Benjamin Villemagne : – « Cette culture que j’apprécie particulièrement m’a bercé depuis l’adolescence. J’ai des amis dans le rap, le graffiti… Et je souffrais de la voir stigmatisée, souvent décriée comme étant violente, alors que le hip-hop peut être hyper ouvert. Il y a déjà beaucoup de choses à raconter sur ce mouvement encore frais, né à la fin des années soixante-dix aux États-Unis et qui s’est exporté. On le considère parfois comme un phénomène de mode alors qu’il s’agit bel et bien d’une culture à part entière. »
– Quelle est la place du théâtre dans « Le Vernissage », qui met deux artistes du street art sur scène ?
– « J’ai une formation théâtrale puisque j’ai fréquenté l’École supérieure d’art dramatique de Saint-Étienne. Mon défi était de prendre le graffiti comme un jeu de piste grandeur nature. Qui se cache derrière telle signature, tel tag ? La scène n’est pas un endroit de prédilection pour les graffeurs, surtout s’ils doivent peindre devant un public. Le graff est comme une discipline à part entière de la peinture. Je voulais rendre vivant l’acte de peindre. Le graffiti implique différents médiums, supports et, toujours, la notion de risque. On essaie de retranscrire tout cela dans ce spectacle. »
– Comment se déroule « Le Vernissage » ?
– « On suit le parcours de deux peintres qui sont sur scène avec un vidéaste et un musicien. L’un, Totipoten, est d’origine japonaise et son travail est un mélange de graffiti, de tag et de calligraphie. L’autre, Pitr, est plutôt dans l’illustration et la typo naïve. Avec sa compagne Ella, Pitr s’est spécialisé dans les fresques murales qui montrent de grands personnages. Ella & Pitr ont beaucoup travaillé sur l’anamorphose, mais cela n’est pas dans le spectacle.
« Tout est réalisé en direct, d’abord sur une grande table. Leurs dessins sont filmés et projetés en direct. Ils communiquent par le biais du dessin et de l’écriture, de l’illustration, de la typographie. »
– Peut-on parler de battle entre les deux artistes ?
– « Non, c’est plus une collaboration qu’une battle. Dans un premier temps, ils dessinent séparément. Entre les deux, passe un petit train sur lequel on a fixé une caméra. Ensuite, ils vont venir peindre sur un grand panneau en fond de scène. Ils sont vraiment en collaboration. On part de quelque chose de figuratif pour atteindre l’abstraction, le lettrage, avec des superpositions, comme un palimpseste. La musique rythme la représentation. Le spectacle finit par un vernissage, comme dans une exposition. »
– D’une représentation à l’autre, « Le Vernissage » n’est alors jamais le même spectacle ?
– « Non, il n’est jamais exactement pareil, comme dans un spectacle vivant. Bien sûr, quand ils dessinent, Pitr et Totipoten ont des repères. Ils font à peu près la même chose mais les détails varient d’un soir à l’autre. « Le Vernissage » a déjà été joué une trentaine de fois. »
– Y a-t-il du texte dans le spectacle ?
– « Non, que du visuel. C’est commun à mon travail : casser les codes du théâtre. Je trouve amusant de jouer avec cela. Bien que ce ne soit pas des acteurs qui sont sur scène, ils nous racontent quand même quelque chose par le dessin, en n’utilisant pas la langue. Ils écrivent également des mots pour communiquer.
« Avant le spectacle, nous diffusons une vidéo composée d’un vieux documentaire sur le graffiti à New York dans les années soixante-dix et d’un micro-trottoir d’aujourd’hui, que nous avons enregistré dans la rue. On entend les mêmes réflexions sur cette discipline, les mentalités n’ont pas changé. Bien sûr, nous ne faisons pas une étude sociologique, c’est forcément orienté. Le citoyen lambda ne comprend pas un tag dans la rue, il pense que c’est du vandalisme. Il n’a pas complètement tort mais les grandes fresques n’existeraient pas sans le tag. Ce sont souvent les mêmes personnes qui font l’un et l’autre. Mais les gens ne possèdent pas les codes de ce mouvement. »
« Le vernissage » au Théâtre de Vénissieux le 3 décembre à 15 heures et le 4 décembre à 20 heures. Séances scolaires le 3 décembre à 9h30 et le 4 décembre à 14h30.