Les salariés vénissians de Carbone Savoie ont voté la suspension de la grève entamée le 1er février. Ils estiment avoir été entendus en partie, mais maintiennent leurs principales revendications et le recours déposé au TGI de Lyon.
Investissements supplémentaires, poursuite des négociations sur les conditions de la cession, maintien des procédures engagées par les comités d’entreprise, paiement intégral des 15 jours de grève… Les concessions faites par la direction de Carbone Savoie, le 10 février lors de la présentation d’un « business plan », ont été jugées suffisantes pour que les salariés votent la « suspension de la grève » débutée le 1er février. Un vote en deux temps, lors d’assemblées générales réunies devant le site de Notre-Dame de Briançon (Savoie) le 11 février puis devant celui de Vénissieux, le 12 février à midi. Le travail doit donc reprendre lundi 15 février.
De réelles avancées
« Le plan intègre un effort d’investissement de 25 millions d’euros sur 4 ans, dont plus de 12 millions sur 2016-2017, explique Jean-François Faure, PDG de Carbone Savoie. Une partie importante de ce programme est dédiée à des investissements offensifs, de développement et de recherche. Le financement de ce plan sera assuré par un apport supplémentaire en capital de Rio Tinto (1) à Carbone Savoie. » En plus de l’engagement pris par le futur repreneur (Alandia industries) de ne pas réaliser de plan social pendant deux ans, Rio Tinto mettra en place un fond de sécurisation des parcours professionnels doté d’un million d’euros « afin d’accompagner les salariés s’il devait y avoir un Plan de sauvegarde de l’emploi en 2018 ou 2019. »
Un mouvement très suivi
Quels éléments ont permis cette décision ? « C’est la mobilisation des salariés, qui se sont massivement investis dans le mouvement, estime Laurent Frutoso, délégué central CGT. Des sites bloqués, une grève suivie par 90 % du personnel, une spectaculaire « opération escargot » à Chambéry, un rassemblement de près de 300 personnes à Vénissieux soutenu par la municipalité, l’interpellation des pouvoirs publics et la menace de bloquer les accès aux stations de sports d’hiver lors des chassés-croisés des vacances, tout cela a contraint la direction de Carbone Savoie à écouter ce que nous avions à dire, alors qu’auparavant elle ne daignait même pas nous informer correctement ! »
La menace de week-ends « carbonisés »
Selon un cadre de l’entreprise, la menace d’un blocage des routes de Tarentaise et de Maurienne lors des chassés-croisés des vacances était prise très au sérieux par les autorités de l’État. Lesquelles auraient invité Carbone Savoie à trouver rapidement une issue au blocage… Pour certains salariés, la perspective de week-end noirs « carbonisés » explique le paiement intégral des jours de grève (mesure très rare) proposé en contrepartie d’une « poursuite sereine du processus de consultation », selon les mots de Jean-François Faure.
Des revendications non satisfaites
Pour autant, les syndicats CGT et FO estiment que des points essentiels ne sont pas réglés par l’accord du 10 février : exigence d’une prime de cession équivalente à celles obtenues par les salariés d’autres filiales vendues par Rio Tinto, garantie sur le maintien de l’emploi, programmation d’investissements industriels conséquents… Un point en particulier inquiète les organisations syndicales : Rio Tinto rejette catégoriquement la réalisation d’une expertise technologique des équipements, alors même que les représentants de l’État ont proposé un financement de l’étude sur fonds publics. « Ce refus de faire un état des lieux fait tomber les masques, analyse Pascal Miralles, délégué FO. L’absence de diagnostic préalable à la cession permettra ensuite au repreneur de dire qu’il ne savait pas que l’outil était dans cet état, qu’il ne savait pas vraiment ce qu’il récupérait… Rio Tinto ne veut pas réaliser cette expertise, même aux frais de l’État ? Qu’à cela ne tienne, nous la commanderons nous-mêmes, avec nos comités d’entreprises ! »
Quel calendrier ?
Même si le rapport de force a fait évoluer la situation, les négociations sur les principales revendications vont donc se poursuivre. Prochaines étapes : le 16 février, l’intersyndicale est reçue à Bercy, au ministère de l’Économie ; Le 19, réunion du CCE ; Le 22, audience du tribunal de grande instance de Lyon qui doit statuer sur la plainte déposée pour « défaut d’information » du CE. Que se passera-t-il si la plainte est rejetée ? « Pour l’instant, on n’a rien perdu, on a même marqué des points, constate Pascal Miralles, approuvé par les salariés réunis devant l’entrée du site vénissian. Si le TGI ne nous entend pas, il nous reste l’arme des ouvriers, notre arme : la grève ! »
Le message à la direction de Carbone Savoie est clair : la grève est bien « suspendue », tout comme l’était l’épée au-dessus de la tête de Damoclès…
(1) Le propriétaire de Carbone Savoie, le géant minier anglo-australien Rio Tinto est engagé dans un processus de cession de l’entreprise de fabrication de cathodes à la holding Alandia Industries. C’est l’absence de projet industriel et d’investissements de ce repreneur, ainsi que l’opacité de la transaction, qui avait conduit au déclenchement de la grève, très largement suivie sur les deux sites de la société.
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