Le dernier conseil de transparence du chauffage urbain a montré la difficulté croissante des usagers à s’acquitter de leurs factures. La Ville, propriétaire du réseau, et son délégataire, la SECV, ont annoncé des projets visant à s’affranchir presque totalement des énergies fossiles.
La dame se lève, furibonde : “Je ne suis pas technicien, je ne comprends pas grand-chose à vos graphiques. Mais ce que je peux vous dire, c’est que je ne peux plus payer le chauffage et l’eau chaude, c’est devenu impossible. Est-ce que vous le comprenez, ça ?” Le ton n’est pas feint. C’est un cri d’alarme, qu’approuvent nombre de locataires et de copropriétaires présents dans la salle du conseil municipal.
Le conseil de transparence du chauffage urbain du 14 décembre a fait le plein. Une affluence à la hauteur des difficultés financières rencontrées pour s’acquitter des charges. L’année 2010, marquée par un hiver rigoureux et une flambée des prix pétroliers, a en effet eu des conséquences douloureuses sur les budgets des quelque 10 000 foyers raccordés au réseau de chauffage urbain des Minguettes. Des augmentations de 300 voire 400 euros dans certains quartiers ! Cette situation n’est pas circonscrite à Vénissieux. Loin s’en faut. La précarité énergétique touche environ 3,8 millions de ménages en France, qui dépensent plus de 10 % de leurs revenus pour se chauffer, cuisiner et s’éclairer. Avec la multiplication par deux en vingt ans du prix des combustibles, elle est devenue un véritable fléau. À tel point que la Fondation Abbé Pierre vient de lancer une campagne nationale d’affichage pour attirer l’attention sur “un problème sous-évalué et mal traité par les pouvoirs publics”.
À Vénissieux, la situation est rendue plus complexe du fait du fiasco de la première chaufferie bois, installée en 2004, qui a dû être démontée en 2009 pour être reconstruite. Ce raté, dont la responsabilité incombe au concepteur-réalisateur (l’expertise l’a démontré), a instillé le doute dans les esprits : si les notes flambent, c’est forcément la faute de la chaufferie bois. La Ville, propriétaire du réseau et son délégataire, la société SECV, ont beau faire œuvre de pédagogie, le message a du mal à passer. On l’a encore vu lors de ce conseil de transparence : Pierre-Alain Millet, adjoint au maire en charge du dossier, a eu bien des difficultés à faire admettre que le coût de la reconstruction de la chaufferie ne pesait pas sur les factures ; et que l’absence de cette même chaufferie, entraînant une surconsommation de fioul, n’entrait que pour un tiers dans les augmentations constatées.
Le bon rendement constaté depuis sa remise en route en novembre 2010 – elle produit désormais 40 % du total de la chaleur du réseau – ne convainc pas davantage. Pas plus que l’allumage, le mois dernier, d’une chaufferie gaz de 6 MW. Ces investissements ont pourtant réduit la dépendance aux produits pétroliers (le fioul ne représente plus que 6 %). Mais en parallèle, le prix des combustibles, notamment du gaz, a poursuivi son ascension. Au final, soulignait André Santier, directeur du secteur municipal du Patrimoine en charge du chauffage urbain : “Cette hausse nous reprend quasiment les baisses obtenues”. Malgré tous les efforts entrepris, les factures ne baissent donc pas. Ou peu. Et c’est ce que voient les usagers. On les comprend.
Une seconde chaufferie bois
Pourtant, la situation pourrait être pire. Michèle Picard, le maire, l’a rappelé en préambule de la réunion : “Sans ces nouvelles installations, la hausse serait plus douloureuse. La Ville et la SECV procèdent à des investissements collectifs pour améliorer l’outil. L’objectif est de parvenir à plus de 50 % d’énergies renouvelables, ce qui permettrait de faire passer la TVA de 19,6 % à 5,5 %.”
Pour franchir ce cap, la Ville et la SECV ont le projet d’une seconde chaufferie bois. Ce combustible est trois fois moins cher que le gaz, quatre fois moins que le fuel, et montre une remarquable stabilité dans le temps. L’étude technique est en cours. La réalisation dépend toutefois de la réflexion engagée au niveau du Grand Lyon sur le schéma directeur des réseaux de chaleur. Un autre projet concerne la station d’épuration (STEP) des eaux usées de Saint-Fons : l’idée est de récupérer l’énergie dégagée par le brûlage des boues. La part d’énergies renouvelables pourrait ainsi atteindre plus de 75 % du total.
“Pour plus de sécurité, nous discutons actuellement avec la SECV pour figer le prix des combustibles fossiles sur une durée de trois ans, a révélé Pierre-Alain Millet. De la sorte, on pourra pour la première fois faire des prévisions précises, prendre des engagements fermes auprès des usagers, sans être à la merci d’une fluctuation des tarifs.” L’adjoint au maire a par ailleurs annoncé qu’il y aura désormais deux conseils de transparence par an (en juin et en décembre) pour améliorer l’information et la transparence. Dans la même optique, un site internet dédié au réseau de chaleur devrait bientôt être mis en ligne.