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Cinquante ans après le cessez-le-feu en Algérie

Le 18 mars 1962, les accords signés à Evian entre le gouvernement français et le FLN aboutissent à un cessez-le-feu applicable le lendemain sur le territoire algérien. Rencontre avec quelques Vénissians qui ont vécu en France la fin de la guerre.
Sur le territoire français, Abdelmadjid Bouadi était un des 350 000 travailleurs recrutés en Algérie par des chefs d’entreprise, essentiellement pour assurer des travaux de terrassement, ou de manœuvre dans les grands groupes automobiles. “Je suis arrivé en France en 1955. J’avais 18 ans, j’avais fait des études en arabe, je ne connaissais pas un mot de français. Je me suis retrouvé à Paris, Gennevilliers, Argenteuil et surtout à Nanterre, dans le plus grand baraquement de la région parisienne. J’étais venu pour travailler, ce n’est pas ce qui manquait. Très vite, mon quotidien s’est résumé à boulot, contrôles policiers et dodo. Quand les policiers voyaient un Algérien, c’était pour eux un fellagha, pas l’ouvrier qui avait travaillé toute la journée. Aucun loisir ne nous était permis puisqu’un couvre-feu avait été fixé à 21 heures par le préfet de police. Une fois, j’ai bien essayé d’aller voir un film en soirée, mais à coup de violences répétées, la police nous a vite réexpédiés vers notre baraquement…. Mais ça ne m’a pas véritablement manqué. Outre le travail, d’abord chez Citroën, puis dans le BTP pour du terrassement, je prenais des cours du soir pour me familiariser avec le français et m’instruire un peu.
“Autant le travail ne manquait pas, autant les conditions d’embauche étaient strictes. Lors des visites médicales, on nous faisait passer un test physique incroyable : tendre à bout de bras durant deux minutes un sac de sable de 5 kg. Nous étions jeunes, costauds, pas revendicatifs, on ne parlait pas politique au boulot… tout ce que recherchaient les patrons, de la main-d’œuvre docile.”
Concernant le FLN, crée en 1954, Abdelmajid se montre très bref. “Ceux qui travaillaient devaient payer une cotisation au Front de libération nationale. Point final. Et ceux qui n’avaient pas de boulot étaient aidés par lui. Nourris, souvent logés et même avec un peu d’argent de poche. Est-ce qu’on peut parler de solidarité ? Je ne sais pas vraiment. C’était ainsi.”
Il participe à la manifestation du 17 octobre 1961, marchant de Gennevilliers à la porte Clichy. “Il pleuvait, nous étions trempés et on allait à l’abattoir. Les policiers devenaient dingues. Ils nous fouillaient, nous tabassaient. Mon beau-frère, pourtant soldat de l’armée française en permission, a été de ceux balancés dans la Seine.
“Quand on a appris la fin de la guerre, avec les accords d’Évian signés le 18 mars, avec quatre copains, on est allés acheter une petite télé. Je me souviens qu’elle avait deux boutons : un pour l’image, l’autre pour le son ! On chantait, on rigolait. Dès le lendemain, on était dans les cafés à lire en long et en large les nouvelles, on a arrosé ça comme on dit. Après, c’était fini. Le couvre-feu était levé et les flics nous laissaient tranquilles.”
Alors, Abdelmajid a préféré quitter Paris et rejoindre Nancy où il avait de la famille. Arrivé à Vénissieux en 1990, il a fini son activité professionnelle comme électromécanicien à Rhône-Poulenc.
À la retraite, ce Vénissian passe son temps à étudier, à lire. Ses enfants font sa fierté : un fils écrivain à Paris (Samir Bouadi), un autre archéologue, un autre étudiant en droit à Lyon et une fille professeur à Nancy.

“Nous avons perdu trois ans de notre jeunesse !”

Ils étaient appelés. Anciens combattants en Afrique du nord et tous trois Vénissians, ils se replongent dans un passé encore douloureux. Président de l’UFAC (Union française des associations de combattants et de victimes de guerre) de Vénissieux, Henri Colombo est aussi secrétaire de la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie, Maroc et Tunisie). “J’ai été appelé de septembre 1955 à mai 1958. J’ai d’abord fait six mois dans le 21e Génie à Chartres et Versailles. Je devais partir en Égypte mais je suis resté trois mois en mer. Je suis allé en Tunisie et dans la Légion saharienne. J’étais à la frontière de l’Algérie, la Tunisie et la Libye. En 1956, en Tunisie, l’armée française a compté plus de cent morts.”
André Bruyas, président de la section vénissiane de la FNACA, est resté en Algérie d’avril 1954 à juin 1956. Quant à Yves Ratier, il est parti en juillet 1956 et n’est revenu que début novembre 1958. Sa conclusion : “Nous avons perdu trois ans de notre jeunesse !”
“Dix classes sont allées là-bas, reprend André Bruyas. En dix ans, en comptant le Maroc et la Tunisie, il y a eu 30 000 morts. Moi, j’ai fait mes classes et les pelotons en Allemagne. Je suis parti au Maroc, puis à la frontière algérienne et dans les montagnes en Algérie. On a dérouillé, comme tout le monde. On a fait le boulot ! Cette guerre ne nous intéressait pas mais on ne nous a pas laissé le choix.”
Lorsque les accords d’Évian sont enfin signés (après l’assassinat par l’OAS du maire de la ville, qui avait accueilli les pourparlers, rappellent-ils), tous trois ont déjà regagné leurs pénates.
“On n’y croyait même plus, au retour, lâche Yves Ratier. Ils nous ont fait refaire quatre fois le paquetage pour partir. Quatre fois on est redescendus du camion.” André Bruyas confirme : “On ne savait plus quand on se ferait libérer. Il n’y avait pas eu de loi votée pour le faire.”
Pour eux, le cessez-le-feu, ce fut “énorme”. André Bruyas : “Nous étions contents pour les copains morts là-bas, ceux qui, comme le rappelle Yves, ont fait leur valise dans le cercueil.” Il sort de sa sacoche le fac-similé de l’ordre du jour du 19 mars 1962, signé par le général Ailleret, qui stipule que la mission de l’armée est accomplie mais que son rôle n’est pas terminé : “Elle doit (…) contribuer à empêcher que le désordre l’emporte.”
Les trois confirment que cette guerre a laissé dans son sillage bien des traumatismes. “Des soldats ont vraiment perdu la tête. Le film de Tavernier, “La guerre sans nom”, le reflète bien. Pour ceux-là, la guerre ne s’est jamais finie mais on les a ignorés très longtemps. Vénissieux a été l’une des premières villes de France à baptiser une rue “du 19 mars 1962”, c’était en 1975. Marcel Houël, le maire, a ensuite inauguré une stèle. La ville a compté sept morts.”
Ils réprouvent que le président Chirac ait choisi par décret la date du 5 décembre pour rendre hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie. “En 2002, il a inauguré un mémorial à Paris, sur le quai Branly. Mais c’est un monument fantôme ! Il faut aussi se souvenir que les pieds-noirs voulaient y faire inscrire le nom des partisans de l’OAS tués… De Gaulle est parti trop tôt, sinon le 19 mars serait reconnu.”

À l’invitation de l’équipe municipale de Vénissieux et des associations d’anciens combattants (FNACA, UFAC, AAM, ANACR, ARAC, FNDIRP et UMAC), le 50e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie sera célébré, lundi 19 mars à 17h30, au nouveau cimetière de Vénissieux. Au cours de la réception qui suivra à l’hôtel de ville, la croix du combattant sera remise à Pierre Gayet et Roger Santi.

1 Commentaire

  1. c est bien

    15 mars 2012 à 17 h 50 min

    bien parler………………

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    15 mars 2012 à 17 h 50 min

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    15 mars 2012 à 17 h 50 min

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