En ce lendemain de 14 juillet, le pays se réveille avec la gueule de bois : comment la fête nationale, symbole de liesse et des valeurs de la République, a-t-elle pu se transformer, à Nice, en une tuerie ?
A Vénissieux, à l’entrée du parc Louis-Dupic, des barrières sont disposées pour gêner le passage d’éventuels véhicules. Avant que ne démarre le premier spectacle, l’équipe de la majorité municipale a tenu à monter sur scène. « Cette deuxième soirée des Fêtes escales, annonce le maire, Michèle Picard, s’ouvre dans un contexte dramatique où la barbarie meurtrière a frappé notre pays en plein cœur, une nouvelle fois. Notre fête nationale s’est transformée en nuit d’horreur et de deuil. Nous tenons à témoigner notre solidarité et notre peine aux familles des victimes et saluer l’engagement des forces de la sécurité publique et des professionnels de santé. Cette soirée est notre réponse, le symbole de notre refus de nous laisser confisquer nos valeurs, nos libertés individuelles et collectives. Les fondations de notre démocratie sont visées mais nous voulons continuer à offrir notre tolérance et notre art de vivre, à défendre les valeurs universelles qui nous rassemblent. »
Michèle Picard annonce au public une cérémonie de recueillement qui se tiendra devant l’hôtel de ville demain, 17 juillet, à 11 heures avant de proposer une minute de silence. Le Fat Bastard Gang Band, qui ouvre la deuxième soirée des Fêtes escales, a du mal à relancer l’ambiance. Mais les gens sont là pour prendre plaisir à écouter de la bonne musique et il suffit que le chanteur lance « Pour que la musique circule, il ne faut pas de frontières » pour que les jambes commencent à bouger et danser, les mains à applaudir. Trompette, saxo et trombone rivalisent avec l’accordéon et les percussions tandis que le chanteur parcourt la scène à tout-va.
Pour les Zoufris Maracas, le public est encore plus nombreux, venu applaudir les talentueux solos de batterie mais encore les deux guitares, la basse, la trompette et le chanteur du groupe et, aussi, cette adorable petite fille qui, plantée sur la scène, regarde tout à la fois son papa musicien et la foule qui l’acclame et qui danse. Et l’enthousiasme est à son comble lorsque, d’abord a cappella puis en musique, les Zoufris attaquent leur « Bois bourgeois, mange bourgeois » aux paroles méchamment roboratives : « Bois prolo, mange prolo, j’sais qu’tu crèveras au boulot (…), bois politique, mange politique, tu finiras au bout d’une pique ».
Et comme les musiciens, c’est bien connu, sont là pour faire du bruit, leur minute de silence à eux, leur hommage à toutes les victimes, se transforment en « une bonne minute de bordel pour ceux qui ont crevé hier et qui crèveront demain ». Ça ne prend pas de gants mais ça a le mérite d’être dit !
Avec La Grande Sophie, la pagaïe rentre dans l’ordre. Même si les rythmes sont toujours là, la chanteuse est beaucoup plus calme. Talentueuse, certes, mais l’on se dit qu’on aurait bien aimé finir la soirée avec le joli foutoir des précédents. Sans doute que Sophie y aurait gagné car, échauffées par les farfelus précédents, nos oreilles avaient du mal à se reconcentrer sur des mélodies nettement moins belliqueuses.