Dire que la carrière de Chantal Guiraud s’est articulée autour de la musique n’étonnera personne. Et ajouter que cet art accompagne depuis son plus jeune âge la directrice de l’école de musique Jean-Wiener, qui prend sa retraite ce mois-ci, n’est pas non plus un scoop. Imaginons à présent une grande salle de musique, à l’intérieur de laquelle seraient disposés des instruments : là une flûte à bec, ici un piano, à côté un violon, un clavecin, une viole de gambe. Vers lequel croyez-vous que se dirigerait Chantal Guiraud ? Elle se montre modeste… pourtant, elle pourrait jouer de chacun d’eux car elle les maîtrise tous.
“Je viens d’une famille qui faisait pratiquer la musique à ses enfants, explique Chantal. À 7 ans, j’ai commencé par la flûte à bec, qui n’était alors pas considérée comme un instrument à part entière. Mon grand-père m’achait acheté un violon et j’ai appris également le piano. Puis je suis revenue vers la flûte à bec.” À cette époque, le conservatoire de Lyon n’enseigne pas cet instrument et la jeune fille suit des cours privés. “La classe ne sera ouverte qu’en 1972. Et moi, je suis entrée au conservatoire en 1973 en tant qu’enseignante. J’y suis restée jusqu’en 1981. Je voulais être pédagogue et, parallèlement à la musique, je faisais des études d’anglais. J’ai été amenée à faire un remplacement à l’école de musique de Vénissieux, j’y suis restée.”
On est en 1977. La prof que Chantal remplace pendant un trimestre s’appelle Sylvie Mongin, qui brille dans la mise en scène théâtrale avec sa compagnie des Trois-Huit. On retrouvera d’ailleurs Sylvie au cours de la prochaine saison du Théâtre de Vénissieux. “À la fin de cette année scolaire, la municipalité a décidé de pérenniser le poste d’enseignant de flûte à bec. J’ai réussi le concours et, de fait, j’ai lâché mes études d’anglais. J’ai enseigné la flûte à bec à mi-temps jusqu’en 1984, où je suis devenue l’adjointe du directeur, Jean Boulay. Quand il est parti en 1990 diriger le théâtre de Vénissieux, j’ai été nommée au poste de directeur.”
L’école de musique est alors installée dans l’ancienne mairie, place Léon-Sublet. “C’était assez folklorique, se souvient Chantal. Les bureaux étaient restés tels quels, ils n’ont été refaits que plus tard. Mais la base était en place : les deux profs de formation musicale étaient là, il y avait des classes d’accordéon, saxo, guitare, clarinette, flûte traversière, violon, violoncelle, percussions, etc. Le premier directeur de l’école, Daniel Blanc, les avait très vite créées. À la fin des années soixante-dix, nous proposions déjà 12 ou 13 des 15 disciplines instrumentales. On a ouvert des classes d’alto, clavecin et chant choral, alors sous la direction de Martine Puget qui enseigne aujourd’hui la flûte à bec.”
À cette époque, l’école attire quelque 600 élèves et possède des annexes aux Minguettes, au Moulin-à-Vent et à Max-Barel/Charréard. Elles sont rapidement fermées pour des problèmes de locaux et de matériel, sauf au Moulin-à-Vent. “Quand la population de Vénissieux a fortement décru dans les années 80, le nombre d’inscrits a baissé aussi. Entre 1985 et 2005, on ne comptait plus que 400 élèves. Notre installation dans une structure neuve a fait remonter nettement les effectifs : en 2007, 600 élèves étaient inscrits. Cette année, ils sont 560 pour 29 profs. Le bâtiment permettrait d’accueillir 650 personnes mais… il faudrait embaucher des enseignants.”
Les Musicianes et les Choralies
Ce déménagement de Jean-Wiener en 2006 aux Minguettes reste le grand moment de la carrière de Chantal : “Neuf ans de gestation pour un résultat final à la hauteur de ce que j’espérais !” Pendant toutes ces années, appuyée par l’équipe enseignante, Chantal a créé de nombreuses manifestations musicales. “Place Sublet, j’ai toujours regretté de ne pouvoir organiser un événement plus intéressant pour la fête de la musique. Avec les élèves et quelques pupitres, nous faisions le minimum.” Cela change radicalement après le déménagement aux Minguettes. “Les Choralies de Vaison-la-Romaine, poursuit Chantal, ont été un gros projet, pas facile à monter mais très intéressant, enthousiasmant même ! Je regarde encore fréquemment la vidéo de nos jeunes choristes, sous la direction de Mick Wagner.”
Valoriser les élèves lui tient à cœur et elle évoque avec plaisir les nombreux prix remportés par les jeunes accordéonistes ou le brevet départemental, “gratifiant pour les élèves, les profs et l’école”. “Jean-Wiener est bien perçue dans le département et nous avons réussi à travailler en transversalité avec d’autres écoles de musique.” Elle cite le projet “Archipel” il y a deux ans, “avec 400 musiciens à cordes”, les deux projets Kaléidoscope montés avec l’Opéra de Lyon ou encore l’orchestre intercommunal avec l’école de Saint-Priest. “Je suis contente d’avoir contribué à créer les classes à horaires aménagés musique au collège Elsa-Triolet. Je pars avant que le cursus ait complètement abouti puisque il n’y a que des 6e et 5e. J’espère que la 4e et la 3e vont finir par être mises en place.”
Autre grand succès, les Musicianes : un festival fédérateur dans lequel les enseignants, qui souhaitaient un projet d’école, se sont investis fortement. “Dès la première année, avec Bach, le public a adhéré. Sont venues ensuite l’Argentine, la Bretagne. Tous les profs travaillent ensemble, les élèves et leurs parents s’impliquent également beaucoup, on donne des concerts dans tous les quartiers de la ville. L’an prochain, ce sera l’Espagne : musique, danse et art culinaire seront associés.” Elle souligne le travail acharné de tous ses enseignants et particulièrement de ceux qui réorchestrent les partitions, comme ils le font également pour les concerts des profs.
Autre grande satisfaction de Chantal Guiraud : l’envol des orchestres issus de l’école. Dernier en date, Téquila Café est la preuve de la réussite du département des musiques actuelles, créé avec Stéphane Lambert. Elle évoque encore Sonorien, “un groupe de grands élèves de formation classique, qui monte régulièrement un petit programme : ils viennent de jouer à la fête des Minguettes et seront présents pour les spectacles de fin d’année” (voir page 11).
La pratique d’un instrument n’a-t-elle pas manqué à Chantal pendant ces années ? “Chez moi, je fais un peu de musique, mais pas assez. J’ai participé au dernier concert de profs sur la musique anglaise. à Jean-Wiener, j’ai continué un peu le piano et, pendant une dizaine d’années, j’ai joué de la viole de gambe. Comme la direction de l’école me prenait de plus en plus de temps, j’ai lâché. J’ai également pratiqué le clavecin par plaisir personnel.”
Le successeur de Chantal Guiraud vient d’être nommé : il s’agit de Florent Vernay qui dirigeait une école intercommunale à Clamecy, dans la Nièvre.
“J’ai envie de me poser quelque temps, reprend Chantal, mais je reprendrai une occupation liée à la pédagogie. J’aimerais m’impliquer dans l’alphabétisation des femmes immigrées.”