Pour sa dernière saison au Théâtre de Vénissieux, Gisèle Godard a choisi de programmer “de belles locomotives” : “On verra tous mes petits chéris”, dit-la directrice qui va prochainement prendre sa retraite. Car depuis 16 ans, Gisèle accompagne les jeunes compagnies dans leur trajet : Propos, Les Transformateurs, Scènes, Haut et Court mais aussi Les Trois-Huit, le Lézard dramatique, Ariadne ou le GMVL. La présentation de saison se fera le 15 septembre mais les abonnements sont déjà en vente.
Beaucoup des compagnies de la région qui ont fait les belles soirées du Théâtre de Vénissieux depuis que Gisèle Godard en a pris la tête, en 1995, se retrouveront au coude à coude dans cette belle saison 2011-2012. Elles seront aux côtés de têtes d’affiche internationales, elles aussi déjà venues arpenter la scène vénissiane : on pense à l’humoriste Fellag ou à Ariane Mnouchkine et son Théâtre du Soleil.
Il y a deux ans, cette dernière avait ouvert la saison du Théâtre avec un spectacle joué par une compagnie afghane qu’elle avait coachée. Nous étions dans le cadre d’un festival international initié à Lyon par les Célestins, “Sens interdits”. Pour la seconde édition de cette manifestation, Vénissieux accueillera en novembre “L’histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge”, nouvelle création du Théâtre du Soleil à la suite de celle d’Ariane Mnouchkine il y a 26 ans. Mis en scène par Georges Bigot et Delphine Cottu, le texte d’Hélène Cixous sera joué par trente artistes cambodgiens.
Une Phèdre mexicaine et une Antigone palestinienne
La prochaine saison sera donc placée sous le signe des retrouvailles, histoire d’apprécier le chemin parcouru par ces jeunes compagnies acccueillies un temps à Vénissieux. Dernière en date, Haut et Court présentera deux spectacles mis en scène par Joris Mathieu, “Sphère d’or” en novembre et “Urbik/Orbik” en janvier. Le premier s’inspire tout autant du récit du même nom de l’auteur de science-fiction australien Erle Cox que de “La nuit des temps” de Barjavel. Le second est une relecture par le romancier Lorris Murail de l’œuvre de Philip K. Dick, immense nom de la SF américaine à qui Joris Mathieu a décidé de consacrer quelques travaux.
À propos de “Sphère d’or”, Gisèle Godard précise que la soirée s’inscrit dans la première édition des “Micro Mondes”, “un festival des arts immersifs où seront montrés des spectacles à petite jauge ayant un rapport très fort à l’intime. On pourra ainsi voir également “Buchettino” aux Célestins ou “Baba”, au Toboggan de Décines : à la fois théâtre pour les bébés et art culinaire, ce spectacle sera repris en décembre.”
Gisèle ne pouvait pas boucler sa saison sans faire appel à Denis Plassard qui, depuis une quinzaine d’années, a monté au Théâtre de Vénissieux la plupart de ses spectacles. En janvier, il présentera une création sur l’illusion (“Encore quelques illusions”), reprenant les grands principes de la magie (lévitation, disparition, téléportation, mentalisme, etc.), dont il dit lui-même : “sept tours prétendus magiques réalisés par un triple charlatan assisté”.
En février, “Phèdre et autres Grecques” marquera le retour de Sylvie Mongin-Algan et des Trois-Huit sur la scène vénissiane. “La grande figure mythologique grecque a été transposée au Mexique par Ximena Escalante. Personnage transgressif et jusqu’au-boutiste, elle devient très contemporaine. Sylvie Mongin propose un parcours Escalante à travers plusieurs lieux, Vénissieux, le NTH8, le centre Théo-Argence, où l’on retrouvera Salomé, Électre et Andromaque. Les spectateurs bénéficieront d’un tarif réduit dans les autres salles.”
De “Phèdre”, on glissera vers “Antigone”, un texte de Sophocle traduit en arabe pour le Théâtre national palestinien. Un des grands rendez-vous de la saison, assure Gisèle : “Sous la direction d’Adel Hakim, les acteurs palestiniens se saisissent de cette tragédie grecque en disant qu’elle est leur histoire quotidienne. Le châtiment d’Antigone, c’est l’emmurement. Ils subissent le même sort.”
Revenons aux familiers du Théâtre de Vénissieux : Bernard Fort et son GMVL (Groupe de musiques vivantes de Lyon) sont revenus de Mongolie avec un musicien traditionnel et une chanteuse virtuose qu’ils mêlent à leur musique contemporaine. L’étonnant résultat, baptisé “Les contes de la terre du ciel bleu”, se fonde sur des contes mongols qui ont pour héros les animaux. Cette création, accessible dès 7 ans, sera présentée fin novembre.
Philippe Delaigue avait mis en scène l’an dernier “À l’ombre”, sur les collaborateurs de Brecht restés dans l’ombre du dramaturge allemand. Il revient en décembre avec “Bientôt la nuit”, immersion dans l’univers musical de Kurt Weill, un proche de Brecht. Ce récital pour voix, guitare, son et vidéo nous remettra dans l’oreille l’originalité des grands airs de Weill magnifiés par les jazzmen (“Mack the Knife”) ou les rock stars (“Alabama Song”).
Des nouvelles de l’en-delà
Nul n’a oublié les carnets de voyage de Jean-Paul Delore. Au TNP et au Théâtre de Vénissieux, le Lézard dramatique va proposer le cycle “Dernières nouvelles de l’en-delà”. “Sans doute”, que la compagnie nous montrera en mars, est pour Delore “une hallucination sonore collective” avec seize comédiens, musiciens ou chanteurs venant d’Afrique du Sud, du Brésil, du Congo-Brazzaville, du Japon, du Mozambique et de France. Un deuxième spectacle, “Ster City” (en mars), est destiné aux enfants : ils en apprendront plus sur l’histoire de l’Afrique du Sud, de l’homo sapiens jusqu’à l’après Mandela.
Philippe Vincent -beaucoup se souviennent de sa résidence au théâtre- jouait Heiner Müller dans le stade Albalate et dans la salle du conseil municipal. Le metteur en scène proposera en mars sa vision de la révolution égyptienne avec “Un Arabe dans mon miroir”. “Ce spectacle théâtral et musical, explique Gisèle Godard, sera créé au Caire cet été. Il est en plusieurs langues, français et arabe sous-titré.” Les petits chocs des civilisations sont aussi au programme de Fellag, autre habitué de notre scène. C’est même le titre de ce one-man show très humoristique (en mars).
Autant clore cette série de chéris sur une vieille connaissance : Nicolas Ramond et ses Transformateurs reviennent en résidence au Théâtre de Vénissieux. Nicolas, on a de l’affection pour lui : on l’a vu quasiment débuter ici avec “Frontières”. Ont suivi “Heidi dans les villes”, “Travaille ! Travail”, “Les astronautes FMR”, “Babel Ouest, Est et Centre”, “La petite insomnie”, “Crash Test”, autant d’expériences appréciées à Vénissieux.
“Avec sa prochaine création “Annette”, commente Gisèle, Nicolas aborde un nouveau terrain très autobiographique qu’il défriche.” Dans sa présentation, le metteur en scène parle ainsi de son projet : “À l’âge de 3 ans, la vie de ma sœur Annette a pris un cours différent du mien et de celui de mes parents. Son cerveau droit et son cerveau gauche sont entrés en désaccord. Les dysfonctionnements dans sa tête ont gagné son corps. La bataille a duré 22 printemps.”
Nicolas Ramond a demandé un texte à Fabienne Swiatly, qui vient elle-même de conclure sa résidence à Vénissieux auprès de l’Espace Pandora. “Nicolas sera présent tout au long de l’année, reprend Gisèle, avec des laboratoires, des formes hors les murs, des expériences sensorielles menées avec des publics valides et handicapés. Une étape plus aboutie sera présentée en mai et la création aura lieu en novembre 2012.”
Clin d’œil à la directrice, les ballets de l’Opéra de Lyon voulaient lui offrir, pour sa dernière saison, “Giselle” : “Il fallait une scène de 7 m d’ouverture, que nous n’avions pas. Ils ont remplacé leur proposition par un triptyque : Jiri Kylian sur une musique de Ravel, un duo de William Forsythe illustrant la gémellité et un quatuor de Maguy Marin sur du Beethoven.” Ce sera en avril.
Et enfin
Si cette saison est le signe d’un parcours artistique riche en rencontres, elle propose aussi quelques petits nouveaux sur la scène du théâtre. Ainsi Rodolphe Burger, chanteur de Kat Onoma qui s’est également produit avec Bashung, Higelin, Françoise Hardy, Jeanne Balibar et quelques autres, donnera le 21 octobre “un concert hypnotique” avec “Le cantique des cantique” et un hommage au poète palestinien Mahmoud Darwich.
Les rendez-vous musicaux vont se succéder : le 2 décembre avec l’harmoniciste Olivier Ker Ourio, accompagné par Philip Catherine, André Ceccarelli et Emmanuel Bex, et le 10 février avec ce “Concert en situation irrégulière” de Guillaume Bourgogne, qui explore les œuvres inspirées par les rythmes africains (il s’est produit à Lyon pour les sans-papiers). La danse ne sera pas oubliée avec “Trois soli hip-hop” en octobre et “Traverse” en avril. Enfin, pour les tout-petits, “L’histoire de Babar, le petit éléphant” sera contée en mai par Irène Jacob avec l’Ensemble Agora.
Des prix exceptionnels
Le Théâtre de Vénissieux a simplifié son système d’abonnements. L’abonnement est mis en vente dès maintenant à partir de 24 euros pour les adultes, 15 euros pour les moins de 15 ans, lycéens, étudiants, apprentis, demandeurs d’emploi, bénéficiaires du RSA, retraités, parents de famille nombreuse, personnes handicapées, intermittents du spectacle.
Cet abonnement donne accès à trois spectacles, avec la liberté dans le choix, sans limite du nombre total de spectacles (avec un prix par spectacle entre 8 et 13 euros).
L’abonnement donne également droit à une offre exclusive pour le cirque Plume : seuls les abonnés du Théâtre de Vénissieux auront accès au spectacle “L’atelier du peintre” au tarif promotionnel de 18 euros (tarif réduit : 13 euros).
La carte ScènEst
Pour 40 euros, vous avez accès à 5 spectacles dans 5 théâtres de l’est lyonnais : Vénissieux, Saint-Priest, Bron, Vaulx-en-Velin et Décines.
Les spectacles : “L’histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge” au Théâtre de Vénissieux (4 novembre) ; “Rosa la Rouge” au centre Théo-Argence de Saint-Priest (15 et 16 décembre) ; “Tartuffe (2012)” au centre culturel Charlie-Chaplin de Vaulx-en-Velin (18 au 27 janvier), “Nuit blanche chez Francis” à l’Espace Albert-Camus de Bron (3 mars) et “Elektro Kif” au Toboggan de Décines (22 au 24 mars).
Renseignements : Théâtre de Vénissieux, Maison du peuple, 8, bd Laurent-Gérin.
Tél. : 04 72 90 86 68.
www.theatre-venissieux.fr
resa@theatre-venissieux.fr
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