En 1999, la jeune fille participait au corso fleuri dans les rues de Vénissieux, en tant qu’élève de l’école de musique. Elle s’est ensuite tellement passionnée pour l’histoire des roses anciennes dans sa ville et à Lyon qu’elle y a consacré son doctorat, un mémoire de 1260 pages salué par le jury.
Dites-le avec des fleurs. Si on avait dit à Nathalie Ferrand que cette maxime quelque peu surannée allait changer sa vie… Scolarisée à Vénissieux depuis l’école primaire jusqu’au collège, Nathalie apprend l’accordéon à l’école de musique Jean-Wiener, auprès de Murielle Di Vittorio. C’est donc tout naturellement qu’elle participe, avec les autres élèves de l’école, au corso fleuri organisé en 1999 par Gérard Petit et son association Viniciacum, en hommage aux nombreux grands rosiéristes vénissians du début du XXe siècle. De nombreux chars fleuris parcourent les rues de la commune et laissent dans les mémoires le souvenir d’une fête réussie. Les émotions de cette journée restent gravées dans la tête de la jeune fille.
Nathalie poursuit ses études au cours Deborde dans le sixième arrondissement, option musicologie, et entre au conservatoire de Lyon, où elle obtient son diplôme de fin d’études. Après le bac, elle suit des cours d’histoire contemporaine à Lyon 2. « Après ma licence, j’ai dû choisir un sujet pour mon mémoire de maîtrise. Je voulais qu’il ait un rapport avec ma commune. J’ai revu Gérard Petit qui m’a parlé des rosiéristes. Il m’a fait visiter le vieux cimetière de Vénissieux, où sont enterrés plusieurs d’entre eux, et m’a transmis des documents. Il m’a montré le dossier philatéliste de l’association (NDLR : Viniciacum a réussi à faire imprimer un bloc-feuillet de trois timbres-poste représentant des roses anciennes créées par Joseph Pernet-Ducher, Joseph Schwartz et Jean-Baptiste Guillot). Par lui, je suis entrée en relation avec les descendants des rosiéristes. C’est ainsi que j’ai pu travailler sur des archives privées, celles de Guillot à Chamagnieu, en Isère, ou de la maison Laperrière, à Saint-Quentin-Fallavier. J’ai mis au jour des fonds d’archives méconnus. J’ai également puisé dans les archives publiques, départementales et municipales, ou celles du Val de Marne, avec le fonds Gravereaux. »
Nathalie passe sa maîtrise en 2002 sur « La rose à Lyon et à Vénissieux » et obtient les félicitations du jury. L’année suivante, elle s’attaque, avec son DEA, à « Lyon et Vénissieux dans l’espace de production de la rose ».
« Partis de la Guillotière, les rosiéristes se sont décalés vers l’est. À Vénissieux, ils se sont installés route de Vienne, au Moulin-à-Vent et à Parilly. »
Dix ans plus tard, en novembre 2013, elle passe avec succès sa thèse à l’Institut des sciences de l’homme, sous la direction de Claude-Isabelle Brelot, professeur émérite des universités (Université de Lyon). Le sujet : « Une élite de l’horticulture : les rosiéristes de la région lyonnaise 1820-1939 ». Outre sa directrice de thèse, le jury est présidé par Patrick Verley, professeur émérite des universités (Genève), et composé de Jean-Luc Mayaud, professeur des universités et président de Lyon 2, Natalie Petiteau, professeur des universités (Avignon), et Stéphanie de Courtois, maître-assistant (École nationale supérieure d’architecture de Versailles).
Le doctorat est décerné avec la mention « très honorable » et avec les félicitations du jury, à l’unanimité. Le mémoire comporte 1260 pages, dont 580 pages de textes et 680 pages d’annexes.
Nathalie axe ses recherches sur « l’analyse sociale des acteurs » (les dynasties de rosiéristes, la transmission du patrimoine, l’apprentissage du métier), « l’analyse économique » (la progression dans l’échelle sociale, étudiée sur trois générations, et le marché du rosier avec l’étude de la clientèle, des goûts, du développement géographique) et, enfin, « l’analyse des sensibilités », avec l’apparition des premières roseraies, entre autres celle de Jules Gravereaux à L’Haÿ-les-Roses mais aussi les trois du parc de la Tête-d’Or : celle du jardin botanique, comprenant près de 600 roses historiques, la roseraie de concours et la plus récente, la roseraie internationale, créée en 1960 par le maire Louis Pradel.
Nathalie insiste bien entendu sur la localisation vénissiane de quelques-uns de ces grands créateurs : « Partis de la Guillotière, les rosiéristes se sont décalés vers l’est. À Vénissieux, ils se sont installés route de Vienne (Schwartz était à l’emplacement de l’actuel garage Renault), au Moulin-à-Vent et à Parilly. »
Elle indique également que plusieurs sont enterrés dans l’ancien cimetière de Vénissieux : Joseph Pernet-Ducher, Joseph Schwartz, Jean-Baptiste Croibier… « On peut voir la fierté des rosiéristes, qui témoignent de leurs récompenses jusque sur leurs tombes. C’était assez courant au XIXe siècle ! »
Aujourd’hui, Nathalie avoue être étonnée par l’ampleur du résultat de son travail : dix ans de collecte de documents, de saisie informatique des catalogues des rosiéristes, d’enquêtes orales retranscrites et de rédaction. Elle aimerait publier sa thèse avant 2015, année du congrès mondial des roses qui se tiendra à Lyon (voir ci-dessous).
« J’ai le choix entre un créneau scientifique, avec les presses universitaires, ou un éditeur davantage axé sur le grand public. »
Chez elle, à La Darnaise, les livres sur les roses font bon ménage avec les poissons de ses aquariums, qui la fascinent tout autant. L’accordéon, lui, est dans un coin et doit être utile en cas de stress ou de détresse, celle qui est si fréquente chez les étudiants qui doutent de leur travail alors que celui-ci obtient ce qu’il mérite, à savoir quantité de félicitations.
Nathalie postule à présent au statut de maître de conférence (elle aura la réponse d’ici un ou deux mois). « J’avais jusqu’à présent un poste d’ATER (attachée temporaire, attribué aux étudiants en fin de thèse) à Lyon 2, en histoire rurale au XIXe siècle. Devenir maître de conférence peut m’amener, au bout de plusieurs années, au professorat. J’ai également un nouveau travail de recherche à mener sur les roses. Il reste énormément à faire. »
C’est finalement comme si Nathalie Ferrand avait lié ses deux passions, la musique et les roses. Membre de Viniciacum, de l’association Roses anciennes en France et de la Société française des rosiéristes, cette Vénissiane s’est promenée dans le répertoire d’Édith Piaf, passant de « L’accordéoniste » à « La vie en rose ».
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