À 90 ans, José Agustin a gardé un souvenir précis de la création, en 1971, du foyer culturel espagnol à Vénissieux, dont il est le président d’honneur. “Il y avait une inquiétude permanente de la colonie espagnole. Nous étions une génération très politisée mais chacun restait dans son coin. Le franquisme et sa répression étaient présents : à cette époque, en décembre 1970, se déroulait le procès de Burgos (NDA : seize indépendantistes basques accusés du meurtre d’un policier). À Vénissieux, trois courants politiques étaient alors présents chez nous : socialistes, libertaires et communistes, avec des relations sporadiques. Il fallait faire quelque chose.” Antonio Sanchez, responsable de la culture au foyer, renchérit : “Ces trois courants ont toujours eu des bagarres politiques en Espagne puis en France, avec l’immigration. Heureusement qu’il y en avait quelques-uns de bonne volonté chez chacun d’eux, qui ont voulu se réunir et créer un foyer antifranquiste mais dépolitisé.”
Arrivé à Vénissieux en janvier 1957, où il a fait toute sa carrière aux Électrodes, José Agustin est originaire d’Albacete, dans La Manche. Il a été précédé en France par ses deux frères, réfugiés politiques. L’Andalou Antonio Sanchez est venu en septembre de la même année, “émigré économique”. Paula Alcaraz, l’actuelle présidente du foyer, est en France depuis avril 1963. “Nous sommes arrivés de Madrid avec mes parents, pour des raisons économiques. Nous étions six enfants et mon père a trouvé du travail à Sicfon. C’est mon oncle, réfugié politique, qui nous a fait venir mon père. Lequel a été l’un des fondateurs du foyer. Moi, j’en suis devenue secrétaire en 1978, ce qui a été mon premier poste à responsabilité. Ensuite, j’en ai accepté d’autres puisque, depuis 2001, je suis conseillère municipale de Vénissieux. J’ai pu être élue tout en gardant ma nationalité espagnole, grâce aux accords européens qui ont été appliqués en France à partir de cette année-là pour les élections européennes et municipales. ”
Le premier foyer créé par l’immigration
Réfugiés politiques ou économiques (près de deux millions dans toute l’Europe), tous ces Espagnols ne pouvaient regagner leur pays. À Vénissieux, beaucoup s’installent au Charréard. Il poursuit : “Notre foyer fut le premier à être créé en Europe. Il existait quelques centres à Saint-Étienne ou Lyon, appuyé par le consulat franquiste. Vénissieux a été le premier foyer créé par l’immigration, en 1971.”
Paula Alcaraz convient que “les fondations étaient solides.” C’est que, rapidement, le foyer culturel propose des expositions, des spectacles (dont Manolo Sanlucar, grand guitariste de flamenco, à la Maison du peuple), deux ou trois conférences par an. Et passe à la vitesse supérieure dans les années quatre-vingt. “En 1981, nous avons eu le rapprochement avec Manises, une ville de la province de Valence, rappelle Paula Alcaraz. Le jumelage a été signé en 1984. ”
De Max-Barel où il est né, le foyer s’est installé d’abord boulevard Lénine puis rue André-Sentuc. Là, dans la salle de réunion, Antonio Sanchez montre les coupures de presse qui ornent les murs et dont l’exposition est au programme des festivités du 40e anniversaire : “Regardez, en 1982, on a organisé une semaine valencienne. Quatre camions sont venus d’Espagne, chargés de céramiques qui ont été exposées à la mairie et au cinéma Gérard-Philipe, et de huit palmiers ; on en a planté quatre devant l’hôtel de ville et quatre devant le cinéma. Les gens se demandaient ce que c’était et appelaient Marcel Houël, le maire. On a pu présenter aussi les grosses têtes des fallas. Il faut savoir que, epndant, pendant la fête valencienne, toutes les grosses têtes sont brûlées sauf une qui est conservée. C’était la première fois que toutes ces têtes sortaient du musée de Valence et c’est à Vénissieux qu’elles sont venues. Les socialistes dirigeaient alors l’Espagne et les gouvernements autonomes voulaient faire ressortir leur culture.”
Les jeunes du foyer montent leur groupe, Los Andaluces, avec Norbert Torres (fils du premier président du foyer), son cousin Albert, les sœurs Édith et Sophie Hernández et Lorenzo Gines El Cordobés. Depuis, Norbert est reparti vivre en Espagne. Il a dirigé l’École municipale de folklore d’Almería, est devenu un guitariste flamenco réputé, un conférencier et il tient une rubrique régulière dans de nombreuses revues.
5 et 6 novembre : l’anniversaire
Aujourd’hui, le foyer culturel espagnol compte 350 membres et continue d’organiser de nombreuses festivités. Y compris des cours d’espagnol car, avec les mariages mixtes, les jeunes ne parlent souvent plus la langue des fondateurs. Certains financés par le gouvernement de Madrid, d’autres par le foyer lui-même, ces cours bénéficient aux enfants comme aux adultes puisque le foyer est ouvert à tous, que l’on soit d’origine ibérique ou non.
Pendant des années, la Ville a prêté des lieux pour aider le foyer à organiser ses manifestations, la Maison du peuple ou la salle Joliot-Curie. “À présent, nous ne pouvons plus compter sur toutes ces aides, remarque Antonio Sanchez. Nous ne demandons même pas à la Ville, nous sommes conscients de la crise. Matériellement, la mairie continue à nous aider.”
Paula Alcaraz donne le programme du 40e anniversaire : “Nous préparons une table ronde sur la vie du foyer, illustrée par les coupures de journaux et des photos. Ce sera le samedi 5 novembre à 15h30, au foyer. Bien sûr ouverte à tous, cet après-midi se terminera par le verre de l’amitié. Le dimanche 6 novembre, nous donnons rendez-vous à la salle Irène-Joliot-Curie pour un repas dansant animé par l’orchestre Jys, suivi d’un spectacle de cabaret.” Dernière précision de la présidente : les repas sont à réserver par avance, au foyer.
Foyer culturel espagnol : 85, rue André-Sentuc. Contact : 04 72 50 17 91 (à partir de 15 heures).
Derniers commentaires