La scène semble tout droit sortir d’un classique américain, si ce n’est qu’elle n’est pas en noir et blanc. Le héros fait un cauchemar et le réalisateur choisit de montrer des choses étranges et des objets démesurés, comme dans « La Maison du Dr Edwardes » de Hitchcock. Nous ne sommes pas dans les studios de Selznick mais dans un appartement, au centre de Vénissieux.
Un homme vêtu d’un t-shirt blanc pénètre par la fenêtre, se saisit d’un tricot noir, se change puis regarde en direction de la porte, plus particulièrement du trou de serrure. À part que ledit trou de serrure mesure 50 cm de haut, que deux autres hommes se trouvent de part et d’autre et qu’une caméra filme à travers l’ouverture factice. Nous ne sommes pas là en train de regarder la vision facétieuse d’un mauvais rêve mais bien le premier plan du tournage d’un court-métrage écrit par Hugo Salignat, auquel son père Charles donne un coup de main, et interprété par Pascal De Maria. Ces trois Vénissians sont des amoureux du septième art. Pascal et Charles ont créé une association, Le Hareng rouge, qui travaillesur de nombreux courts-métrages et assure les stages de Passeurs d’images au cinéma Gérard-Philipe. Quant à Hugo, il a de qui tenir. Il garde quelques souvenirs, plus jeune, des tournages de son père mais surtout, il passe son temps libre à regarder des films et à penser cinéma. Avec des copains, il a déjà bricolé quelques courts, dont une version moins élaborée de l’histoire qu’il est en train de tourner. « On les a montrés à la MJC Monplaisir dans les soirées VHS, vidéo hors sujet. »
Cette histoire justement est assez compliquée à retranscrire. Les trois intéressés eux-mêmes ont parfois du mal à s’y retrouver : il s’agit d’un homme qui s’observe lui-même, se poursuit, pénètre par effraction chez lui et s’étonne du verre brisé qu’il trouve. Jusque là, on suit. C’est lorsqu’il s’agit de ses vêtements qu’on commence à s’y perdre. À ce moment précis, portait-il le t-shirt blanc ou le noir ? Est-il celui qui observe, celui qui est observé ? Peu importe, c’est le même… sauf que non, le costume a son importance.
Le film doit être réalisé en un week-end, entre Vénissieux centre (les intérieurs), Feyzin et Couzon-au-Mont-d’Or pour les extérieurs.
Entre deux prises, les conversations vont bon train. Hugo se pose beaucoup de questions, les deux autres y répondent par des exemples. On parle de Jean Dujardin (les uns l’aiment, pas l’autre) et de l’effet Koulechov du cinéma soviétique muet (un même plan d’acteur, suivi par le plan d’un repas, d’une belle fille ou de la misère, peut exprimer tour à tour la faim, le désir et la pitié, l’explication résidant dans le montage).
« J’apprends tout, remarque Hugo. Là, par rapport à ce que je faisais avec mes copains, j’ai une caméra plus performante, de vrais éclairages, un micro, un vrai scénario. Avant, on n’écrivait rien et on filmait suivant l’inspiration. Le scénario, ça structure ! »
Le film n’est pas encore nommé : « Je suis en galère pour le titre. Comme l’histoire est en boucle, on avait pensé à « L’Escalier d’Escher », « Le Ruban de Möbius » ou « La Bouteille de Klein », mais je ne me suis pas encore décidé. »
Quel que soit l’intitulé de son film, Hugo aimerait bien pouvoir le projeter à Gérard-Philipe, au cours d’une soirée courts-métrages.
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