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Filles, entre violence et rêves d'égalité

Selon une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (l’ONDRP), les filles mineures sont de plus en plus violentes. Ces cinq dernières années, le nombre d’adolescentes impliquées dans des faits de délinquance a augmenté. Est-ce le cas à Vénissieux ? Non, répond le commissaire de police Pierre Labalme : « Les violences faites par des femmes (tous âges confondus) a même diminué de 16% entre 2009 et 2010. Les mineurs sont 20% a avoir été mis en cause dans des affaires l’an dernier mais ce sont en très grande majorité des garçons. Les  violences entre mineures consistent souvent en des insultes, plus rarement des bagarres. Et à Vénissieux, aucun phénomène de bande de filles n’est connu de nos services de police. » Ces phénomènes de violence, nous  en avons parlé avec A. et N., deux amies âgées de 17 ans. Elles-mêmes, qui se qualifient de « petites terreurs », disent s’être assagies avec l’âge. Leurs paroles trahissent surtout une profonde souffrance et une inextinguible soif d’égalité.

Pull rayé à capuche, chapka, chewing-gum et bouille de garçon manqué. A. vit aux Minguettes dans un appartement trop petit, partage sa chambre avec ses deux sœurs. Elle a deux frères. Et une mère qui élève seule ses cinq enfants. Ses passions ? Son Ipod, qu’elle fait hurler dans les oreilles. « J’aime la musique qui déchire… et aussi les chansons tristes de certains chanteurs français. J’ai même découvert Jacques Brel grâce à Céline Dion. » La jeune fille adore aussi son portable, qui lui sert à contacter les copines par SMS. « J’en envoie des dizaines par jour. » Dans une autre vie, plus tard, elle aimerait être styliste. Mais cela ne se fera jamais, « parce que, dit-elle, en fin de 3e, on m’a mise sur une voie de garage”. Orientée, contre son gré, en filière « Vente de produits frais ». Rêve d’ado déjà envolé.

A. manque de repères et de père. “Il nous a quittés quand mon petit frère est né. J’avais 2 ans et demi. Je me souviens peu de lui. ” Elle poursuit : “Je n’ai jamais aimé l’école. En fait, je n’ai jamais travaillé. Très rapidement, je me suis retrouvée en échec… » Alors, elle a fait l’école buissonnière. « Le seul moyen pour moi de me faire remarquer en cours, ça a d’abord été de chahuter. Puis de me battre. Pour la provoc’ et aussi  pour montrer qu’on est aussi fortes que les mecs.” Frapper pour régler les contentieux parfois les plus minimes, motivés par la jalousie, la vengeance ou par un « manque de respect ». « C’est une manière de nous imposer face aux garçons, confirme N. Parce que la vie n’est pas simple. Ni à la maison ni dans le quartier. Par exemple, quand on met une jupe et des talons, on nous traite de putes. Au moins quand on insulte, quand on fait du bruit, les garçons nous respectent. On parle comme eux, on est vulgaires. On est à égalité. »

Il est arrivé que les deux copines s’en prennent à d’autres filles tout simplement parce qu’elles les avaient regardées de travers… ou parce qu’elles étaient de bonnes élèves. « On a même envoyé des SMS odieux, on a écrit des choses violentes sur Facebook. On n’imaginait pas que ça pouvait choquer, faire mal.  Au contraire, certaines copines nous considéraient presque comme des héroïnes. En réalité, nous étions très malheureuses. Quand tu dois affronter les soucis de la maison, de l’école, des garçons, des rumeurs, soit tu es assez forte et tu laisses dire, soit tu as ton honneur et tu ripostes comme les garçons. »

Depuis quelques mois A. et N. se sont assagies. Elles ont compris que la violence n’était pas ancrée en elles, qu’elles pouvaient la canaliser. Dès qu’elles vont à Lyon, elles aiment s’habiller « en filles ». Toutes les deux se retrouvent vers Bellecour, devant la Fnac, ou aux Cordeliers chez H&M. En ville, elles ont toujours été différentes. « On va draguer, on fait profil bas ! On parle même entre nous de prince charmant, de mecs gentils qui nous respecteraient et avec qui on aimerait vivre. D’enfants aussi. Nous, on en aura un ou deux, mais pas plus. Il nous arrive même de chercher des prénoms et d’imaginer leur vie. On la voudrait tellement différente de la nôtre. On rêve un peu. Avec ma copine, on peut discuter des heures de plein de choses, d’histoires de filles, de notre souffrance, de notre vie ratée, de nos regrets. Et puis on reprend le bus, le tram pour rentrer et on se promet de rester amies à vie. »
Le soir, A. et N. regardent la télévision, s’envoient des SMS. Mais surtout, surtout ne traînent pas en bas des tours…

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