Les Veninov attendaient de pouvoir s’entretenir avec les dirigeants de Windhager depuis des semaines, craignant d’être en train de “se faire avoir”. Ces derniers ont fait le déplacement à Vénissieux ce mardi 5 mars, pour prendre possession de l’usine vénissiane et présenter leur “nouveau concept”. Résultat ? Une réunion plus que tendue, dans laquelle le ton est souvent monté.
De fait, l’organigramme du nouveau concept se dessine un peu mieux. Éric Kurtz a été nommé directeur de la nouvelle société Vénilia France. Gérard Bel, ancien cadre de Veninov, doit prendre la tête de l’usine de la rue Eugène-Maréchal. “Nous prévoyons l’embauche immédiate de dix à douze personnes et la mise en place progressive d’activités de confection, de logistique et de conditionnement, détaille Éric Kurtz. La priorité serait bien sûr donnée aux anciens salariés et à la sécurisation du site. Dans un premier temps, il s’agirait d’emballer des produits conçus dans une usine partenaire, à Boekelo (Pays-Bas). Le volet production pourrait suivre dans les prochaines années, selon l’état du marché.” Les embauches pourraient monter à vingt avant la fin de l’année et à quarante d’ici à 2015. Un investissement de 18 millions est promis par le groupe autrichien, notamment pour créer une plate-forme logistique et moderniser le site.
“Si rien n’est fait dans l’année, c’est terminé”
Une proposition qui ne satisfait pas les Veninov et leurs soutiens. Lesquels craignent de se retrouver au centre d’un “jeu de dupes”. “Ce plan n’est toujours pas acceptable, estimait le 1er mars Stéphane Navarro (CGT), au cours d’une conférence de presse organisée sur le site de l’usine. Ici, on ne ferait que du façonnage et de la logistique ? Ce n’est pas ce pour quoi nous nous sommes battus. Dix emplois, ce n’est pas assez. Windhager va devoir faire une autre proposition. On est trop loin des ordonnances rendues en mai 2012 par le tribunal de commerce*.”
Plus que tout, les Veninov craignent que le repreneur autrichien soit en train de réaliser “l’affaire du siècle”, rue Eugène-Maréchal. “Dans leur projet, ils affirment n’avoir besoin que de 30 000 mètres carrés sur les 70 000 du site, assure Yves Cormillot, expert du comité d’entreprise. Ils transformeraient le reste en bureaux, sur trois ou quatre étages, qu’ils vendraient ou loueraient. Cela représente une plus-value de 140 millions d’euros ! Voilà où était, depuis le début, l’intérêt de Windhager. D’autre part, le 4 mai 2014, Windhager n’aura de compte à rendre à personne, pas même au tribunal de commerce. Ils peuvent bien assurer investir dans de nouvelles machines, de nouveaux équipements, en août ou septembre 2014, cela ne les engage pas vraiment !”
“On nous accuse de faire de la spéculation avec le site, a répondu ce mardi Peter Preis, directeur général de Windhager. Nous n’avons pas de connexions politiques ici, en France. Pas plus de connaissances immobilières. Rien n’a été décidé, ni envisagé. Si nous devions un jour faire ce type d’opération, et j’insiste sur le “si”, ce serait uniquement pour soutenir l’investissement dans l’usine de Veninov, et pas pour nous enrichir. Nous ne sommes pas des promoteurs immobiliers. Nous vendons des biens !” Et le représentant du repreneur de poursuivre : “Notre projet tient la route. Il est viable. Mais les marchés changent vite. Dans ce secteur, nous sommes fortement concurrencés par la Chine, qui produit des toiles cirées qui coûtent bien moins cher qu’en France. Il faut donc que tout se mette en place assez vite. Si rien n’est fait dans l’année, c’est terminé. Si les ex-salariés nous empêchent de mettre en place notre nouveau concept, nous nous retirerons, purement et simplement.”
Que Windhager se retire ? “Il y a eu tromperie sur la marchandise, estimait en tout cas le 1er mars André Gerin, député honoraire du Rhône. Windhager, avec ce plan, confirme l’abandon de la stratégie qui avait motivé le tribunal de commerce à rendre les ordonnances lui attribuant le site et ses actifs. Dès lors, sa présence dans ce dossier n’a plus de sens. Windhager évoquait au tribunal de commerce de Nanterre l’état excellent dans lequel se trouvaient les machines. Or, elles seraient maintenant obsolètes ?”
Hier, mardi, Peter Preis avançait une justification : “Lorsque nous avons présenté notre projet au tribunal de commerce de Nanterre, notre appréciation de l’état des machines était principalement basée sur l’échange que nous avions eu avec les salariés, assure Peter Preis. Or, et encore plus après deux ans d’inactivité, elles ont effectivement grand besoin d’être rénovées. Mais à quel prix ? C’est pour cela que nous devons installer, dès aujourd’hui, une équipe sur place.”
De son côté, Michèle Picard, le maire de Vénissieux, s’étonnait la semaine dernière du délai de sept semaines accordé en référé à Windhager pour se mettre en accord avec les ordonnances rendues en mai dernier : “Jusqu’à quand va-t-on permettre à Windhager de s’asseoir sur le droit français ? On essaie de nous vendre le fait que dix emplois, c’est mieux que rien. Ce n’est pas ce pour quoi le site a été attribué à Windhager ! J’en appelle au gouvernement. Dans ce dossier, il ne peut pas rester inactif.”
Ce mardi, les Veninov ont fait à Windhager de nouvelles propositions, notamment sur l’emploi. Elles seront rendues publiques ce mercredi à l’occasion d’une conférence de presse. Leur objectif, c’est l’application des ordonnances rendues par la justice française : “Windhager doit se mettre en conformité.”
* Celles-ci évoquent une quarantaine d’emplois, et la mise en place d’une véritable production industrielle.