L’Opéra de Lyon multiplie les travaux d’approche avec les petits Vénissians, leur proposant de venir chanter avec la Maîtrise ou d’écouter en direct le talent de musiciens jouant Mozart.
Dans la grande salle de la maternelle Max-Barel, ce 21 mars, les enfants sont en énorme majorité, qu’ils soient auditeurs ou vedettes. Une partie des élèves de la Maîtrise de l’Opéra (dont beaucoup de Vénissians), inscrits dans les classes de 6e, 4e et 3e, ainsi que plusieurs lycéennes sont venus faire une démonstration talentueuse d’où naîtront peut-être quelques vocations. Ils sont accompagnés par leur chef de chœur, Karine Locatelli, et par le pianiste Grégory Kirche.
Responsable du développement culturel à l’Opéra, Stéphanie Petiteau prévient d’emblée : certaines personnes pensent que l’opéra, ce n’est pas pour elles. La suite va leur prouver qu’elles ont tort. Karine Locatelli fait se lever l’assistance pour pratiquer quelques exercices, en même temps que la Maîtrise. Des fois que certains aient envie de les accompagner au chant, on ne sait jamais. “Il faut faire marcher le souffle”, annonce la chef de chœur. Les bras doivent être lâchés, le long du corps. On entend d’abord des sons, puis les voix s’y mettent. “Excellent, les parents et les instits !” encourage Karine. La glace est rompue, envolée l’intimidation, la séance peut commencer. Les enfants chantent l’extrait du conte musical “Douce et Barbe Bleue” qu’ils préparent pour la fin de la saison. Ils incarnent des marmitons préparant des mets pour les invités. Karine les exhorte : “Articulez, on ne comprend pas le nom des plats.” Ils reprennent. Dans la salle, les petits auditeurs n’en perdent pas une miette. Certains s’imaginent sans doute déjà dans le chœur.
Les jeunes chanteurs passent à un autre programme, constitué de musiques traditionnelles des pays de l’Est, et entonnent un chant grec. Karine fait chanter l’assistance sur un “Aaaaaa” prolongé et propose à quelques volontaires d’utiliser une percussion. Après un morceau de Saint-Saëns, la discussion peut commencer. Stéphanie explique qu’une centaine d’enfants sont scolarisés à la Maîtrise. La prochaine audition se déroulera le 25 mai, pour laquelle les candidats devront préparer un chant et un poème, “afin d’évaluer leur capacité vocale et leur envie”. Il n’est pas besoin d’avoir appris la musique ou le chant. L’Opéra met à disposition sur son site internet une liste de chansons à écouter.
“Des mesures d’accompagnement spécifiques ont été prises pour les petits Vénissians intégrés à la Maîtrise, poursuit Stéphanie : une personne les accompagne, l’Opéra prend en charge le surcoût des repas et prête un piano à leur domicile en fonction du quotient familial.” Quelques petits chanteurs témoignent ensuite. Tous ravis d’être entrés à la Maîtrise. “On s’éclate !” Ils énumèrent leur emploi du temps et le nombre d’heures par semaine que leur prennent le chant, le piano, la technique vocale, les claquettes, l’expression corporelle et la formation musicale.
Le samedi suivant, 26 mars, Karine Locatelli animait un atelier de chant à la maison de l’enfance Anatole-France. “Le but est de faire travailler des groupes d’enfants qui veulent essayer la Maîtrise et d’encourager ceux qui s’interrogent. Je leur explique comment on fonctionne, je les sécurise.”
Le bel art de Mozart
Qui de mieux qu’un musicien pour venir parler de Mozart ? D’autant plus que Nicolas Bianco, contrebassiste, arrangeur et compositeur, était programmé à l’Opéra de Lyon dans le cadre du festival Mozart qui s’est déroulé jusqu’au 31 mars, avec le spectacle de cabaret-jazz “Wam !” : un concert sur Mozart… sur mesure !
Nicolas est venu ce 22 mars à l’école élémentaire Henri-Wallon avec une pianiste, un saxophoniste, un flûtiste et une chanteuse. Deux jours plus tard, ils recommençaient à l’école Anatole-France. Ils y reviendront le 14 avril et seront à l’école Max-Barel le 12 avril. Pourquoi ces quatre journées à Vénissieux, et ces deux autres programmées dans le premier arrondissement de Lyon ? Tout simplement pour donner aux enfants une approche de l’opéra, qui pourra ensuite déboucher sur l’envie d’en écouter sur cederom ou d’aller voir un spectacle. Ce sont d’ailleurs les premières questions que pose Nicolas : “Avez-vous déjà vu un opéra ? Y êtes-vous allé ?” Personne ne bronche (pour Mozart, plusieurs doigts se lèveront).
Alors Nicolas va leur expliquer les deux grandes formes existantes (opéra-bouffe et opera seria), ce que sont l’ouverture, les airs, le récitatif. Le tout accompagné d’exemples chantés et joués. Pour illustrer l’air d’opéra, il leur chante “Il en faut peu pour être heureux”, la chanson de Baloo dans “Le livre de la jungle” mais les enfants, dubitatifs, ne donnent pas l’impression de connaître davantage Walt Disney que Verdi. “Il faudra sans doute que je m’adapte et que je change mes exemples”, m’avouera le contrebassiste à la fin de la séance.
Pour “Don Giovanni”, écrit par Mozart sur un livret de Lorenzo Da Ponte, Laura, la chanteuse, va jouer trois personnages : Don Juan, son valet et le fantôme du Commandeur. Pour les différencier, elle se tourne à droite, à gauche ou regarde droit devant elle. Les paroles sont en italien et les enfants devront ensuite commenter ce qu’ils viennent d’entendre. Et ils ne se trompent pas. Nicolas Bianco est un bon arrangeur. “Je garde l’esprit de la musique dans un style plus actuel”, annonce-t-il. Son Mozart sonne jazzy, emprunte parfois les rythmes du tango. Et comme la musique est un jeu, les musiciens vont faire s’amuser les enfants. Ils leur font chanter le fameux “Ah ! vous dirai-je maman”. Une des élèves prend même la baguette pour mener tout à la fois l’orchestre et les chanteurs. On a beau chasser le naturel de Nicolas, le voilà qui revient au galop et le swing s’empare des variations mozartiennes. Les enfants achèvent leur partition en claquant des doigts.
En une heure de temps, ces apprentis mélomanes auront entendu des extraits de “La Traviata”, de “Don Giovanni” et des “Noces de Figaro”, on leur aura parlé d’opéra, de jazz, de musique latine et de singspiel, “version allemande de l’opéra comique”. “Je tiens à ne pas les infantiliser, témoigne par la suite Nicolas Bianco. On le fait tellement par ailleurs ! Ce qu’ils ont dit à propos de la scène du Commandeur était très pertinent.”
À propos de ses adaptations musicales, il conclut : “J’ai dégotté cette chanteuse qui est capable de passer d’une tradition à l’autre, du flamenco au scat et à la voix lyrique. Décliner Mozart en jazz ou en tango permet de se l’approprier et de le ramener à la musique vivante.”
Un concert-rencontre de la Maîtrise de l’Opéra, suivi d’une discussion, se tiendra au Théâtre de Vénissieux, le 11 avril à 18 heures. Renseignements : 04 78 28 93 89 – www.opera-lyon.com
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