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Aux Minguettes, le marché parallèle de la misère

La police mène régulièrement des opérations de contrôles et saisies

L’image est saisissante, limite surréaliste : une femme d’une quarantaine d’années, débout, sous la pluie, avec pour seule marchandise une paire de chaussures d’hommes en mains. “Dix euros, dix euros !” lance-t-elle, sans sembler y croire vraiment. Contrairement à la plupart des vendeurs alignés le long du mur d’ED, au pied du château d’eau des Minguettes, elle n’appartient pas à la communauté Rom. Elle me confiera venir de Brindas, “pour faire quelques sous”. À côté d’elle, des Roms de tout âge vendent de tout : téléphones portables, chargeurs, copies de CD, jeans, chaussettes, vieux jouets, boîtes de conserve, tablettes de chocolat, pots de Nutella… Quelques chibanis sont là aussi, plutôt spécialisés dans le matériel de bricolage. “Je fais les brocantes, le marché aux puces, j’achète, je revends, témoigne l’un d’entre eux. J’essaie de gagner un peu d’argent pour améliorer l’ordinaire comme on dit”. Au marché parallèle des Minguettes, apparu voici environ deux ans, on trouve indifféremment des marchandises récupérées à la déchetterie, distribuées par des associations caritatives, ou encore volées. Mais tous les vendeurs ont un point commun : ils cherchent à survivre. Ce marché est celui de la misère, ça crève les yeux.

Il n’en reste pas moins un marché parallèle, non autorisé, où les vendeurs ne s’acquittent d’aucune licence et où les produits ne sont absolument pas contrôlés. Les forains voisins ne s’en plaignent pas trop. Ces vendeurs à la sauvette ne constituent pas une réelle concurrence. Les habitants, les habitués du marché des Minguettes, sont en revanche plus critiques. Pas agressifs, pas intolérants, mais critiques. Ils se plaignent notamment de la saleté, du nombre croissant de vendeurs, des difficultés pour circuler.
La Municipalité, avec le concours de la police nationale, a mené plusieurs opérations de contrôle et de verbalisation pour freiner la croissance du marché parallèle. La dernière en date remonte au jeudi 24 mars. 7 m3 d’objets divers ont été saisis. Mais deux jours plus tard, les vendeurs étaient de retour. “On constate le même phénomène à Paris et dans d’autres grandes villes, observe le maire, Michèle Picard. Vénissieux n’est pas un cas isolé. C’est devenu un problème d’ordre public.”

Un aménagement dissuasif avant l’été
Les interventions de police se révélant inefficaces, la Ville et ses partenaires (ED, le Grand Lyon, la SERL en tant qu’aménageur de Vénissy, et Véolia pour le château d’eau) ont décidé de réaliser un aménagement dissuasif des lieux, pour empêcher la tenue du marché parallèle. Mais les vendeurs ne vont-ils pas recommencer plus loin ? “L’effet report n’est pas exclu effectivement, reconnaît Michèle Picard. À ce moment-là, on avisera. Vous savez, quand on traite des questions de pauvreté car c’est bien de cela qu’il s’agit, rien n’est simple. On aurait pu envisager de tolérer un grand marché parallèle, on me l’a suggéré. Mais je refuse d’accompagner la misère. La misère, il faut la combattre, pas s’en accommoder. Pour les vide greniers nous avons eu la même position : quand nous avons constaté qu’il y avait des abus nous avons été obligés d’encadrer plus strictement les autorisations, même si cela permettait à certaines personnes de se faire un peu d’argent.”
Michèle Picard ne cache pas cependant être confrontée à un dilemme. “C’est sûr, ce n’est pas facile. C’est comme avec les camps de Roms. On ne peut pas laisser ces gens désemparés, sans aucune hygiène, sans vacciner les enfants… En même temps, je comprends le propriétaire qui veut récupérer son terrain et les voisins qui peuvent être gênés. Et quand l’expulsion intervient, sur le fond on ne règle rien, car le problème se déplace. La solution, ce serait que l’État s’occupe véritablement de cette population. On estime que les Roms sont 12 000 en France, ce n’est pas impossible.”
De la même façon, seule une éradication de la grande pauvreté pourrait lutter efficacement contre les marchés de la misère. En attendant cette improbable issue, la Ville et ses partenaires se montrent pragmatiques : les aménagements dissuasifs devraient être réalisés avant l’été.

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