Au programme de ce grand rassemblement : musique, danse, boissons… Le tout accompagné de rires et de sourires, dans une usine qui, ces derniers mois, était plutôt devenue le temple de la colère ouvrière. De nombreuses personnalités étaient présentes. Bien sûr, le maire de Vénissieux Michèle Picard, le député du Rhône André Gerin, le sénateur Guy Fischer, qui ont été constamment présents auprès des Veninov, mais aussi le secrétaire national du PCF Pierre Laurent, ou encore Christiane Puthod, vice-présidente de la région Rhône-Alpes, ou des conseillers communautaires. À noter également, la visite appréciée du préfet de Région, Jean-François Carenco, très impliqué dans ce dossier.
Yves Cormillot, expert auprès du comité d’entreprise de l’ancien leader européen de la toile cirée, ne cachait pas sa joie de voir l’usine tournée vers des jours meilleurs : “La mode étant à la notation, je décerne à cette histoire un “quintuple V”, comme “victoire”. Victoire, pour l’emploi. Victoire, pour l’industrie. Victoire, contre le monde de la finance et le fonds de pension Gordon Brothers. Victoire, contre des patrons voyous. Victoire, sur les tribunaux de commerce. J’ajouterai même un sixième “V”, celui de la vigilance : la victoire sera complète lorsque l’entreprise redémarrera effectivement, et totale lorsqu’elle comptera de nouveau 90 salariés, comme avant. Ce succès historique nous enseigne deux choses. D’abord, lorsque tout le monde tire dans le même sens, on peut faire de grandes choses. Ensuite, qu’au sein de l’entreprise, un triptyque est indispensable : syndicat, comité d’entreprise et expert du comité d’entreprise.”
“La reprise, un mirage”, disait-on
“Depuis la liquidation, nous étions dans le coma, rappelait Bernard Dhennin (CFDT). Aujourd’hui, c’est une véritable résurrection. Mais il reste du travail : remettre les machines en état après un an d’arrêt, reconquérir les marchés… Un autre challenge commence.”
“Résurrection”, le mot n’est pas trop fort. On se souvient, en effet, de ce passage par le tribunal de commerce de Nanterre en octobre 2011. Le liquidateur judiciaire, Marc Sénéchal, assurait alors aux salariés, à la sortie d’une audience repoussée, que tout était “terminé” : “Pour moi, la reprise de l’activité sur le site, ce n’est plus une hypothèse, c’est un mirage.” Quelques mois plus tard, cette soirée sonne sans doute comme une douce revanche pour les Veninov… “La joie est à la hauteur des efforts consentis depuis des mois, relevait Stéphane Navarro (CGT). On a encore presque du mal à réaliser…”
Venu aussi apporter son soutien à Michèle Picard (PCF – Front de gauche) et sur l’enjeu de conserver un député communiste dans la circonscription, Pierre Laurent a insisté sur le caractère historique du combat mené par les Veninov. “C’est une victoire de portée nationale, a ainsi déclaré le secrétaire national du Parti communiste. La question de l’industrie est indispensable en France : il n’y aura pas de sortie de crise sans ce secteur. À partir de ce symbole que devient Veninov, il faut lancer une bataille de reconquête de l’industrie : décréter un moratoire sur les licenciements et, dès que l’Assemblée nationale se réunira, mettre à l’ordre du jour toute une série de mesures de protection de l’emploi industriel. La question des droits des salariés doit redevenir fondamentale dans notre pays.” Un point de vue partagé par André Gerin, qui n’a pas ménagé ses efforts dans ce qui restera comme son dernier “gros dossier” avant la fin de son mandat à l’Assemblée nationale : “Je vais écrire dans les prochains jours à Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, pour lui dire qu’ici, il s’est passé un événement considérable. Les temps ont changé, les salariés sont devenus des experts du monde de l’entreprise. Pour changer la donne dans les entreprises, il faut des modèles. Veninov est de ceux-là.” “Tout n’est pas terminé car de nombreuses batailles se préparent, partout en France où des milliers d’emplois, plus de 90 000, sont en sursis, a ajouté Guy Fischer. (…) Après la victoire de François Hollande à la présidentielle, l’attente est grande et légitime. Nous ne lâcherons rien !”
“Toutes les luttes servent, même celles qu’on ne gagne pas, a pour sa part estimé Michèle Picard. À Vénissieux, la liquidation de Saint-Jean Industries a laissé des cicatrices. Si nous avons été présents à ce point au côté des Veninov, c’est aussi grâce à cet épisode malheureux. Le comité de soutien a réuni plus de 1 100 personnes ! Je souhaite que Veninov redevienne au plus vite le leader européen qu’il était. En attendant, cette entreprise est entrée dans l’histoire des luttes vénissianes.”