Le ministre délégué à la Ville était en visite ce lundi à Vénissieux pour découvrir la transformation des Minguettes et commémorer les 30 ans de la Marche pour l’égalité. Mais il n’a pas rencontré Toumi Djaïdja…
Trois heures pour faire le tour des projets de rénovation urbaine engagés à aux Minguettes et participer à un débat sur le trentième anniversaire de la Marche pour l’égalité… c’est peu. Autant dire que la visite aux Minguettes ce lundi matin du ministre délégué à la Ville, François Lamy, a été menée au pas de charge. Accueilli par Michèle Picard, Yves Blein et Guy Fischer, respectivement maire de Vénissieux, député et sénateur du Rhône, le ministre a fait étape sur les chantiers de la pré-fabrique opéra (à Démocratie) et des futurs laboratoires Carso (première société à s’implanter dans le parc d’activités du Couloud), avant de gagner la Maison du projet de l’avenue Jean-Cagne pour une présentation générale des opérations lancées sur le Plateau. Direction ensuite le cinéma Gérard-Philipe, où il s’est vu exposer les projets culturels portés par trois associations vénissianes — “Le Hareng rouge”, “Vigilance vénissiane” et la “Compagnie du second souffle” — autour de la commémoration de la Marche pour l’égalité. François Lamy a enfin débattu avec la salle, où l’on reconnaissait de nombreux élus locaux et responsables associatifs.
À l’origine pourtant, c’est un tout autre programme qui attendait le ministre : il devait se rendre directement dans le quartier Monmousseau, lieu de naissance de la Marche, pour y rencontrer Toumi Djaïdja, le plus célèbre des marcheurs de 1983, afin de dévoiler une plaque commémorant le 30e anniversaire. Mais nulle présence de plaque ou de Toumi. Ce dernier avait motivé son absence dans un communiqué de presse envoyé aux médias moins d’une heure avant l’arrivée du ministre, dans lequel il justifiait cet “acte de désobéissance civique” par l’impossibilité de “cautionner l’inaction politique en signant un chèque en blanc au gouvernement”. Dans l’entourage de François Lamy, on tenait un autre discours : la pose de la plaque n’aurait pas résisté aux ego et aux susceptibilités des uns et des autres. En clair, plutôt qu’une plaque rappelant de manière générique cet événement, Toumi Djaïdja aurait exigé que son nom y soit inscrit. Une revendication qui est visiblement mal passée dans les rangs des autres anciens marcheurs.
Ce loupé n’a toutefois pas remis en cause la tenue du débat dans la grande salle du cinéma Gérard-Philipe. Forcément trop court, même s’il a duré près de deux heures, il aura permis à des acteurs locaux d’interpeller directement le ministre sur la situation actuelle des quartiers populaires. À l’image de Djamel Boudoukha, président de la Régie de quartier Armstrong, qui a exhorté le ministre, “au-delà des opérations de rénovation urbaine, à lancer un véritable plan Marshall pour l’emploi, de façon à redonner leur dignité aux habitants. Faute de quoi, prévenait-il, on court le risque d’un repli sur soi et d’une montée des extrémismes, de tous les extrémismes.”
La victoire du Front national la veille dans la cantonale partielle de Brignoles, avec 53,9 % des suffrages exprimés, a été évoquée à plusieurs reprises comme une preuve de la persistance, voire de la poussée de l’intolérance dans la société française. Avec en filigrane cette interrogation : la Marche pour l’égalité et contre le racisme n’aurait-elle donc servi à rien ? Pour le ministre, au contraire, “on ne peut nier que l’action des marcheurs de 1983 a provoqué une prise de conscience”. François Lamy a également souligné les effets positifs de la politique de la ville, donnant l’exemple des Minguettes et plus largement de “l’agglomération lyonnaise où la transformation des quartiers populaires est plus visible qu’ailleurs en France.” Mais il en a convenu : “La situation sociale est toujours difficile et les questions de lutte contre les discriminations et l’exclusion restent posées”. Et de conclure : “Il y a 30 ans ils ont marché, aujourd’hui nous devons nous remobiliser.”
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