Portraits

Je danse donc je suis

Ce jeune danseur et chorégraphe vénissian adore multiplier rencontres et expériences. Après Käfig et Pockemon Crew, il rejoint le Cirque du Soleil à Las Vegas et prépare une création pour la rentrée, tout en ayant fait une apparition dans “Chocolat” auprès d’Omar Sy et de James Thierrée.

Tout danseur lyonnais voue un culte à la Maison de la danse et Hafid Sour ne fait pas exception à cette règle

Ils sont deux jeunes d’une quinzaine d’années, tous deux Vénissians et tous deux rêvant de danse. Hafid a vu un jour à la télé Zoro Henchiri, l’un des danseurs vedettes de Traction Avant devenu ensuite directeur de sa propre compagnie. “Zoro, c’était le mec qui avait dansé aux États-Unis ! Et qui habitait Vénissieux ! Une star locale !” Alors Hafid entraîne son copain Amor et, ensemble, ils vont toquer à la porte de Zoro. Qui les regarde surpris. Que veulent-ils, ces deux-là ? Comment on fait une wave ? “Il était gêné, raconte aujourd’hui Hafid Sour, l’un des deux jeunes téméraires. Il nous a montré vite fait. C’était une autre époque. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, avec internet, les gens n’ont plus besoin de toquer aux portes.”

Si ce jeune du Charréard, qui a fait de la danse son métier, a toujours aimé cet art, il remarque en revanche que son parcours s’est fait à l’inverse de celui de Billy Elliot. Dans le film, le jeune garçon devient danseur contre l’avis de toute sa famille. “Mon père était prof de karaté et c’est ce que je voulais faire : du karaté. Je ne sais pas pourquoi, peut-être pour me protéger, mais mes parents ne m’ont jamais poussé dans cette voie.” En matière d’art, Hafid a démarré par le dessin. C’est la matière qu’il préférait à l’école. “J’adorais aussi faire de la sculpture. J’avais des facilités avec les volumes, les reliefs. Puis la danse a pris le dessus et c’est mon corps qui s’est exprimé. Elle est devenue une obsession au point de m’exercer pendant des heures.”

C’est en 1996 qu’Hafid commence vraiment à danser. “J’ai fait partie de cette première génération à s’entraîner sur le parvis de l’Opéra de Lyon. C’était lié à la télé : un reportage tourné en Rhône-Alpes montrait Zoro et d’autres danseurs de hip-hop qui revendiquaient l’ouverture des portes des théâtres pour cette danse. Nous, le lendemain, on était à l’Opéra comme par magie. Il y avait Riyad Fghani, futur directeur artistique du Pockemon Crew, Hassan El Hajjami, qui est aujour-d’hui au Cirque du Soleil, etc.”

Avec Azdine Benyoucef, qui a depuis créé la compagnie Second Souffle, et Rotha Tuy, lui aussi devenu danseur professionnel, Hafid monte le groupe Âme Tro’N, du nom de la cité des Troènes à Vénissieux, et part en tournée en Italie aux côtés de IAM. “C’est la magie de la danse, raconte-t-il. On n’est jamais de grandes stars mais on peut connaître des trucs inimaginables !”

En 2000, Hafid intègre la compagnie Käfig dirigée par Mourad Merzouki. “Après, dit-il sobrement, c’est parti !” Auprès de Mourad, Hafid danse dans plusieurs spectacles et encadre avec lui plusieurs défilés de la Biennale de la danse pour la Ville de Bron. Il est aussi danseur et chorégraphe pour les Pockemon puis à la Star Academy pour la saison 2012-2013 et sur la tournée internationale d’Olivia Ruiz.

En regardant mon parcours,
je me dis que j’ai pris confiance en moi en dansant,
comme dans un film muet.
Maintenant, j’ai envie de parler !”

“Pour la Star Ac’, Hassan El Hajjami m’avait invité à être ses yeux et ses oreilles. Je me suis toujours battu pour mener une carrière sans problème, ce qui me permet de travailler et retravailler avec Hassan, Mourad et Käfig ou les Pockemon. C’est avec eux et Riyad Fghani qu’on a créé il y a trois ans “Silence, on tourne”. Je suis très intéressé par le cinéma. Dès 2001, j’avais une caméra. J’ai toujours eu cette envie de filmer, parce que le septième art m’intriguait. Et j’ai toujours aimé faire des vidéos et me servir d’outils différents pour communiquer et raconter des histoires. Ainsi, pendant qu’on répétait avec Käfig la nuit dans le musée du Louvre, je me suis amusé à improviser un petit film avec Kareem Beddaoudia, “BBoy Belphégor”. Je l’ai fait sans même m’informer sur les autorisations et, quand ils l’ont vu, les gens du Louvre ont bien apprécié mon film. On le trouve sur internet. En regardant mon parcours, je me dis que j’ai pris confiance en moi en dansant, comme dans un film muet. Maintenant, j’ai envie de parler !”

Hafid s’inscrit alors à des stages. Celui de Philippe Ferran, à Paris, s’intitule “De La Fontaine au stand-up”. “Je n’ai jamais aimé l’école et j’ai toujours appris des textes au dernier moment. J’avais alors une mémoire à court terme. Je suis quand même allé jusqu’au bac pro commercial et comptable sans apprendre un seul texte. Quand je me suis retrouvé dans ce stage avec quinze personnes, j’ai découvert un truc : qu’il fallait être à l’heure ! J’ai fait un autre stage avec Bruno Putzulu, “Face à la caméra”. J’étais le seul danseur et j’avais peur. Je n’arrivais pas à lire à voix haute. Tout le monde se demandait ce que je faisais là. Pourtant, j’ai travaillé et, à la fin, Putzulu m’a confié que j’étais l’une de ses plus belles surprises. C’était une belle expérience ! Le cerveau n’a pas de limites. C’est nous qui le conditionnons. Il existe une magie qui fait que l’on se passionne pour quelque chose. La danse m’a vraiment permis de prendre confiance en moi, alors que je pensais n’être bon à rien.”

Le stage avec Putzulu lui a également appris à parler de soi. Hafid aime ces coups de chance et de hasard qui peuvent changer votre itinéraire sans que vous vous en rendiez compte. Ainsi, son apparition dans “Chocolat”, le film de Roschdy Zem qu’il a tourné avec Omar Sy et James Thierrée, passe par des cheminements incroyables. D’abord par la rencontre, au cours de l’émission “Le Lab. Ô” de Sébastien Folin, avec Antoine de Caunes. Qui doit tourner un rôle de body builder avec Roschdy Zem et demande des conseils à Hafid. Le film est sorti, et depuis Hafid reste attentif à ce qui concerne Roschdy Zem. Quand il entend parler du projet de “Chocolat”, il envoie un mail à la production pour demander des renseignements sur le casting. Aucune réponse. Un jour qu’il est à Paris avec une amie circassienne, Hafid assiste à une représentation de cirque et voit débarquer une équipe venue faire passer un casting pour “Chocolat”, qui va se dérouler dans le milieu du cirque. Hafid se présente, se fait filmer… et obtient le rôle de l’homme serpent. Rôle, voilà un mot qu’il préfère remplacer par silhouette. “J’ai tourné pendant dix jours et, au final, on me voit peu.” Le plus important pour lui est d’avoir pu observer de près un tournage. “J’ai adoré regarder l’évolution des scènes, voir comment Omar jouait avec James, comment Roschdy donnait des indications et comment ça se modifiait.”

Pour autant, Hafid n’en était pas à sa première expérience devant une caméra. Il fit partie, en 2005, du casting de “Fonce Rupert”, court-métrage vénissian réalisé par Mehdi Senoussi. “On n’était que des potes. Je devais dire “Tout est OK” et on a retourné la scène une douzaine de fois tellement on éclatait de rire à chaque fois.” Puis, en 2011, ce fut “Engeyum Khadal”, un film bollywoodien tourné en partie à Lyon, pour lequel il répond à un casting de danseurs. “J’ai joué une scène dans laquelle je faisais un serveur. J’ai réussi à me procurer le film : ma voix a été doublée en hindi. Le film a fait un gros carton en Inde.”

Hafid s’apprête aujourd’hui à rejoindre Hassan El Hajjami à Las Vegas pour un gala de charité donné par le Cirque du Soleil dans le cadre de la Fondation One Drop. “C’est l’un des événements déjà les plus prisés de Vegas, avec des prix d’entrée allant de 375 à 15 000 dollars. L’argent récolté permettra de construire des puits en Inde, au Burkina Faso et au Honduras. Dans ce spectacle, Hassan, qui est le directeur artistique, m’a donné le rôle du père du héros. C’est comme si je le représentais. Je vais faire un solo et un duo avec la première Black à avoir intégré le ballet de New York.”

Enfin, avec sa compagnie Ruée des Arts, Hafid travaille à la création d’un nouveau spectacle, “Costard”. “C’est une obsession de vingt ans de carrière. Le spectacle va parler du rapport au vêtement et de l’expression “L’habit fait le moine” ou “ne le fait pas”. Ma mère m’a toujours dit “Quand tu seras grand, j’espère que tu auras un métier avec une blouse blanche ou un costume.” “Costard” sera joué à la rentrée aux festivals Karavel à Bron et Kalypso à Créteil, où on va être en résidence. Ensuite, nous irons à Châteauvallon et à La Rochelle.” Et si aujourd’hui, à Caluire où il habite, Hafid entendait sonner à sa porte et voyait deux gamins avides de savoir comment on place son corps sur une scène ? Tout est possible.

1 Commentaire

  1. marion

    14 mars 2016 à 22 h 06 min

    c’est top bises

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