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La pression s’accroît sur le marché parallèle

La zone où s’installaient les vendeurs à la sauvette, au pied du château d’eau, a été entièrement grillagée. Du coup le marché parallèle s’est déplacé. Mais les polices nationale et municipale intensifient leur action pour circonscrire le phénomène.

La Ville a fait procéder à de lourds travaux d’aménagement pour empêcher l’installation des vendeurs à la sauvette

 

Longtemps marginal, le phénomène a pris des proportions de véritable marché parallèle à l’entame des années 2010. Un casse-tête pour les pouvoirs publics. Présence policière, opérations coup-de-poing, destruction des marchandises, verbalisations… Jusqu’à présent, toutes les actions menées pour endiguer le marché de la misère des Minguettes se sont révélées vaines sur le long terme.

Mais cela est peut-être en train de changer. Des moyens sans précédents sont en effet déployés. En février, la Ville a fait procéder à de lourds travaux d’aménagement pour empêcher l’installation des vendeurs à la sauvette le long du magasin Dia et au pied du château d’eau, où ils avaient l’habitude de déballer leur marchandise. Toute la zone a été grillagée.
Du coup — effet report prévisible — le marché de la misère a traversé la route pour trouver refuge juste en face, sur les trottoirs des avenues Jean-Cagne et Martyrs-de-la-Résistance. Mais les polices nationale et municipale veillent au grain. « J’ai beaucoup insisté auprès du préfet délégué à la sécurité pour que nous agissions de façon coordonnée et constante, explique le maire, Michèle Picard. Les aménagements réalisés ont permis de sortir le marché parallèle de la zone du marché forain. Maintenant il s’agit d’éviter un déplacement. Cela exige beaucoup d’énergie et de coordination entre les services municipaux et ceux de l’État. C’est un problème complexe à solutionner. Mais si nous maintenons cet effort dans la durée, on va y arriver. »

Vanessa Mazière-Pancrazi, qui a pris les commandes du commissariat de Vénissieux au début de l’année 2015, confirme que la police nationale est dans une « démarche extrêmement volontaire » sur le sujet. « Nos effectifs locaux sont mobilisés tous les jeudis et samedis matins, précise-t-elle. Nous bénéficions également, autant que possible, de renforts de la DDSP (Direction départementale de la sécurité publique). Nous intervenons sous l’angle de l’ordre public et aussi du judiciaire. Nous actionnons tous les leviers. »

Misère contre misère

Jeudi 9 avril, 7 heures du matin. Les vendeurs sont aux aguets. La police peut surgir d’un moment à l’autre et tout saisir. Mais en attendant ils forcent le destin. Depuis l’aube, le tram déverse des familles de Roms venues de toute l’agglomération. Nappes, bâches ou couvertures posées à même le sol font office d’étals. On y trouve de tout : de la boîte de conserve alimentaire à la perceuse électrique en passant par des téléphones portables, chargeurs, vêtements, chaussures, casseroles, pneus… Tout un bric-à-brac d’objets usagés de peu de valeur. Un petit gagne-pain. Les clients, eux, sont à l’affût d’une bonne affaire qui leur permettrait d’économiser quelques euros. Misère contre misère.
Une dame âgée marchande une casserole, proposée à 4 euros.
– “Je n’ai que le RSA pour vivre, laisse-la moi à 2 euros”.
“Et moi je n’ai rien”, lui rétorque la vendeuse, une maman venue du camp de Saint-Priest avec ses deux enfants.

Plus loin, un chibani a disposé devant lui deux ordinateurs hors d’âge, des téléphones portables totalement démodés et des chargeurs de batterie. Ils sont quelques vieux Maghrébins comme lui, minoritaires parmi les vendeurs. “Je viens très tôt, vers 5-6 heures, j’achète sur place pour 50 euros et je revends dans la matinée, explique-t-il. Quand ça marche, j’arrive à faire 20 à 25 euros de marge, que je dépense aussitôt en nourriture sur le marché forain.” Il vient ainsi de Lyon chaque jeudi et samedi. “C’est de la survie. J’ai travaillé toute ma vie dans l’industrie et sur les chantiers, mas pas toujours déclaré. J’ai pas mal de trous dans ma carrière. Du coup j’ai une toute petite retraite pour ma femme et moi. Si je ne fais pas ça, c’est trop juste financièrement.”
Un ami vient le saluer. Un forain, un vrai, déclaré. Il a laissé son étal quelques instants pour aller flairer la bonne affaire de l’autre côté de l’avenue Jean-Cagne. Pourtant les forains des Minguettes ont plusieurs fois dénoncé la concurrence et le désordre générés par le marché parallèle. « Je sais que certains de mes collègues s’en plaignent, mais moi ça ne me dérange pas, dit-il. Le soleil se lève pour tout le monde. Il faut bien que ces gens-là vivent. »

Sauf que la vente s’effectue en dehors de toute règle de sécurité et d’hygiène. Sans compter les cas de recel. “Si vous venez très tôt, confie le chibani du bout des lèvres, ce n’est pas vraiment le même marché. On peut trouver des objets d’une valeur bien plus importante. »
Inévitablement, le marché parallèle abrite un certain nombre de trafics. « Nous le savons très bien et la police nationale également, souligne Michèle Picard. Et cela renforce notre détermination à agir. Même si l’on peut avoir de l’empathie face à la misère, on ne peut pas tolérer qu’un tel marché se développe et s’installe durablement. »

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