Portraits

Dr Nigar Ribault : la dentellière

Parlant de son métier de psychiatre, le Dr Ribault, médecin coordinateur du Conseil local de santé mentale, décrit joliment un « fil de confiance » tissé entre praticien et malade.

Être psychiatre, c’est soigner les troubles du comportement d’une personne en initiant autour d’elle une ambiance créatrice de sécurité. Parlant de son métier, le Dr Ribault décrit joliment un « fil de confiance » tissé entre praticien et malade. Entretien avec le médecin coordinateur du Conseil local de santé mentale de Vénissieux/Saint-Fons.
Au troisième étage du bâtiment qui abrite la Sacoviv, rue Victor-Hugo, se trouve un des centres de soins ambulatoires de l’hôpital spécialisé Saint-Jean-de-Dieu. C’est là que le Dr Nigar Ribault, psychiatre, reçoit ses patients : quelque 350 personnes, sur les 850 ou 900 qui se présentent chaque année pour une consultation au CSA. Et parce qu’elle est également médecin coordinateur du Conseil local de santé mentale de Vénissieux/Saint-Fons, elle vient de co-organiser la Semaine d’information sur la santé mentale, marquée par deux conférences à Vénissieux sur « la folie dans la ville » et l’histoire de la psychiatrie.
Très jeune, Nigar Ribault a décidé se lancer dans la médecine. « C’était ça ou rien ! Les conditions étaient pourtant très difficiles. Je suis née à Madagascar et il fallait que j’aille passer le bac à Paris. Je me suis ensuite inscrite à la faculté de médecine de Lyon. Après avoir réussi le concours d’entrée, j’ai commencé un parcours en médecine générale tout en travaillant pour financer mes études. Mes stages d’internat, je les ai faits en cardiologie, aux urgences SMA (service médical d’accueil) et aux urgences traumatologiques. »
C’est seulement pour son dernier semestre d’internat qu’elle choisit d’explorer la psychiatrie. Une rencontre qu’elle qualifie de « fondatrice ». A Sainte-Blandine, une unité du centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu, elle rencontre le Dr Itier : « Il dirigeait une équipe formidable, en charge de patients très lourds. La façon dont tous s’en occupaient m’a beaucoup touchée. Mon internat se terminait le 31 octobre, je devais soutenir ma thèse de médecine générale le 15 janvier et entre temps, il me fallait trouver un poste. Deux psychiatres ont déterminé mon choix : les docteurs Jean-Pierre Vignat et Alain Gasté, qui accueillaient dans leurs services respectifs des malades encore plus difficiles. » Très vite, elle comprend que le socle d’une bonne relation entre le praticien et son malade est « le petit fil de confiance » qui va progressivement se tendre entre les deux. « Il est important de tisser un fil de dentelle et, en même temps, de s’occuper des troubles du comportement. Il faut initier une ambiance qui crée la sécurité. »
Nigar Ribault commence sa carrière de médecin aux urgences. « J’ai négocié avec Jean-Pierre Vignat et avec le patron des urgences pour pouvoir pratiquer dans les deux services pendant un an. J’ai également décidé de passer un concours pour suivre une formation académique de psychiatrie générale, infanto-juvénile et légale (c’est-à-dire criminologie). Le Dr Vignat m’a ensuite confié la responsabilité de l’unité Saint-Exupéry de Saint-Jean-de-Dieu. Nous avons tout construit dans cette unité très lourde, accueillant des patients sous contrainte. Je travaillais avec le Dr Gasté qui exerçait au centre de soins ambulatoires. »
C’est d’ailleurs le Dr Gasté qui fait découvrir à Nigar le travail de Francis Jeanson. Célèbre pour son action pendant la guerre d’Algérie (il était parmi les « porteurs de valises » qui transportaient des fonds pour le FLN), le philosophe avait été appelé à Saint-Jean-de-Dieu par le neuropsychiatre Jean-Pierre Losson : « Il a apporté à l’hôpital un énorme travail de réflexion sur l’indépendance, la liberté et la responsabilité de l’individu. » Si Nigar Ribault n’a pas croisé Jeanson, elle a profité de ses écrits et le cite volontiers.
Elle exerce à l’unité Saint-Exupéry de 2002 à 2007 avant de rejoindre le CSA, au moment du départ à la retraite d’Alain Gasté. « Là, j’ai découvert la psychiatrie de secteur. À l’hôpital, je travaillais avec des patients vivant dans des chambres d’isolement ou de soins intensifs. Au CSA, les personnes ont mille facettes différentes. Le patient y vient librement sur ses deux pieds et non pas sur un brancard, accompagné par la police. Je rencontre toutes sortes de pathologies. Des crises de vie à la suite d’une séparation, d’un deuil, de la perte d’emploi. Et aussi des patients psychotiques. Mais nous les voyons tous comme des êtres insérés. La vie sociale au CSA est beaucoup plus présente qu’à l’hôpital, un univers particulier qui reste clos… même si l’on dit que les murs de l’asile sont tombés. »
Rattaché à Saint-Jean-de-Dieu, le CSA de Vénissieux/Saint-Fons, qui accueille des patients adultes (à partir de 17 ans), est divisé en deux entités : le CMP (centre médico-psychologique) pour les consultations individuelles et le CATTP (centre d’accueil thérapeutique à temps partiel) pour les soins groupaux. Comme il relève du service public de santé, les consultations sont prises en charge par la sécurité sociale. Ainsi, chacun peut y accéder sans conditions financières alors que, dans un cabinet privé, la question de l’argent est importante et peut même faire partie de la thérapie.
Comment le psychiatre répond-il aux personnes qui viennent en consultation ? « Il nous arrive d’être désemparés, face à des souffrances qu’on n’imagine pas, reconnaît le docteur. Avec les crises de vie, des zones d’identification sont possibles. Le tout est de rassurer. » Elle tend la main vers un emplacement recouvert de cartes postales envoyées par ses patients. Elle est heureuse de voir la place manquer : tous ces petits mots écrits de leur main sont autant de remerciements, de signes de succès ou d’avancées dans la thérapie. « Nous recevons aussi beaucoup les familles, reprend-elle. On leur propose toujours un accompagnement particulier, sans envahir l’espace du patient. D’ailleurs, au premier étage du bâtiment, nous avons développé un point accueil écoute familles, porté par la Ville et Saint-Jean-de-Dieu. Il faut savoir doser. C’est cela, faire du travail dans la dentelle. »

« Vénissieux a beaucoup changé mais la ville a en commun avec Saint-Fons une dimension de précarité plus chargée qu’ailleurs »

Avec l’équipe du CSA (qui comprend aussi des assistantes sociales), le Dr Ribault constate l’influence de l’environnement sociétal sur les personnes qui viennent consulter : « Un accident du travail débouche parfois sur une mélancolie délirante. Les causes d’une pathologie peuvent également se conjuguer. Par exemple, pauvreté et prise de substances psychotropes. On parle de « facteurs de comorbidité ». Dans certains cas, il devient nécessaire de protéger à la fois le malade et la société. »
Si elle reconnaît que Vénissieux a beaucoup changé, elle relève aussi que la ville « a en commun avec Saint-Fons une dimension de précarité plus chargée qu’ailleurs. Nous voyons les ravages de la crise économique, du chômage. Les gens sont plus vulnérables, fragiles. Il n’y a pas d’argent, la scolarisation des enfants est plus difficile. A cela peut s’ajouter la consommation d’alcool, du cannabis, des médicaments ou d’autres substances, telle la cocaïne. »
Bien sûr, le CSA ne travaille pas seul. Il noue des partenariats avec les Maisons du Rhône et avec la MDPH, maison départementale des personnes handicapées. « Il nous arrive de mettre en place des sauvegardes de justice pour des patients souffrant d’une incapacité, temporaire ou durable. Des experts psychiatriques (dont je suis) reçoivent alors la personne pour juger de sa capacité à gérer ses biens. Le juge peut ensuite décider d’une mesure de protection, telle que la curatelle ou la tutelle. En amont, l’accompagnement social est porté par les services du Conseil général. »
Lorsque l’on exerce comme médecin psychiatre, peut-on mettre de côté tout ce mal-être pour reprendre tranquillement le fil de sa vie, le soir ? « Je suis très attachée à mes patients, reconnaît le Dr Ribault. Lorsque je referme la porte de mon bureau, je ne suis jamais complètement partie, même en vacances. Je vais jusqu’au bout des choses, je mets beaucoup de moi-même. Mais je peux avoir de l’empathie avec mes patients tout en gardant une distance : nous ne sommes pas copains. Il ne faut jamais perdre de vue qu’on est thérapeute. Si on dérape, on n’est plus soignant, quelle que soit l’émotion de la rencontre humaine. Et alors, c’est foutu pour le patient ! Mais je suis aussi très exigeante et je peux être insupportable pour certains.
« La société va mal, c’est une réalité. Les situations de catastrophes psychiques sont également plus médiatisées. La demande de soins augmente. Les gens souffrent beaucoup. Cela fait le succès des centres de relaxation ou de massages… »
Le Dr Ribault s’est, quant à elle, fixé un bel objectif : adoucir la souffrance.

1 Commentaire

  1. aloisio david

    21 janvier 2016 à 19 h 36 min

    en atttente de plus vous connaitre cmp

  2. aloisio david

    21 janvier 2016 à 19 h 32 min

    tres bon parcour d 1 main de veloure et 1
    caractere biens trempé

  3. parizet

    6 juillet 2013 à 18 h 05 min

    bonjour
    je confirme le DR RIBAULT est un très bon médecin .

  4. parizet

    6 juillet 2013 à 18 h 05 min

    bonjour
    je confirme le DR RIBAULT est un très bon médecin .

  5. parizet

    6 juillet 2013 à 18 h 05 min

    bonjour
    je confirme le DR RIBAULT est un très bon médecin .

  6. parizet

    6 juillet 2013 à 18 h 05 min

    bonjour
    je confirme le DR RIBAULT est un très bon médecin .

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