L’Histoire est ainsi faite qu’elle nous joue parfois des tours. Ainsi, pourrait-on prêter au peintre Corneille de La Haye, connu aussi sous le nom de Corneille de Lyon, les mots d’un homonyme, ceux que Pierre Corneille prête à Don Diègue dans « Le Cid » : « Ô cruel souvenir de ma gloire passée, œuvre de tant de jours en un jour effacée ». Sauf que…
Le simple amateur de peinture ne connaît peut-être pas Corneille de Lyon, portraitiste flamand arrivé à Lyon en 1533 —c’est en tout cas à cette date qu’il apparaît pour la première fois mentionné dans les archives de la ville—, mais son œuvre est représentative de la peinture française de la Renaissance. Si bien que, pour la deuxième fois de son histoire, le musée des Beaux-Arts de Lyon a lancé une souscription publique pour l’aider à acquérir « L’homme au béret noir tenant une paire de gants », portrait d’un notable lyonnais peint vers 1530.
L’œuvre vaut 566 000 euros et le musée recherche, dans le cadre de sa souscription, un montant de 250 000 euros. Et si nous en parlons aujourd’hui dans « Expressions », c’est que ce peintre est aussi un peu de Vénissieux, où il s’est installé en 1560.
Familier de la cour de François 1er au point d’être qualifié de « painctre du Roy, nostre sire », Corneille de Lyon brosse les portraits de la reine Éléonore, seconde épouse du roi, de la famille royale et des proches, tels le maréchal Anne de Montmorency, conseiller de François 1er et d’Henri II, ou Catherine de Médicis, femme d’Henri II, mère des rois François II, Charles IX et Henri III et des reines Élisabeth et Marguerite, plus connue sous le nom de Reine Margot… et surtout instigatrice du massacre de la Saint-Barthélémy.
Corneille de Lyon n’immortalise pas que les célébrités de son époque mais aussi les bourgeois lyonnais. A Vénissieux, il achète plusieurs terrains, dont un « contenant trois bicherées ou environ, c’est-à-dire 2,72 ha, vendu pour 13 livres, 17 sols tournois ». Il acquiert également une maison « dans le chasteau dudict Venissy », qu’il paie 50 livres, comprenant « cellier et grenyer » et jouxtant la maison des héritiers de Michel Pousset et celle de Jullian, teinturier à Lyon. Tous ces renseignements, fournis par les documents d’époque, se retrouvent dans le livre qu’Anne Dubois de Groër a consacré à Corneille de Lyon aux éditions Arthena. « Par l’acquisition de cette « maison de plaisance pour son desduit et passe-temps », poursuit l’historienne, Corneille achève en 1560 de se classer parmi les bourgeois de Lyon et montre qu’il s’est complètement assimilé à sa ville d’adoption. »
L’artiste meurt en 1575, après s’être converti au catholicisme en 1569, pour échapper à l’emprunt forcé qui frappe les membres de l’église réformée. À la mort de sa femme Marguerite Fradin en 1572, il reçoit encore en legs « une sienne vigne size au champ Ryon, paroisse de Venissy, et dans laquelle vigne il y a mayson de bizay ».
La souscription est ouverte jusqu’à la fin du mois de mai. Les dons ouvrent droit à une déduction fiscale de 66 % et sont possibles sur internet.
http://donner-pour-corneille-de-lyon.mba-lyon.fr
Anne Dubois de Groër – « Corneille de La Haye, dit Corneille de Lyon (1500/1510-1575) ». Préface de Sylvie Béguin. Paris, Arthéna, 1996.
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