L’un parle de ses racines et de leur histoire, l’autre de son travail de scénariste de bande dessinée. Les deux sont passionnants. Pour l’ouverture de « Hayastan », série d’animations qui se déroulent jusqu’au 10 octobre en commémoration du centenaire du génocide arménien, la médiathèque Lucie-Aubrac avait invité, ce 1er octobre, Daniel Meguerditchian, responsable de la base documentaire du Centre national de la mémoire arménienne de Décines, et Laurent Galandon. Ce dernier est le scénariste du « Cahier à fleurs », une BD dessinée par Viviane Nicaise qui parle du génocide et dont on peut découvrir plusieurs planches dans l’exposition « Le cahier à fleurs – Un crime imprescriptible oublié », proposée elle aussi jusqu’au 10 octobre à la médiathèque.
À propos de l’Arménie, Daniel Meguerditchian reconnaît que « le pays et la culture sont largement méconnus ». Alors, de l’arche de Noé échouée sur le mont Ararat à la création de l’Arménie, ancienne république soviétique devenue indépendante en 1991, il retrace savamment, images à l’appui, la longue histoire du peuple de Haïk, lequel vivait en Hayastan, « la terre de Haïk ».
Au fil du récit, on croise des noms célèbres, tel Mithridate VI Eupator, adversaire de Pompée et beau-père du roi d’Arménie Tigrane II. « Au début du IVe siècle, reprend Daniel Meguerditchian, une légende racontait que le roi d’Arménie Tiridate IV était atteint de lycanthropie et se transformait en sanglier. Grâce à Grégoire l’Illuminateur la malédiction s’arrête et le roi convertit tout le pays au christianisme en 301. L’Arménie est le premier état à adopter le christianisme avant Rome, alors que l’empereur Constantin ne promulgue la liberté de culte qu’en 313. »
L’orateur évoque encore, au début du Ve siècle, la naissance d’un alphabet national unique de 36 lettres. « Avec la religion chrétienne, il est l’autre pôle d’identité des Arméniens. Il sera augmenté de deux lettres, F et O, alors que de nombreux Francs, débarqués en Terre sainte et dans le royaume arménien de Cilicie, créé en 1198, épousent des princesses arméniennes. Ainsi, le dernier roi de l’Arménie cilicienne est un Français, Léon V Lusignan. »
L’Arménie est intégrée à l’empire ottoman, qui compte beaucoup de minorités. De 1894 à 1896, le sultan Abdülhamid II fait massacrer plus de 200 000 Arméniens. Avec les Jeunes Turcs, qui accèdent au pouvoir en 1908, naît le projet panturc, qui consiste à réunir tous les peuples parlant turc, jusqu’aux Iakoutes de Sibérie. « C’est la même conception que la notion de grand espace vital mis en avant par Adolf Hitler. En 1915, les Jeunes Turcs ont la volonté de détruire les minorités grecques, arméniennes et assyro-chaldéennes, ce qui va être facilité par l’entrée en guerre. La Turquie s’allie à l’Allemagne et à l’empire austro-hongrois. La mise à mort des Arméniens se fait par déportation. Dans un premier temps, en janvier et février 1915, ils fusillent 150 000 à 200 000 soldats arméniens. Puis, le 29 avril à Constantinople, les intellectuels sont raflés, éliminés, déportés. Enfin, ce sont les femmes, les enfants et les vieillards qui sont déportés vers le nord de la Syrie. La marche est alors un des moyens d’extermination. »
Devenus des apatrides sans retour possible, avec le passeport Nansen, ceux qui en réchappent fuient vers la France, les États-Unis ou l’Amérique du sud, où l’on a besoin de main-d’œuvre. Le génocide est justement le sujet du « Cahier à fleurs ». Dans un deuxième temps, Laurent Galandon parle de ses méthodes de travail, sa recherche de documentation, son découpage qu’il fournit à la dessinatrice. « Je connaissais peu de choses sur le génocide. Il n’est enseigné au lycée que depuis trois ou quatre ans. En travaillant sur « L’envolée sauvage », qui traite de la Shoah, j’ai découvert la phrase d’Hitler qui, pour justifier l’extermination des juifs, se rapporte à celle des Arméniens et finit par « Qui s’en souvient ? » Le génocide arménien est la mèche qui va permettre la Shoah ! »
Ce mercredi 7 octobre, entre 14 et 17 heures, les enfants de 7 à 12 ans pourront s’initier à la calligraphie arménienne avec la Croix-Bleue des Arméniens de France, section de Décines. Et, le 9 octobre à 19h30, la conteuse Christine Kiffer sera accompagnée d’une musicienne et chanteuse pour « Djilivili ! », des contes tirés du répertoire traditionnel arménien.
Ajoutons que, le 10 octobre à 20h30, le cinéma Gérard-Philipe projette en avant-première « Une histoire de fou », dans lequel Robert Guédiguian revient sur le génocide arménien.