Carbone Savoie (ex-SERS) fabrique des cathodes pour la production d’aluminium primaire. Elle emploie 112 personnes à Vénissieux, dans le parc d’activités de Préssensé, et 290 personnes à Notre-Dame-de-Briançon, en Tarentaise. Son propriétaire, le géant minier anglo-australien Rio Tinto, a annoncé son intention de se séparer de cette filiale, dont il a «hérité» lors de son rachat d’Alcan en 2012, mais qu’il n’envisageait pas de développer. En juin dernier, le PDG de Rio Tinto France, Jean Berger, déclarait vouloir «assurer la pérennité» de l’entreprise… en la vendant. Le repreneur choisi par la multinationale est la holding industrielle française Alandia Industries. Spécialisée dans la reprise d’entreprises en difficultés, Alandia a été préférée au russe Energoprom et à l’industriel français Mersen (ex-Carbone Lorraine) implanté à Saint-Bonnet-de-Mure.
Aucun projet industriel
Ce choix inquiète les salariés. «Malgré son nom, Alandia Industries n’est pas un groupe industriel, explique Pascal Miralles, delégué FO. Leur spécialité, c’est de reprendre à bon compte des entreprises en difficulté, qu’ils tentent de rendre rentables en «dégraissant». Depuis 2010, ils ont racheté une boîte d’aliments pour animaux, un éditeur de logiciels, un créateur de jouets et un fabricant de panneaux routiers… Quel peuvent être leurs plans stratégiques pour Carbone Savoie, alors que l’industrie lourde exige des investissements majeurs ?» C’est toute la question. À trois semaines de la fin du processus de cession, aucun projet industriel n’a été présenté au personnel. Seule annonce d’Alandia : les accords sociaux collectifs seront renégociés ! Les incertitudes sur l’avenir de l’entreprise ont conduit le comité central d’entreprise à déclencher un droit d’alerte, tandis que la rétention d’informations sur les conditions de reprises l’a amené à dénoncer un «délit d’entrave».
Pour l’intersyndicale, l’engagement pris par Alandia de ne pas faire de Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pendant deux ans ne représente pas une garantie. «Les pressions vont s’exercer sur les individus et les conditions de départ seront celles d’une PME», estime-t-elle dans un communiqué de presse, le 2 février. «Nous voulons avoir l’engagement d’investissements suffisants, le maintien des effectifs sur quatre ans et une prime de cession identique à celle accordée aux salariés de Saint-Jean de Maurienne et de La Bathie, explique Laurent Frutoso, délégué CGT. Nous proposons à la direction un nouveau calendrier de négociations, reportant la vente de plusieurs mois, afin d’obtenir le projet industriel d’Alandia. Faute de quoi, nous saisirons le Tribunal de Grande Instance de Lyon pour absence d’informations». Une mesure qui pourrait suspendre le processus de cession. Tout comme le déclenchement d’une expertise par le CHSCT, une autre action envisagée par l’intersyndicale.
Le soutien du maire
Une délégation de salariés sera reçue au ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique le 16 février prochain. En juillet dernier, le maire de Vénissieux, Michèle Picard, alertée par les premiers signes d’une cession de Carbone Savoie, s’était adressé aux ministres du Travail et de l’Économie. «L’État doit s’assurer que le repreneur est porteur d’un véritable projet pour garantir la pérennité de ce fleuron industriel et maintenir tous les emplois, écrivait-elle. Dans un contexte de désindustrialisation massive que connaît notre pays, toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour sauvegarder notre industrie, nos emplois et notre savoir-faire sur le territoire national.» Le maire de Vénissieux a d’ailleurs décidé de réactiver le «Comité de défense pour l’emploi, l’industrie et les savoir-faire» créé lors de la mobilisation pour Véninov, et invite les vénissians à leur témoigner leur solidarité. Le 4 février, Michèle Picard a demandé au Préfet du Rhône, Michel Delpuech, la tenue d’une table-ronde «en présence de l’ensemble des partenaires concernés, afin qu’une solution pérenne soit trouvée pour maintenir l’activité du site et préserver tous les emplois.»
Il y a un mois, une partie des employés savoyards de Carbone Savoie avait bloqué une route près de leur usine de La Léchère. Un moyen de pression qui pourrait s’avérer particulièrement efficace au moment des départs vers les stations de sports d’hiver, dans quelques semaines…
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