Le jour dit, les Américains étaient finalement au nombre de quatre et Florent Vernay, directeur de l’école de musique, les présentait comme musiciens et enseignants : « Ils ont retrouvé une œuvre de jeunesse de Harry Partch, ce compositeur pas très connu qui a également fabriqué des instruments, dont beaucoup pour les percussions, utilisant des modes et des tonalités très différentes de ce que l’on a l’habitude d’entendre, avec des quarts de ton, etc. »
Datées de 1928, ces « Studies on Scales » que l’on pensait irrémédiablement perdues semblent avoir été écrites juste avant « My Heart Keeps Beating Time », une des premières œuvres reconnues comme majeures dans la carrière de Partch. « Nos quatre amis, poursuivait le directeur, sont en train de voir comment on pourrait rééditer ces études. »
Composé de jeunes élèves et d’enseignants de l’école de musique, le public était tout ouïe.
Abrités sous une bâche plastifiée (on reconnaît bien là la théâtralité de l’auteur de « Revelation in a Courthouse Park », une pièce musicale tirée des « Bacchantes » d’Euripide), les quatre musiciens s’installent à leurs instruments respectifs – on découvrira plus tard qu’il s’agit d’un piano, d’un violoncelle, d’une timbale et d’une soliste. Les lettres qui forment le sous-titre apparaissent : « 15 seconds before Harold Raw Dies », écrites à la main sous la bâche.
Violemment secoué, le plastique devient un des ces instruments fantastiques inventés par Partch et qui ont aidé la musique contemporaine à mûrir. Digne du chromélodéon dont Partch dessinera plusieurs moutures, la bâche suit la partition du vent (ce qu’expliquera, à l’issue de la représentation, le musicien américain).
Les premiers rires ont fusé lorsque, tour à tour, la violoncelliste et le percussionniste se sont pris les pieds dans la bâche. Puis, quand le même percussionniste a perdu sa baguette, l’envoyant valdinguer vers le public. Ils ont atteint leur apogée au moment où la pianiste, se penchant sur les cordes de son instrument pour y faire rouler une balle de ping-pong, s’est faite écraser par le couvercle du piano.
Il s’agissait, mais certains l’avaient découvert déjà depuis plusieurs minutes, d’une supercherie destinée à présenter aux élèves de l’école et à leurs enseignants la compagnie théâtrale du Détour, actuellement en résidence au Théâtre de Vénissieux. D’autres, qui pratiquent la musique contemporaine, se demandaient si c’était de l’art… ou du cochon. « Nous faisons nous-mêmes des trucs assez barrés. Nous avons été orientés dès la base sur une fausse route. Nous avons cru le directeur. »
Les comédiens expliquent leur façon de procéder : « Nous faisons les choses sérieusement et nous les décalons du côté du burlesque. »
Florent explique ensuite au public amusé comment l’on peut « faire de la musique malgré tout et comment, sur une prestation scénique, on arrive à construire quelque chose ». Il a organisé cette rencontre avec le théâtre et la compagnie en espérant que les élèves du cycle 3 puissent collaborer avec eux et les accompagner sur scène, le 28 mai, à l’occasion du spectacle « Demain, l’avenir ».
Le résultat s’avère prometteur.