Comme Colette, ils sont une quarantaine à Vénissieux à suivre ce rituel du panier hebdomadaire. Depuis 2006, le système est bien rodé. Les clients s’abonnent pour une période de six mois. Alter Conso, qui gère quatorze points de distribution dans l’agglomération, travaille avec 45 producteurs locaux (tous situés dans un rayon de 80 km) pour confectionner les paniers de produits frais. On peut choisir une formule “solo”, “couple” ou “famille”. Le prix comporte une part fixe, reversée intégralement aux producteurs, et une majoration variable de 0 à 20 % selon les revenus qui vient alimenter les caisses d’Alter Conso.
Une formule qui n’est pas sans rappeler celle des AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), qui ont été les premières, voici une quinzaine d’années, à relancer les circuits courts associant un producteur à des consommateurs. Alter Conso y a ajouté de la diversité en s’appuyant sur un plus grand nombre d’agriculteurs et en proposant un service plus poussé. Ainsi, il n’est pas demandé aux clients de venir donner la main à tour de rôle pour la préparation des paniers et la distribution.
Consom’acteurs
La notion d’engagement reste toutefois présente. Les clients se définissent comme des consom’acteurs. Karine, une voisine de Saint-Fons, vient ici pour aider “les gens qui travaillent autour de nous plutôt que de gros exploitants situés au fin fond de l’Europe.” Raphaël, un Lyonnais travaillant à Vénissieux, rappelle un épisode de l’hiver dernier : “À cause des intempéries, les productions étaient très faibles. On a continué à payer les paniers au même prix pour aider les agriculteurs à traverser cette mauvaise passe. En compensation, à la belle saison, les paniers sont devenus plus généreux que d’habitude. Il y a un lien de solidarité. En tout cas, c’est comme ça que je le vois.”
Un lien soigneusement entretenu. Chaque mercredi, un producteur est présent au moment de la distribution. Cette semaine, il s’agit de Rémy Léger, arboriculteur dans une ferme coopérative à Beaumont-lès-Valence, dans la Drôme. “Même si c’est contraignant, la rencontre avec le consommateur est importante : d’abord j’aime voir qui mange mes produits, cela peut paraître secondaire mais je trouve ça sympa, et puis surtout cela me permet de corriger certaines choses en fonction de ce que l’on me dit. Il y a une relation de confiance qui s’établit. Sur un plan économique, le circuit court correspond tout à fait à mes besoins, il me permet de trouver le bon équilibre entre recherche de la qualité, volume de production et prix.”
Pour Marc Divry, salarié d’Alter Conso, le soutien aux agriculteurs reste bien le premier objectif. “Il s’agit de petits exploitants, qui travaillent en bio ou en mode raisonné, et qui auraient de grandes difficultés à vivre sur le marché de la distribution classique. Entre 80 et 90 % du prix du panier va au producteur.”
Des paniers populaires ?
En offrant des débouchés nouveaux à l’agriculture locale tout en répondant aux attentes de qualité et de transparence des consommateurs, les circuits courts se sont imposés en une dizaine d’années. À tel point que les offres abondent aujourd’hui. Aux producteurs qui vendent directement leurs produits à la ferme, sur le marché ou dans des halles dédiées, aux AMAP et autres paniers associatifs, sont en effet venues s’ajouter une kyrielle d’offres privées qui s’adossent le plus souvent à internet.
Le numéro 1 du secteur s’appelle Potager City, une entreprise née à Lyon et actuellement basée à Toussieu, qui distribue 20 000 clients. L’un de ses points relais est situé à Vénissieux : la boucherie Aujas, route de Vienne. Le système reste celui du panier en circuit court, mais il n’y a ni engagement ni abonnement, et vous composez vous-même votre commande avec un choix plus varié. En revanche les prix sont légèrement plus élevés.
Si les offres abondent, force est de constater que les clients n’appartiennent encore que rarement aux classes populaires. C’est dans les quartiers “bobos” que les paniers se sont implantés et développés. Mais cela est peut-être en train de changer. Comme le montre l’expérience Vrac (Vers un réseau d’achat en commun), lancée par Boris Tavernier dans les quartiers populaires de l’agglomération lyonnaise. “L’association est née en décembre 2013, rappelle Boris. L’idée, c’est de permettre aux gens de consommer de bons produits à un prix très bas. Nous essayons de privilégier les circuits courts et les produits locaux. Mais VRAC, ce n’est pas juste de la consommation. Notre objectif est aussi de créer du lien social. De faire en sorte que les gens se parlent, échangent. De parvenir à mettre en place un réseau social solidaire avec les AMAP. Tout ça pour que petit à petit, ils deviennent autonome dans la prise et la distribution des commandes. »
“Dans les quartiers aussi, les gens sont en recherche de produits alimentaires de qualité, observe Marc Divry, d’Alter Conso. Mais il faudrait peut-être faire évoluer la formule : prévoir de plus grosses quantités pour les familles nombreuses, ne pas exiger d’abonnement ou d’engagement, offrir un choix plus large… Je pense que c’est moins une question de prix que d’habitudes culturelles et culinaires.”