En juillet 1981, quand éclate aux Minguettes, dans le quartier de Monmousseau, la première grande émeute urbaine que la France a connue, Guy Fischer est Premier adjoint au maire. Il est en première ligne face aux revendications des jeunes. Ces quelques semaines ont profondément marqué sa vie politique. Interview.– Lorsque l’on évoque les violences de 1981 sur le plateau des Minguettes, on a l’impression que l’équipe municipale a été dépassée par l’ampleur des événements. Est-ce votre sentiment ?
L’année 1981 est une année de très fortes tensions. Il faut se replacer dans le contexte. Le maire, Marcel Houël, ne comprenait pas la révolte d’une partie des jeunes du plateau des Minguettes. Le plateau, c’était son œuvre, il en avait été le bâtisseur ! Pour lui, il était extrêmement douloureux de voir ces affrontements, qui lui paraissaient être une véritable attaque personnelle. D’où une incompréhension terrible entre les jeunes, qui ont l’impression de ne pas être écoutés, et le maire, qui ne voit pas les véritables motivations de ces habitants.
– Vous étiez le premier adjoint de Marcel Houël. Comment avez-vous vécu cette période de fortes tensions ?
Cela a été la période la plus difficile de ma vie politique. Il a par exemple fallu que je préside un conseil municipal extraordinaire à la Maison du peuple, en l’absence du maire. De par ma position de premier adjoint, j’étais constamment sur le devant de la scène, en première ligne face aux revendications de ces habitants.
C’était difficile aussi, parce que je ne partageais pas complètement l’analyse que Marcel Houël faisait de la situation. Il vivait ces affrontements comme une injustice, un manque de reconnaissance de l’action municipale qu’il avait menée. Mon analyse, qui n’était pas suivie par une partie de la majorité municipale, était qu’il fallait prendre au sérieux les difficultés de ces jeunes vivant dans les grands ensembles. Il y avait, pour ces populations, un fort sentiment de discrimination. Ayant été, par le passé, instituteur sur le plateau, j’avais déjà senti cela. Vingt ans plus tôt, il avait fallu construire vite, pour beaucoup de gens, dans des endroits excentrés. Petit à petit, ceux qui avaient du pouvoir d’achat sont partis, mettant fin à la mixité sociale de ces quartiers, donnant naissance aux problèmes de xénophobie.
– Trente ans sont passés et les Minguettes ont bien changé. La réurbanisation du quartier a été une des réponses aux problèmes de la ZUP. Était-ce selon vous la bonne façon d’aborder ces problématiques ?
En terme d’urbanisme, de très nombreuses choses ont été faites, effectivement. Mais cela ne peut pas tout régler, et cela n’a pas tout réglé. Le problème fondamental, c’est l’accès à l’emploi, à l’éducation, aux études, à des logements décents, aux formations. Or, nous vivons dans une France de plus en plus inégalitaire. On continue à stigmatiser une population immigrée, qui serait source de tous les maux du pays. Ce genre de considérations ne fait rien avancer. Les jeunes, en particulier dans ces quartiers, ont besoin d’entendre autre chose de la part de leurs représentants.
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