Puisque le Théâtre de Vénissieux et la compagnie nÖdj ont choisi de présenter “La musica deuxième” de Marguerite Duras devant une petite jauge de spectateurs, lesquels s’installent sur la scène-même, il est normal de faire traverser la salle à ces derniers afin qu’ils montent sur les planches par un petit escalier. Et quoi de mieux, vu le sujet, d’être accueilli par Duras elle-même ? Enfin, par un comédien grand comme une plage de l’Atlantique, perruqué et lunetté à la Marguerite, un pull à col roulé et une petite jupe droite. Tout en parlant de l’amour et du couple ou de la difficulté d’avoir un animal de compagnie en ville (en prenant l’exemple d’une vache), la Marguerite fait grimper les spectateurs sur la scène. Le spectacle peut commencer.Un couple est là, qui se déchire. Ils viennent d’officialiser devant le tribunal une séparation qui remonte à quatre ans. Leurs mots, leurs gestes sont épiés par notre Marguerite, perchée sur une passerelle dans les cintres, qui dit à voix haute les didascalies et leur donne des indications scéniques : va par là, plus fort, moins violent, etc. Dociles, nos deux comédiens obéissent. Jusqu’au moment où Duras, l’inconsciente, descend sur scène. Elle est entraînée vers les coulisses. Cris, bruits feutrés. En lui tordant le cou, en fauchant la Marguerite, les deux acteurs vont enfin pouvoir jouer Duras fidèlement, sans la trahir.
On l’aura compris, tout est question de parti pris dans cette intelligente mise en scène de Mélanie Bestel. Parti pris de l’espace nu, avec à peine ce qu’il faut d’éléments de décor. Parti pris du temps qui passe en accéléré, asséné par les coups de l’horloge. L’important, c’est évident, réside dans la relation entre l’homme et la femme : ils s’aiment, se détestent, n’accordent pas toujours leurs mots à leurs gestes. Les envies de meurtre s’accompagnent d’étreintes, les mots doux fondent sous la dureté.
Guillaume Bailliart, Aurélie Pitrat et Pierre-Jean Étienne sont au diapason. On les retrouvera ce jeudi 17 mars, à l’issue de la représentation, pour une discussion avec le public. Et ce samedi à 14 heures à la médiathèque Lucie-Aubrac, pour une conférence loufoque sur l’amour (d’après Ovide), “Atteindre le cœur et toucher le visage”.
“La musica deuxième” au Théâtre de Vénissieux jusqu’au 19 mars. Représentation à 20 heures.
Le samedi 19 mars à 14 heures la médiathèque Lucie-Aubrac pour “Atteindre le cœur et toucher le visage”.
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