Dès que l’on parle archéologie et sciences humaines, les histoires sont belles. Fascinantes, étonnantes, parfois farfelues, propres à faire rêver, mais belles. On en a eu un joli échantillon ce 30 novembre au Théâtre de Vénissieux et on en aura sans doute un tout aussi attractif lors de la prochaine réunion publique du BERG qui se tiendra le 19 janvier à 18h30 à la Maison des associations Boris-Vian.
Il faut dire que, depuis quelques mois, le Théâtre de Vénissieux accueille le BERG et son feuilleton théâtral et propose aux personnes intéressées par l’aventure de venir inventer avec eux. Et inventer quoi ? Des récits réels ou fictifs mais qui se parent du charme incroyable du possible. Car, si en matière d’archéologie, tout est possible, pensez à ce qu’il en est dès qu’il s’agit d’anarchéologie.
Voici une branche méconnue des explorations historiques, définie ce 30 novembre par Lumei Müller, elle-même anarchéologue et entourée de sa collègue Vlora Qosja et de Laurent Strippoli, du service archéologique de la Ville de Lyon. Quant aux histoires contées par ces trois-là, elles ont de quoi plaire. Et elles ont plu à la vingtaine de spectateurs qui suivaient ces discussions.
« Une des premières recherches du BERG (Blöfiq European Resarch Group), collectif de chercheurs installé à Lausanne, nous a amenés sur les traces de la sirène de Salamanque, avec Joan Fontcuberta, archéoplasticien. Nous avons alors installé un laboratoire d’investigation mémorielle à la piscine municipale de Salamanque et avons proposé une « nuit de la sirène », encadrée par des sauveteurs-plongeurs. Les gens se sont endormis sur des matelas gonflables, pour retrouver leur « être sirène ». La soirée a démarré par la projection de « La petite sirène » de Walt Disney et s’est poursuivie par l’écoute de la « Sirène » de Zemlinsky, dans sa version australe. Vers minuit, notre cinquantaine de sirènes d’un soir s’était endormie. Vers 2 heures du matin, au lieu des ronflements attendus, un chant envoûtant s’est élevé, qui donnait l’envie de se jeter à l’eau. L’atmosphère était féérique. Joan nous a ficelés au mât du plongeoir mais lui a sauté dans l’eau, sauvé de la noyade grâce aux sauveteurs-plongeurs. Au réveil, le BERG s’est lancé dans les recoupements et analyses des rêves de la nuit. Concernant l’unicum retrouvé à Parilly, une telle expérience dans la piscine municipale de Vénissieux ne serait peut-être pas adaptée ! »
L’unicum, justement. Cet animal fabuleux, « mélange de différentes espèces pas encore déterminées » selon Laurent Strippoli qui cite, entre autres, le Vulpes vulpes (renard) et la Lutra lutra (loutre), n’en finit pas d’intriguer les spécialistes. « Avait-il un chant, s’interroge Vlona, pourra-t-on un jour l’entendre ? » Laurent Strippoli cite alors les recherches de Georges Charpak. Le prix Nobel de physique s’intéressait tout autant à l’histoire et à l’archéologie. « À propos des sillons que l’on trouve sur la céramique tournée, explique l’archéologue, Charpak s’était dit que, peut-être, pendant la fabrication de ces poteries, les sillons avaient enregistré les chants des potiers, leurs discussions, l’ambiance… »
Lumeï évoque alors la notion de « sérendipité », découverte scientifique qui s’est faite de façon inattendue. « On ne trouve presque jamais ce que nous cherchons mais bien d’autres choses », assure l’anarchéologue. Et elle s’embarque dans un autre récit, qui concerne des recherches menées au pôle Nord en 2012 par le BERG. « Nous avons trouvé un sentier pédestre sur l’exact tracé du cercle polaire, cette ligne abstraite fictive. »
Contactés via facebook par un étudiant inuit, les archéologues ont fait la connaissance du « nomadisme mental » des populations septentrionales, « capables de marcher dans leurs têtes pendant des heures ».
La sérendipité vénissiane s’exprime encore par la découverte fortuite d’une carte du XVIe siècle, gardée par un riverain du théâtre et portant trace de l’unicum, et « qui corrobore le caractère exceptionnel des histoires de cette ville ». Ces « éclats de pensées qui ressurgissent de l’oubli », ainsi que les appelle Vlora, vont permettre d’écrire un nouveau mythe : « Il était une fois à Vénissieux un unicum, une chimère à trois têtes… À suivre. »
On en saura plus le 19 janvier à 18h30 à Boris-Vian.
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Pour écrire au BERG : berg.venissieux@gmail.com