Une catégorie qui est souvent dominée par les locaux : Mohamed Zekri avait été titré, il y a huit ans, toujours avec David. En catégorie C3 (monoplace pour les 14-17 ans), Laurine Maurin a été sacrée championne de France en juillet. Pour tout dire, sans la quinzaine de Maurin (de Maurice, père de David, à Sabine, en passant par Gabriel, Charles, Adrien…), on se demande comment l’association aurait perduré…

En matière de conception des bolides, les Vénissians se révèlent rois de la bricole. « On essaie de trouver des sources de financement car un carioli va chercher dans les 1 500 euros, un « bob », 2 500 euros. Le reste, notamment les roues, ça va. On se sert sur des brouettes. Et pour la mécanique, on se débrouille. On est assez manuels, on a déjà fabriqué des moules à base de résine que l’on peut revendre. Les Belges sont bons clients. »

Tous les vendredis soir, à partir de 18 heures, on s’agite dans les locaux vénissians. Pour une adhésion annuelle de 80 euros, les plus jeunes sont dans leur monde, et les adultes continuent à rêver, à garder leur âme d’enfant.

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