Les 50 milliards du pacte de responsabilité vont faire perdre à la Ville de Vénissieux 7 millions d’euros de recettes d’ici à 2017, a-t-on appris au conseil municipal. Soit l’équivalent d’une année et demie de maintenance de tout le patrimoine vénissian. Ou du budget de construction de deux restaurants scolaires. Cette politique d’austérité mène les collectivités dans une impasse et y entraîne les quartiers populaires, prévient le maire.
Nouvellement délégué aux finances, l’adjoint au maire Bayrem Braïki a vécu son baptême du feu, mercredi 25 juin. Il lui revenait en effet de présenter à ses collègues du conseil municipal le compte administratif de la Ville pour l’année 2013, et les propositions de la majorité municipale (composée du PCF, du PG, d’EELV et du MRC) pour le budget supplémentaire 2014. Pour mémoire, rappelons que le compte administratif consiste à évaluer les résultats financiers de l’année écoulée tandis que le BS intègre ces résultats au budget de l’année en cours.
Pour le budget principal 2013 de la Ville, le résultat de clôture de fonctionnement s’est monté à 2,38 millions d’€. Ayant absorbé 19,4 M€, le secteur « enseignement et écoles » a continué à s’y tailler la part du lion (22,6% en progression de 1,5 M€ sur 2012). Il est suivi par l’administration générale (15,7 M€ et 18,3%, en baisse par rapport à 2012), puis par le sport et la jeunesse (9,9 M€ et 11,6%, en progression de quelque 900 000 €).
Sur le volet investissement, Bayrem Braïki insistait sur le désendettement continu de la Ville : -0,9 % par an, depuis 2009. « En 2013, le volume de dette représentait 917 € par habitant alors qu’il était de 973 € en 2012 ». Le maire, Michèle Picard, précisait un peu plus tard que la dette moyenne par habitant, dans les villes de même strate que Vénissieux, dépasse en moyenne 1 200 €.
Quant au budget supplémentaire 2014, il est très marqué dans son fonctionnement par la réforme des rythmes scolaires, qu’il s’agisse des recettes (250 000 € attendus de l’Etat et 50 000 de la CAF, 14 000 € de redevances pour les activités de péri-scolaire)… ou des dépenses. Le maire rappelait notamment que le coût de la réforme pour 2014 est estimé à 1 million d’€, dont 200 000 € pour les charges supplémentaires de personnels.
Premier à intervenir sur ces rapports, Lotfi Ben Khelifa (groupe des élus socialistes, radicaux et apparentés) s’inquiétait de l’augmentation des charges à caractère général (9,4% précisément) et de « l’incroyable poids de la masse salariale » : « Ce poste a représenté 64% des dépenses de fonctionnement alors qu’il ne dépasse pas en général 50% dans les autres collectivités (…). Vous ne nous donnez pas d’indication sur un renversement de tendance. Devrons-nous constater demain que plus de 80% des dépenses de fonctionnement sont consacrés aux salaires ? »
Indiquant que son groupe s’abstiendrait sur le compte administratif « par souci de cohérence » (ayant voté en 2013 le budget alors qu’il se trouvait dans la majorité municipale), il annonçait un vote d’opposition au BS 2014 « qui manque de précisions, qui inclut une augmentation de 770 000 € des dépenses liées aux charges de personnels et ne propose rien sur l’action économique, l’insertion professionnelle et la formation des jeunes. »
« Ce sera non », lançait à son tour Yvan Benedetti (Vénissieux fait front) : « La ville se dégrade, le pouvoir d’achat diminue mais vous continuez dans les dépenses, les aides aux associations, la communication pour entretenir votre clientèle électorale. »
« Une fois de plus, ce compte administratif fait apparaître une augmentation des dépenses de fonctionnement », relevait aussi Christophe Girard (groupe Osons le bon sens). « Ce 4,4% n’est pas à votre honneur et montre que votre maîtrise des dépenses est bien peu efficace. Des économies sont réalisables. » Il s’étonnait particulièrement d’une baisse des crédits alloués au développement économique, passés de 1% à 0,9% : « Cela fait froid dans le dos. » Et d’annoncer également un vote contre.
Analyse bien sûr différente dans la majorité municipale. Président du groupe des élus communistes et apparentés, Pierre-Alain Millet assurait : « Vénissieux tient ses engagements et les projets sont réalisés sans peser sur la fiscalité, en réduisant la dette et en maintenant ses services publics. Bref, une ville bien gérée et efficace. Et sans doute devrait-on proposer au gouvernement de s’en inspirer. Mais depuis 1997, tous ne connaissent qu’une seule politique, la rigueur. » Dénonçant la « stratégie du choc à la Thatcher, que Sarkozy imitait avant que Hollande ne passe à la vitesse supérieure avec son choc de compétivité ou son pacte de responsabilité », il décrivait une France des restructurations, qui détruit égalité du territoire et toute forme de sécurité. « Nous appelons les Vénissians à s’exprimer avec force pour obliger le gouvernement à les entendre. »
Il revenait au maire de conclure ce débat, en deux temps. « La Ville continue d’investir, tout en garantissant aux Vénissians la présence de services publics de proximité et de qualité. C’est cet équilibre que traduit notre budget », soulignait d’abord Michèle Picard. Elle insistait ensuite sur les conséquences de ces politiques d’austérité sur les collectivités. Côté Etat : diminution depuis quatre ans de la dotation globale de fonctionnement (DGF), baisse de la dotation de décentralisation, chute de 5,6% en moyenne depuis 2008 des compensations fiscales. Côté Grand Lyon : gel depuis 2003 de la compensation versée en contrepartie du transfert de la taxe professionnelle. Et si la DSU « masquait les pertes jusqu’à présent », ce ne sera plus le cas en 2014.
« Mais le pire est à venir, avec le pacte de responsabilité de 50 milliards, qui impose aux collectivités locales 11 milliards d’économies jusqu’en 2017. Pour Vénissieux, l’impact sur la DGF sera de l’ordre de 7 millions sur ces trois années. Ce qui représente une année et demie de maintenance de tout notre patrimoine. Pour le Grand Lyon, Gérard Collomb a annoncé une perte de dotation de l’Etat d’environ 140 millions entre 2011 et 2017. Que vont devenir les grands projets structurants de proximité ? L’onde de choc va se propager aux habitants, dans le tissu économique, à l’emploi de proximité que les collectivités font travailler. Cette voie-là, en forme de soumission aux politiques libérales, va nous mener dans une impasse », prévenait le maire.
Après ces échanges fournis, les votes ont permis l’adoption de ces rapports à la majorité. Pour le compte administratif, vote contre de la droite et de l’extrême droite, abstention du PS. Pour le budget supplémentaire, vote contre des trois groupes d’opposition.
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