À l’entrée du site vénissian de la rue Eugène-Hénaff, derrière le brasero qu’entretient le piquet de grève, nulle trace de la CFDT ou de la CGT sur les banderoles. Les salariés, qui bloquent l’agence depuis lundi soir, ne veulent pas entendre pas parler de syndicat. “On leur en veut, ils ne font qu’accompagner le projet de reprise, on ne se sent pas soutenus”, dénoncent Cyril Ricardo et Eddy Londe, qui ont endossé le rôle de porte-parole. Ne leur parlez pas non plus du gouvernement et d’Arnaud Montebourg. Il faut dire que l’offre de reprise présentée par Arcole Industries, négociée depuis plusieurs semaines avec le ministère du Redressement productif, a de quoi les rendre amers. Elle prévoit de ne conserver qu’une cinquantaine d’agences sur les 85 que possède le transporteur de colis en France. Celle de Vénissieux serait fermée et seulement 27 des 168 salariés repris sur un autre site. Quant à l’agence voisine de Saint-Priest, conservée, elle n’en perdrait pas moins 46 salariés sur 103. Au total, sur le plan national, quelque 3000 emplois passeraient à la trappe. Depuis la faillite du fabricant de petit électroménager Moulinex en 2001, le dépôt de bilan de Mory Ducros, déclaré fin novembre, est l’un des plus importants enregistrés en France.
Du 10 au 13 janvier, des salariés de Vénissieux et Saint-Priest avaient déjà bloqué l’accès aux sites. Depuis lundi soir, ils sont beaucoup plus nombreux dans le mouvement. En particulier à Vénissieux, où le personnel a le sentiment de subir “une punition”. Les filles de l’administratif, celles du service saisie, les commerciaux, et surtout la centaine de gars qui travaille sur les quais à charger et décharger les colis, ne savent pas de quoi demain sera fait. Autour du brasero on plaisante, mais les regards disent l’inquiétude.
Partir dignement
Le plan d’accompagnement promis par le gouvernement pour aider au reclassement ne les rassure en rien. “C’est de la poudre aux yeux, estime Cyril Ricardo. On va nous proposer des jobs bien moins payés dans d’autres boîtes et avec des contrats précaires. Et dans deux ou trois ans, si on fait les comptes, on s’apercevra que beaucoup sont au chômage.” Et son collègue Eddy Londe d’ajouter : “On a déjà vu ça pour les ex-Mory ou pour les Sernam, ces mesures d’accompagnement ne sont qu’un écran de fumée pour masquer la dure réalité des faits. C’est médiatique, pour faire croire qu’on ne nous laisse pas tomber. D’autant que des élections approchent.”
Les grévistes de Vénissieux et Saint-priest n’espèrent même plus sauver leur emploi. Ils demandent à partir dans des conditions dignes. Aux 7 000 euros de prime supra légale de licenciement proposés par Arcole, ils demandent 1 000 euros supplémentaires par année d’ancienneté. “C’est le minimum, estime Cyril Ricardo, on n’est quand même pas des mendiants.”
Le tribunal de commerce de Pontoise se prononcera le 31 janvier sur l’offre d’Arcole Industries.